« When a crocodile attacks an animal, it will try to disable it. It does this by getting a firm, biting grip, submerging, and performing a long, fast barrel-roll. This disorients the prey, drowns it, and probably twists off the bitten limb. In this dire situation, your best line of defence is to stab the reptile in its eyes with anything sharp that you have. Alternatively, if you can lift up its tongue and let the water into its lungs whilst it is underwater, then a crocodile will start to drown and will release its prey.”
L'employée Swissair se demande bien qui sont ces six énergumènes et ce qu’ils vont bien pouvoir fabriquer en Tanzanie avec les quatre cents kilos de materiel bizarre qu’ils viennent d’enregistrer. Elle ne sait pas que nous allons explorer en canoe un des coins les plus sauvages d'Afrique de l'Est, les rivières Kilombéro et Rufiji.
Retour en arrière un an avant : Lors d’un voyage dans le nord du Mozambique, j’ai fait la connaissance d’un personnage singulier Mark Genkins. Il vivait la depuis déjà trois ans, isolé du monde avec, comme seul trait d’union avec la civilisation, son vieux Cessna. Sa mission, était de créer une réserve, dans cette chaîne de montagnes rocheuse aux confins du pays, prés d’une bourgade nommée Mécula, au milieu d’un pays meurtri par trente années de guerre civile. Son camp de base était établi sur les fondations d’un ancien fort portugais du dix huitième siècle, au frais sur les hauteurs. A travers de la végétation dense de la foret tropicale on apercevait la plaine infinie, surchauffée, qui s’étendait , jusqu’au fleuve Rovuma, fleuve frontière avec la Tanzanie. Le projet auquel il participait était financé par un riche armateur norvégien, qui voulait voir ainsi l’œuvre sa vie naître de sa fortune et des dix millions de dollars que lui coûtait une telle aventure : Créer un sanctuaire pour la protection de la faune, dans cette région déshéritée et abandonnée par le reste du monde. Il en ferait cadeau, par la suite, au gouvernement. Mark avait estimé une population de plus de dix mille éléphants dans la région, car le site avait étrangement été préservé du braconnage durant les longues années de guerre civile. Les habitants des régions rurales ne se hasardant guère à risquer leur vie en se baladant dans la brousse en cette période agitée.
Un soir, alors que nous partagions nos expériences, il me parla longuement d’une rivière dont l’image me trottera longtemps dans la tète : la Rufiji
Je revois encore son doigt filer sur la vieille carte usée par la poussière et les cahots de la piste défoncée. Il me montra le tracé de la belle.
Je mettrai six mois à préparer l’expédition.
Les premiers contacts avec les autorités locales furent sans réponses. L’administration du Wildlife department, à Dar es Salaam, ne semblait pas l’air très intéressés par le projet. La lenteur de la bureaucratie africaine y était surtout pour quelque chose. Je décidait de trouver un contact sur place afin de trouver les informations minimales, car, à ce stade, personne n’avait été en mesure de me communiquer une quelconque information, tout au moins technique, sur le fleuve et ses environs.
Retour en arrière un an avant : Lors d’un voyage dans le nord du Mozambique, j’ai fait la connaissance d’un personnage singulier Mark Genkins. Il vivait la depuis déjà trois ans, isolé du monde avec, comme seul trait d’union avec la civilisation, son vieux Cessna. Sa mission, était de créer une réserve, dans cette chaîne de montagnes rocheuse aux confins du pays, prés d’une bourgade nommée Mécula, au milieu d’un pays meurtri par trente années de guerre civile. Son camp de base était établi sur les fondations d’un ancien fort portugais du dix huitième siècle, au frais sur les hauteurs. A travers de la végétation dense de la foret tropicale on apercevait la plaine infinie, surchauffée, qui s’étendait , jusqu’au fleuve Rovuma, fleuve frontière avec la Tanzanie. Le projet auquel il participait était financé par un riche armateur norvégien, qui voulait voir ainsi l’œuvre sa vie naître de sa fortune et des dix millions de dollars que lui coûtait une telle aventure : Créer un sanctuaire pour la protection de la faune, dans cette région déshéritée et abandonnée par le reste du monde. Il en ferait cadeau, par la suite, au gouvernement. Mark avait estimé une population de plus de dix mille éléphants dans la région, car le site avait étrangement été préservé du braconnage durant les longues années de guerre civile. Les habitants des régions rurales ne se hasardant guère à risquer leur vie en se baladant dans la brousse en cette période agitée.
Un soir, alors que nous partagions nos expériences, il me parla longuement d’une rivière dont l’image me trottera longtemps dans la tète : la Rufiji
Je revois encore son doigt filer sur la vieille carte usée par la poussière et les cahots de la piste défoncée. Il me montra le tracé de la belle.
Je mettrai six mois à préparer l’expédition.
Les premiers contacts avec les autorités locales furent sans réponses. L’administration du Wildlife department, à Dar es Salaam, ne semblait pas l’air très intéressés par le projet. La lenteur de la bureaucratie africaine y était surtout pour quelque chose. Je décidait de trouver un contact sur place afin de trouver les informations minimales, car, à ce stade, personne n’avait été en mesure de me communiquer une quelconque information, tout au moins technique, sur le fleuve et ses environs.
Le fleuve traverse la réserve de chasse Selous, territoire grand comme la Suisse, dont les seuls visiteurs sont quelques chasseurs professionnels dont la probabilité de rencontre est extrêmement limitées, sinon nulle. La seule carte de que je réussis à me procurer, furent assez vague a propos du relief que nous allions rencontrer. Les relevés topographiques datant de plus de quarante ans.
Il semble clair que la majorité du parcourt, traverse la réserve d’ouest en est, et que, nous ne rencontreront aucune vie humaine dans cette région du globe.
Apres de nombreuses recherches, je suis en contact avec le propriétaire d’un Hôtel, un italien, qui a l’air de s’intéresser à mon projet. Les choses vont enfin pouvoir s’accélérer. C’est avec difficulté que j’organise les transactions avec le ministère, il faudra de nombreux fax et coups de téléphones, il me faudra même faire un CV, décrivant les expéditions précédentes, avec preuves et photos a l’appui…
Et puis la réponse tombe, un matin. La lettre d’autorisation écrite de la main de Benson. Kibonde, honorable General Manager de l’administration du Selous, est enfin arrivée. Il me faudra tout de même signer une décharge de responsabilité dans laquelle on parle de braconniers (poachers), et d’autres perspectives réjouissantes (hippopotames, crocodiles)…
On prend finalement rendez vous à Dar, a mon arrivée pour finaliser les papiers, j’en profiterai pour affiner l’itinéraire sur place, avec les spécialistes du coin.
J’ai localisé une piste d’atterrissage qui semble être suffisamment longue pour accueillir le bimoteur qui va nous transporter, elle est située à une vingtaine de kilomètre de la rivière, proche de la charmante ville de Ifakara, au milieu de nulle part. Mon contact Italien, me met en relation avec une ONG allemande, installée sur place depuis plus de vingt ans, qui semble bien connaître le Selous ; sa mission principale étant la préservation des espèces en voie de disparition et la lutte contre le braconnage. Le premier contact avec eux est déprimant. « Qui vous a donné l’autorisation ? » « C’est de la folie » ; « trop d’hippopotames agressifs, qui vont vous renverser » ; « trop grand nombre de crocodiles » ; « vous ne passerez pas la zone des Shuguli Rapids »… merci herr doctor….
En fait j’ai la franche impression, qu’il est plus facile, lorsqu’on ne sait pas, d’essayer de décourager que d’expliquer. Je n’ai aucune information précise sur les difficultés techniques dues au terrain à plus ou moins cent kilomètres.
Je dormirais mal, cette nuit là, en me demandant si je n’étais pas en train de passer les limites du raisonnable.
Il semble clair que la majorité du parcourt, traverse la réserve d’ouest en est, et que, nous ne rencontreront aucune vie humaine dans cette région du globe.
Apres de nombreuses recherches, je suis en contact avec le propriétaire d’un Hôtel, un italien, qui a l’air de s’intéresser à mon projet. Les choses vont enfin pouvoir s’accélérer. C’est avec difficulté que j’organise les transactions avec le ministère, il faudra de nombreux fax et coups de téléphones, il me faudra même faire un CV, décrivant les expéditions précédentes, avec preuves et photos a l’appui…
Et puis la réponse tombe, un matin. La lettre d’autorisation écrite de la main de Benson. Kibonde, honorable General Manager de l’administration du Selous, est enfin arrivée. Il me faudra tout de même signer une décharge de responsabilité dans laquelle on parle de braconniers (poachers), et d’autres perspectives réjouissantes (hippopotames, crocodiles)…
On prend finalement rendez vous à Dar, a mon arrivée pour finaliser les papiers, j’en profiterai pour affiner l’itinéraire sur place, avec les spécialistes du coin.
J’ai localisé une piste d’atterrissage qui semble être suffisamment longue pour accueillir le bimoteur qui va nous transporter, elle est située à une vingtaine de kilomètre de la rivière, proche de la charmante ville de Ifakara, au milieu de nulle part. Mon contact Italien, me met en relation avec une ONG allemande, installée sur place depuis plus de vingt ans, qui semble bien connaître le Selous ; sa mission principale étant la préservation des espèces en voie de disparition et la lutte contre le braconnage. Le premier contact avec eux est déprimant. « Qui vous a donné l’autorisation ? » « C’est de la folie » ; « trop d’hippopotames agressifs, qui vont vous renverser » ; « trop grand nombre de crocodiles » ; « vous ne passerez pas la zone des Shuguli Rapids »… merci herr doctor….
En fait j’ai la franche impression, qu’il est plus facile, lorsqu’on ne sait pas, d’essayer de décourager que d’expliquer. Je n’ai aucune information précise sur les difficultés techniques dues au terrain à plus ou moins cent kilomètres.
Je dormirais mal, cette nuit là, en me demandant si je n’étais pas en train de passer les limites du raisonnable.
Le loueur d’avion local, me propose un aéronef qui devrait avoir la capacité suffisante, en chargement pour les six personnes de l’équipe et tout le matériel, malheureusement, le monomoteur est exclu, ce qui fera monter la facture.
Pour cette expédition, j’ai choisi le matériel avec une extrême précaution : Des canoés d’expédition démontables, achetés directement chez le fabricant,en Norvège, des sacs a dos étanches, une Centrale électrique de ma fabrication. J’ai investi aussi dans une radio satellite, avec laquelle je peux envoyer des messages emails de n’importe quel coin de la planète. Il est prévu qu’elle ne servira qu’en cas de problème réel. C’est sûrement le premier engin du genre en Afrique, vu que c’est aussi le premier du genre en Europe….
A mon bureau, en France, je charge Pierre Phalipou, qui assure le support technique téléphonique pour ma société, d’assurer aussi le support technique….au cas ou il recevrait un message d’urgence.
Le départ approche, je délègue les derniers détails sur la préparation du matériel à mes amis. Mon contact Italien, Massimo, lui, m’informe qu’il est prévu une couverture médiatique de l’expédition par les médias locaux, mais je n’y crois guère.
Le groupe, est composé de mes amis : Jean Michel Girod, Jean pierre Metz, Jean Yves Lagier, Jean benoît Philippon; Dominique Devaux
En atterrissant a Dar es Salaam, je me demande si mon correspondant ne nous aura pas posé un lapin, et surtout, si notre matériel nous aura suivi.
Mon ami Massimo est la, le barda est récupéré avec une facilité déconcertante. Nous aurions pu perdre la moitié des sacs, être fouillés par la douane qui aurait passé au crible chaque sac étanche. Mais nous passons sans encombre.
Chaleur torride, humidité extrême, j’ai choisi le moment le plus chaud de l’année, en limite de la saison de pluies. Ca promet. Direction l'ancien aérodrome à un quart d’heure de là, ou est sensé nous attendre Cornélius et son avion…de nouveau j’ai un doute. Nous déchargeons le Land Rover, et je file vers le ministère, j'ai rendez vous avec les officiels. Il est impératif de commencer par le protocole pour éviter les ennuis avec les autorités, et au besoin avoir leur appui : Il me faut absolument un original écrit de la main du boss. Le bâtiment du ministère est en piteux état, terre battue, de vieux land rovers de vingt ans qui tiennent debout a force de réparations et de soudures diverse, des bâtiments en tôle, a moitié rouillés.
L’accueil au premier abord est assez distant. Mon curriculum de "baroudeur africain" en main, Kibonde prend un air sérieux qui m’inquiète : et si il changeait soudainement d’avis ? Aussi, je lui exhibe les différents articles de journaux français publiés sur mes expéditions passées. Pourtant durant notre entretien il tente encore de me dissuader de partir. Je lui montre quelques photos, et soudain son visage s’illumine. Moi qui pensais avoir des informations précises sur la rivière, visiblement, les personnes qui semblaient connaître le mieux la région sont dans ce bureau ....il sont complètement incapable de me dire ou se trouvent les rapides, les chutes, les gorges soit disant dangereuses....
Il est vrai que la carte aéronautique avec laquelle j'ai préparé l'expédition est plus détaillée que celle qui tapisse les murs du bureau, et qui doit bien avoir cinquante ans. Selon lui on va trouver des hippopotames et des crocodiles agressifs en quantité, des chutes infranchissables..., le discours de Kibonde est inquiétant, mais après une heure de négociation, j'obtiens son accord définitif, contre la promesse de publier un article dans des journaux en France et quelques photos en Europe, et revenir avec un relevé sur la navigabilitè de la rivière.
De plus il aimerait bien une photo de lion du Selous dans son bureau….
On se séparera après un échange de cartes de visites, la méfiance des premiers instants à mon égard s'étant transformée en enthousiasme. On en vient à parler des éléphants, des trois Land Rovers neuves qui viennent d’être livrées récemment. Il me montre sa collection de photos privées d’animaux qu’il sort de son tiroir.
Je garderai précieusement sa carte de visite, véritable passeport en cas de rencontre malencontreuse avec des militaires agressifs ou des rangers trop pointilleux.
Mon expédition est a présent sous couvert de Mr Kibonde, General Park Manager of Selous, et ça, ça vaut de l'or.
Je réalise, en sortant du bâtiment tout a coup, que personne, n'a jamais descendu les rivière Kilombero et Rufiji en canoë.
De retour à l’aérodrome, un Français m'aborde ; Michel Lanfrey, il est Producteur de film ,et réalise des documentaires pour WWF ainsi que pour les organisations Internationales, il produit quelques pubs, et possède ici aussi, le premier groupe de presse d'Afrique de l'Est.
Il a entendu parler des "Crazy Frenchies" comme ils nous appellent déja ici et semble intéressé et enthousiaste à l'idée de filmer l'expédition dans le Selous. Pourquoi pas? Sur le coup je ne le prends pas trop au sérieux.
Pendant les préparatif, la dépose du plan de vol, mes amis, un peu interloqués devant la tournure des évènements, mais sans se douter de la difficulté vont acheter de la nourriture: trente kilos de pâtes, quinze de riz, du pain, voila tout! Nous prendrons du poisson, nous chasserons. Avant d'embarquer dans notre avion, nous voyons arriver Michel en courant, avec un caméraman, pour un interview pour ITV la TV locale...Il disait vrai le bougre.
Contact, nous voila en l'air, je partage le cockpit du Cessna 300 avec le Capitaine Cornelius. Avec ma licence de pilote privé, je n'ai pas le droit de piloter un bimoteur a turbine mais ça me démange ! L’avion surchargé est secoué violemment par les thermiques de fin de matinée et j’en vois qui ne sont pas vraiment rassurés derrière.
Nous volons pendant plus de deux heures, dans la chaleur étouffante, au dessus d'un paysage de brousse hostile, sans voir aucune habitation ni âme qui vive. Paysage monotone ou la panne moteur serait problématique, sinon fatale.
Et puis, au loin, La rivière, telle un serpent lumineux, reflétant l’horizon et le soleil de plomb. La voila, brillante, a contre-jour, la Rufiji, que nous apercevons, surgissant des gorges Stiegler, annoncées infranchissables par Kibonde. Des bancs de sable blanc immense, des méandres larges, une eau profondément marron, magnifique.
En approche de la rivière nous descendons à mille pieds, pour tenter de repérer les passages difficile, trois passages à très basse altitude, vu d’ici tout semble tellement faciles, mais il ne faut pas se fier aux apparences.On aperçoit un espèce de camp en haut des gorges, sûrement des rangers, et puis, comme un goulet très étroit, comme pris dans un entonnoir, le lit de la rivière qui se rétrécit tellement que l’on a l’impression de voir un mince ruisseau inoffensif serpenter autour des collines des gorges. Quelle longueur peut faire ce passage? Dix kilomètres, vingt peut être. Le groupe est enthousiaste « c’est ça les gorges ? c’est du gâteau »je préfère ne rien dire, j’apercois tout de même de l’écume de temps en temps ;On verra en tant utile, vu d’en bas…
Plus loin, canal de basalte noir, et c'est la jonction avec la rivière Ruaha qui elle, verse une eau verte, verte comme la foret, et puis une plaine de foret dense.
On apercoit comme des barrières de rochers, et assez facilement les passages, toujours vers la gauche. Je marque les points au gps, qui me semblent significatifs, en notant, la carte sur les genoux les points importants ; car ensuite il sera trop tard.
La jonction avec la rivière Kilombero, deux cent kilomètres au sud, est magnifique. Nous sommes en saison sèche, les deux rivières se rejoignent dans des cascades immenses. Nous allons rencontrer les problèmes ici. J’essaie de me faire une idée sur le meilleur passage possible, j’essaie d’imaginer ce a quoi ça va ressembler, vu d’en bas, le temps qu’il faudra pour porter tout le matériel, ce n’est pas évident.
Deux cent kilomètres encore de navigation vers le nord, nous suivons une espèce de canal rectiligne, non plus de basalte, mais, de sable blanc. Très large, qui doit ressembler a un immense fleuve pendant la saison humide. Au vu de la largeur de la rivière actuelle, j’ai peur qu’il fasse porter un maximum, et que l’eau manque au rendez-vous. Et puis la zone sableuse fait place à une plaine inondable, verte, avec, en toile de fond, les montagnes d’Ifakara, la rivière serpente de nouveau, nous commençons a apercevoir des habitations. Ifakara, le seul village du coin, dans cette région incroyablement dénuée de toute habitation et de population. Un oasis au milieu de cet enfer, pour celui qui ne connait pas l'Afrique, ou du paradis pour celui qui en est amoureux. Cornélius, perd de l’altitude, et passe très bas sur le village, cela suffira, me dit il, a alerter la population qu’un avion va atterrir, et il espère que des autochtone viendront a la piste, ce qui est le cas habituellement, les visites étant plutôt rares ici. Il vaut mieux pour nous que ce scénario se réalise, car je nous voit mal nous trimbaler les quatre cent kilos de matériel a dos d’homme (surtout les nôtres) jusqu'à la rivière. La piste d'atterrissage semble être à une vingtaine de kilomètres de la rivière, et personne ne nous attend ici!
Les roues touchent la piste de terre rouge, un gars avec son vieux vélo, arrive à notre rencontre. C’est le fonctionnaire du coin : il nous exhibe son vieux cahier. Il consigne les mouvements de l’ «aéroport », et nous fera payer la taxe locale, dérisoire. Je suis un peu inquiet quand au moyen de transport. Notre ami, a vélo nous indique qu’il va essayer de trouver « la » voiture d’Ifakara, dans une plantation voisine, et le voilà parti. Nous déchargeons, à ce moment précis, je me rends compte que la quantité de matériel que nous avons amené va mettre notre dos à rude épreuve! Nous allons commencer par vingt kilomètres de portage, si ça continue. On s’installe sous un arbre en attendant l’hypothétique arrivée du camion…il fait une chaleur torride au moins 45° a l'ombre et pas un souffle de vent!
Notre nouvel ami Michel et son cameraman, qui étaient venus avec nous dans l'avion, m'interviewent! Nous passerons aux information TV ce soir!Fun !
Nous nous entendons sur le fait que, d’ici une semaine, je transmettrai ma position avec ma balise satellite, il nous rejoindra en hélicoptère pour filmer. A bientôt les gars !
L’avion re-décolle, il est parti dans un nuage de poussière, impossible de reculer maintenant. Parmi les six membres du groupe, un nouveau, notre « stagiaire » s'est greffé, j'ai envie de lui dire que dans une première expérience africaine comme ça, il risque d'en prendre plein la gueule. Je me demande même si je n'ai pas emmené mes amis dans une galère...mais c'est trop tard, et je me tais. Nous attendons patiemment le camion, qui arrivera évidemment deux heures plus tard, nous chargeons la moitié du matériel, la moitié du groupe part devant, nous restons ici et attendons son retour. Je suis inquiet lorsque plus d’une heure après, nous ne voyons toujours rien arriver. Finalement, le voilà. Chargement, piste défoncée, on est accroché dans la benne du pick-up. Mais la nuit est en train de tomber. J’en connais qui doivent être inquiet au bord de la rivière.Le vieux pick-up tombera en panne deux fois avant d'arriver à la rivière. Fumée terrible, un gars qui descend vers la rivière une bassine tordue a la main pour prendre de l’eau et donner a boire a la vieille bagnole qui n’en peut plus de trimbaler des tonnes de marchandises a longueur d’année(s).et bien sur pour démarrer, il faut pousser car le démarreur ne marche plus.
En traversant Ifakara, nous trouverons du Coca Cola (chaud), Nous décidons d'en boire le plus possible car après: terminé pendant au moins dix sept jours. Les gens sont adorables et sympas, nous achèterons du pain et encore des biscuits, on a comme un pressentiment.
Comme partout en Afrique, les ponts, ça n'existe pas. L’arrivée devant la rivière, dans la plaine inondable d'Ifakara me réchauffe le coeur. Le bac, qui se pilote à la main avec des cordes, est l'unique moyen, avec les pirogues de rejoindre l'autre rive, c'est souvent, ici, en Afrique, un lieu de transit, d'agitation et de vie, comme on peut le voir dans nos pays au sein d'une gare, d'un aéroport, mais ici, on chante, on rit, on vit.
C’est le crépuscule sur la kilombero, pirogues en ombre chinoises sur un fond rouge de coucher de soleil, dans une chaleur encore étouffante, au milieu des rires et des cris. La rivière faite ici trois ou quatre cent mètres de large, on entend les premiers hippopotames au loin...Je me rappelle de mon arrivée sur le fleuve Zambèze, il y a deux ans, en Angola. Même sensation, même privilège.
Il est trop tard pour monter les bateaux et partir ce soir, nous camperons sur la berge.
Comme partout en Afrique, la nuit, est synonyme de calme, de repos, d’inactivité.
Les abords du bacs, si actifs pendant la journée, ou tant de marchands, petits et grands tentent de vendre tout et n’importe quoi, se vide progressivement. Les vendeurs de beignet, en passant par ceux qui négocie des petits sacs en plastique remplis d’huile, ou enfin, tout ce qui peut se vendre et rapporter de quoi vivre ou faire vivre sa famille pendant quelques jours encore regagnent leurs cahutes, le bruit s’éloigne peu a peu. La nuit arrive vite, très vite, comme partout sous les tropiques.
Je discute avec un policier du coin, ou du moins quelqu’un qui semble être en charge de la sécurité des lieux. Négociation pour avoir un gardien pendant la nuit. Ca n’est pas le moment, demain matin de se retrouver avec un bateau en moins.
Les habitants sont interloqués lorsque nous commençons à monter nos canoës pliés dans les sacs, de la magie...ça se voit dans leurs yeux. Il est dix neuf heure maintenant il fait noir, tout le monde est parti, a présent c’est le calme de la nuit et à son ciel étoilé superbe, avec sa carte du ciel inversée de l'hémisphère sud.
Il fait une chaleur étouffante pendant la nuit, et j'ai du mal à dormir, mais c'est vrai que je mets toujours quelques jours à m'habituer aux changements de températures et à la dureté du sol…demain il fera jour.
Nous sommes réveillés par le bruit des gens au bord de la rivière, il est six heures du matin. Un petit feu, du café, le soleil monte déjà et il fait une chaleur terrible. Le troisième canoë est monté. Nous avons fabriqué, en France des mats et des voiles afin de moins ramer durant les passages longs, mais nos tests ont été réalisés sur le lac Léman, en suisse, ils semblaient concluants.comment sera le vent, est-ce que se sera utilisable? Il s’avèrera que non, par la suite.
Nous passons la matinée à préparer le chargement de chaque bateau, et à trouver les meilleures combinaisons pour être le plus confortable possible. L'équipement est assez complet, pour cette expédition.
Comme j'ai besoin d'énergie pour la caméra vidéo et la balise satellite, j'ai fabriqué un générateur de courant, dans un boîtier étanche, et un panneau solaire. Celui ci est fixé sur le flotteur latéral, l'électricité générée par jour, devrait, selon mes calculs être suffisante pour alimenter les différents matériels.dont l’indispensable GPS.
Jean-michel, mon coéquipier est un bon pécheur, il a emmené un matériel compact mais conséquent pour agrémenter notre ordinaire; on espère que le Tiger Fish, si abondant dans les plaines du Zambèze sera au rendez-vous.
Nous utiliserons des radios HF miniatures afin de communiquer entre les embarcations, lorsque nous seront trop éloignés, et enfin, ma balise satellite ; nous espérons tous ne pas avoir à nous en servir; elle devra elle aussi rester dans son boîtier de protection étanche. Nous nous rafraîchissons sans cesse, dans cette eau opaque, en opposant les canoës en barrage contre les éventuels crocodiles trop curieux.
C’est l'heure du départ.
De nombreux villageois sont venus progressivement, s'amasser devant la berge afin d'assister au départ des « mzungu ». C'est une foule immense qui nous fait de grands signes de la main alors que nous nous éloignons de Ifakara et du bac sur la rivière.
Cette fois nous sommes bien partis.
L’équipage du premier bateau, baptisé KII, est composé de Jean benoît dit "le cuisinier"(très grande utilité! le spécialiste de la nouille), et de Jean-Yves alias Pizza ou "le ménestrel" (celui dont l’utilité est de composer des chansons et de chanter, le tout en dessus de 25° sinon, il se met en veille!)
Le deuxième bateau, le KIII: Jean-pierre dit "le cuisinier chef", et Dominique le « stagiaire ».Sur le dernier bateau, le KI, Jean-Michel le bricoleur, accessoirement guitariste"et moi même. Seulement deux cent mètres après le départ, nous croisons une première famille d'hippopotames, et nous passons au large prudemment.
L'hippopotame est l'animal qui cause le plus de mort en afrique.Il à un instinct territorial très poussé et lorsqu'il se sent menacé, il peut tuer. Sur terre, il est même capable de courir à plus de quarante kilomètres heures. Ce sera certainement la menace la plus importante de l’expédition.
Nous naviguons dans la plaine inondable, nous sommes en saison sèche et seul le chenal principal coule en ce moment, facilitant l’orientation en nous laissant dans le « droit chemin ».Durant la saison des pluies le fleuve s’étale sur plus de dix kilomètres. Cet endroit me rappelle la plaine inondable Bulozi, en pays lozi, le bas, en Zambie, lorsque nous explorions le Haut Zambèze en Zodiac. La bas le fleuve déborde quelquefois sur presque cent kilomètres de large, une véritable mer intérieure.
Les habitants, comme la bas, construisent leur village sur des îles, perchées, tel le village d'Astérix, autour d'un gros arbre, afin de se protéger des crues dévastatrices.
Ici les gens pêchent au filet. Ils ne peuvent attraper les carnassiers, par manque d'hameçons et de fil! Impossible à trouver ici. Ils se contentent des "petits poissons" qui viennent se prendre dans leurs filets et leurs nasses d’osier.
Enormément de bancs de sables blanc, et nous commençons a voir quelques crocodiles discrets, mais le paysage n'est pas très adapté à leur habitat de prédilection. Habituellement ils construisent leurs repaires dans la végétation dense au bord de la rivière, composée de roseaux et creusent leur caverne dans des galeries cachées des regards. Je suis à l'arrière du canoë, je dirige, et nous filons silencieusement sur le fleuve qui serpente. Nous avons faim, nous attachons ensembles les trois canoës et nous dérivons tranquillement en mangeant le premier repas: pain et un tube de pâté de foie...Le soleil tape fort, très fort. Malgré nos origines méditerranéennes, nous brûlons joyeusement! Quelques pécheurs nous saluent, ici il y a des habitants, malgré tout, en assez faible quantité. Le canoë est un moyen de transport fabuleux, car le même que ceux de nos amis tanzaniens, nous voyageons à la vitesse de l'afrique. KII a un problème, surtout Pizza qui a voulu a tout prix diriger l'embarcation. Il ne parvient pas a simplement aller en ligne droite et effectue des zigzag terribles, un coté dans les broussailles, et hop, de l'autre coté dans les roseaux. C'est plus problématique lorsqu'il se dirige droit devant dans les tas d'hippopotames. On s'attend au pire lorsqu'il y aura des rapides.
Le soleil de fin de journée, rasant est très fort. Il semble que les hippopotames sont de plus en plus actifs avant la tombée de la nuit. Nous en surprenons de plus en plus sur les berges, ils se jettent à l'eau avec violence à notre vue. Mais ils restent calmes et plutôt apeurés qu'agressifs, pourvu que ça dure! Nous longeons la rive de très près, à peine a quelques mètres, le bord de la rivière nous surplombe de plus de deux mètres marquant la hauteur de l’eau durant la saison des pluies: quelle erreur! Nous passons un virage et en sortie nous tombons nez a nez avec un gros male hippopotame d'au moins cinq cents kilos, a moins de deux mètres de nous sur la berge. Il est effrayé, veut regagner la rivière, stoppe net, nous sommes dans sa trajectoire! Nous le voyons hésiter: "je plonge a droite ou je plonge a gauche?"Semble t-il penser.a gauche, mauvaise réponse, ca veut dire qu'il saute gaiement sur le canoe et qu'il nous explose tout! a droite, il choisit de regagner la rivière en nous fichant la paix. Il choisit la bonne réponse. Dorénavant, nous éviterons de suivre les berges de trop près. Erreur qui aurait pu être fatale
Nous choisissons une plage merveilleuse pour camper, ce soir. Nous montons le camp rapidement. A proximité,à quelques centaines de mètres on entend les voix, des habitants d’un petit village, mais ici les gens sont discrets et respectueux, aucun ne viendra nous déranger.On estime l’étendu des dégâts : nous avons , en quelques heures brûlés comme des hamburgers : bras, jambes, et figures sont font souffrir. On va se couvrir, mais c’est un peu tard. Nous trouvons une sorte de bras mort de la rivière ou ; sorte de baignoire salvatrice, nous resterons a plat ventre longtemps, loin des bestioles malfaisantes. Premier plat de nouilles, nous avons navigué une trentaine de kilomètres aujourd'hui, c'est peu, très peu. J’estime que nous atteindrons la sortie de la plaine inondable dans deux jours environ. Afin d’avoir un peu plus de place que dans nos tentes, nous fabriquons un espèce de tepee avec les voiles et les mats pour protéger le matériel cette nuit. L’espace disponible dans les tentes ne nous permet pas, de toutes façon de caser tout notre fourbi à l’abri des regards.
La nuit est noire, sans lune, la voie lactée est visible, d'ici, comme nulle part ailleurs dans le monde. Mais ce soir, au loin des éclairs lézardent la nuit, se rapprochent, bientôt le tonnerre s'entend de plus en plus fort.
Nous décidons de changer les tentes de place, si les pluies sont trop fortes, la rivière va déborder et tout emporter, nous avec....nous plantons les tentes quelques mètres plus haut. En pleine nuit, nous entendons l'orage arriver.
Pour celui qui n'a jamais été dans cette région du globe, un orage tropical a quelque chose d'inquiétant; la pluie tombe de manière torrentielle sans discontinuer,les tentes prennent l'eau de toute part. les éclairs et le tonnerre frappent la terre très, très prêt. Ça dure longtemps, je me demande si nous avons bien attaché les canotés, vu la puissance de l'orage. Il fait une chaleur étouffante, mais impossible d'ouvrir la tente.
La pluie s'arrête, j'ouvre la "porte" pour avoir un peu d'air frais: la guerre du moustique va commencer. Ils vont nous harceler tout le reste de la nuit ; et puis ici, moustique est synonyme de malaria.
Ce matin nous avons de la chance, le ciel est couvert et le soleil va nous épargner, nous sommes complètement brûlés, et la nuit dernière j'ai vraiment souffert de brûlures au bras et au visage. Nous nous confectionnons des gants étranges, on appellera ca les « chaussettes a bras »réalisés a base de chaussettes trouées pour laisser passer les doigts, c’est efficace!
Le temps de vider les canoës qui se sont remplis d’eau de pluie, de prendre un bon café et nous repartons. Nous croisons encore des autochtones en pirogues qui nous saluent en se demandant bien ou nous allons:
Extrait de dialogue (limité à cause de mon swahili approximatif.)
-"Wapi Safari?, Habari? (ou allez vous? comment ca va?)Demandent les gens,
-"Rufiji!" je leur répond en leur montrant du doigt la direction," Mzuri, Mzuri, assante" (tout va très bien, merci)
-chunga tembo, chunga tembo! (Faites gaffe aux éléphants!)
La variante sera avec des avertissement concernant : lions, hippos, crocodiles....etc, etc
Changement de continent, changement de paysage, changement de préoccupations.
Ici la rivière se divise en de nombreux bras, ou il est facile, si ce n'est de se perdre, tout au moins de naviguer plusieurs heures avant d'arriver au fond d'un lac dans un cul de sac. Heureusement les habitants nous renseignent facilement sur le chenal principal. Dans tous les cas, j'avais remarqué, vue d'avion, qu"il fallait serrer, relativement à gauche pour ne pas se perdre.Ca y est, deux crocodiles de plus, et les hippopotames sont de plus en plus nombreux. D'abord par groupe de trois, les groupes sont maintenant de plus de vingt ou trente a chaque fois! ca craint! Ils sont souvent hors de l'eau sur les berges et rejoignent violemment la rivière à notre approche. C'est incroyable le nombre d'hippopotames que 'on peut observer ici, surtout hors de l'eau. D’habitude, car ils sont très craintifs, ils attendent la nuit pour sortir et aller paître dans l'herbe verte, quelquefois a plusieurs kilomètres de la rivière. Malheur, a celui qui se trouvera sur son chemin de retour!
Cela me rappelle une anecdote la première fois que je suis allé en Afrique, au milieu des années 80; dans le sud du Kenya. Je campais sur les rives d'une rivière, des hippopotames étaient la, qui semblaient paisibles, un couple, avait planté sa tente deux cent mètres plus loin, l'herbe était verte, un vrai pâturage. On m'avais prévenu, règle de base, ne jamais sortir la nuit. Cette règle, l'occupante de la tente d'a coté ne l'a pas respectée: sortie avec sa lampe électrique pour je ne sais quelle raison, elle tomba nez a nez avec un hippopotame qui, effrayé a pris le plus court chemin afin de regagner la rivière, c'est a dire tout droit, en écrasant la tente et ses occupants....
J'étais aux premières loges; ils s'en sont sortis avec cotes cassées et divers traumatismes...
Il y a tellement d'hippopotames ici, que c'est carrément un Slalom imposé. Lorsque nous accélérons pour en éviter un groupe, nous tombons en plein milieu d'un autre. Cette journée sera épuisante.Nous quittons la plaine inondable, la végétation devient plus dense sur les berges, et les arbres broyés sont le témoignage d'une concentration d'éléphant assez importante. Comme toujours, ils sont difficile a apercevoir tant les arbres sont touffus. La lumière du soleil devient rasante, orangée, magnifique, il va être tant de s'arrêter, d'autant plus que les hippopotames rencontrés s'excitent de plus en plus. Une île au beau milieu de la rivière nous interpelle, son extrémité, en forme de presqu’île est plate, ouverte d'herbe verte, une véritable "rampe de lancement" pour hippopotames et crocodiles.la proximité de prairies plus grasses, me laisse a penser que l'herbe très courte qui recouvre la presqu’île a déjà été goutée.nous devrions donc étre tranquille. Traces de lions, gros male, éléphant et hippopotames... tout un programme. Dominique, le "stagiaire " me dit "tiens des Buffles", sans ce rendre compte de ce que cela signifie, car un de ce que l'on appelle ici les Big Five, est terriblement dangereux lorsqu'il est solitaire, il est capable de détruire une 4x4 sans difficulté y compris ses occupants et son crâne équipé comme un tank résiste à des cartouches de chasses monstrueuses.
Ils ne nous ont pas sentis, ils sont une dizaine, le profane ne peut imaginer la menace de la part d'animaux aux primes abords si paisibles.
Nous passerons la soirée à discuter autour du feu, en mangeant nos pates préparées avec des oignons, par nos "Cuisiniers".
A peine trente kilomètres ont été couverts aujourd'hui, je pense que nous allons augmenter les distances au fur et a mesure de notre progression.
L’endroit est magnifique, depuis la fin de la matinée, nous n'avons plus rencontré âme qui vive, seule la plaine est habitée et nous en sommes sortis bientôt, nous ne verrons plus personne. Le bruit des hippopotames accompagnent nos songes, "Hon,Hon, Hon."Il pleuvra encore cette nuit, mais la fatigue nous aidera à dormir tout de même.
Ce matin il y a du vent, beaucoup de vent. Hier soir, nous avons décidé de retirer nos montres afin de vivre au rythme du soleil et de l'afrique. Ce matin, c’est le jour qui nous réveille. Nous nous jetons comme des affamés sur un pot de confiture et un paquet de biscuit, qui ne va vraiment pas durer très longtemps. Mais c'est toujours ça de pris. Apres une mise en condition assez laborieuse, nous voici de nouveau en train de souquer. Le courant est très faible, nous n'avançons pas très vite, et le vent de face est éprouvant, nos canoës sont chargés, très chargés. Nous approchons de temps a autre un crocodile timide qui, surpris se glisse rapidement dans l'eau pour disparaître rapidement dans le fleuve opaque. Il y a de nombreuses îles au milieu de la rivière, de forme allongées, et a chaque fois, comme fait exprès, une colonie d'hippopotames nous barre plus ou moins le passage. Il faut souquer vite. Certains nous courent après mais l'absence de visibilité ne leur laisse pas la possibilité d'être très précis dans leurs attaques. Toutefois, l'adrénaline est toujours au rendez vous, et ce durant toute la journée. A partir de dorénavant, nous ne déjeunerons plus a midi qu'avec un pain pour six et deux tubes de pâté, régime. Nous allons perdre du poids. L’attitude de fin de journée des hippos se confirme, il faut éviter de rester sur la rivière durant le crépuscule, ils deviennent carrément agressifs, et la lumière rasante du soir nous masque leur présence sur les rives ainsi que leur retour précipité dans la rivière. Alors que la rivière oblique vers le sud, ils deviennent terriblement agressifs et multiplient les charges. L’un d'eux aura la ferme intention de ne pas nous laisser passer. Je passe le premier, a fond en criant a mon coéquipier, "a fond , a fond" le bestiau sortira juste derrière moi à moins d'un mètre, me montrant ses canines énormes et dissuasives, replongera, et refera surface en frôlant l'arrière du canoë, pff.......hors de son territoire, j'ai le souvenir de l'image de face du KII, avec deux mecs qui rament comme des malades et juste derrière une gueule d'hippo ouverte qui leur court après, on aurait dit une scène de dessin animé de tex Avery…
Ici, pas de plage au ras de l'eau mais nous trouvons un havre de paix, à quelques mètres au dessus de la rivière, nous ne sommes pas dans le passage des grands félins.Devant nous, telle une image de film, la rivière coule, sans bruit, le courant est assez fort. Une bonne dizaine d'hippopotames nous regardent attentivement avec leur "Hon, Hon".Derrière nous, un bras mort de la rivière, végétation tropicale, des oiseaux aux couleurs d’un vert éclatant.Encore une fois la rivière devient orange avec le soleil, on est au cinéma, on est dans le film. Et dire que jamais personne n'a campé la où nous sommes.
Le rythme se prend petit à petit, tous les membres du groupe s'affairent afin de monter le camp, les cuisiniers préparent le feu et les pâtes, je fais le point sur mes cartes, je transmets ma position par ma balise, d'autres montent les tentes.
Ce soir, le bricoleur répare la guitare, bien mal en point, car elle à subit les outrage de nombreuses expéditions.La soirée sera délirante, nous chanterons comme des fous, en jouant de la samba sur nos casseroles...Cette nuit, je pense que nous aurons du mal a rejoindre le point de rendez vous dans les temps, mais je suis beaucoup plus inquiet au sujet des rapides et des chutes que nous allons rencontrer, et qui restent un mystère. Nous passons une bonne nuit, ponctuée de "Hon, Hon" devenus familiers.
Ce matin nous nous levons tôt, ou du moins il nous semble que c'est tôt, le soleil tape déjà fort. Chacun sait ce qu'il a faire et le camp est rapidement démonté. Les hippopotames sont encore la a nous observer, et comme toujours, le matin, ils sont tranquilles.Hier, en milieu d'après midi, nous avons aperçu, sur le bord de la rive, deux hommes qui s'affairaient autour de ce qu'on pouvait imaginer être un ancien bac détruit, pour traverser la rivière. Ils nous font signe. Ce sont deux rangers, peut être le début des ennuis? Non, l'homme est courtois, je lui annonce que mon expédition est connue et cautionnée par le sieur Lyimo, son grand patron. C'est a peine si il ne se prosterne pas! Il me demande mon nom afin d'appeler son chef pour lui dire que nous sommes vivants, par radio.
Il nous quittera su ces mots :
"Filmez, photographiez, dites au monde entier ce qui vous avez vu ici.”
Je suis souvent tenté de parler, d'essayer d’expliquer, de partager ma passion pour l'Afrique, de mes émotions ressenties dans ces endroits sacrés. La plupart du temps, pourtant, je décide de me taire, de garder jalousement ce pourquoi je suis ici. Qui peut comprendre ? Les touristes arriveront ici aussi, un jour, c'est sur, j'espère le plus tard possible. Je suis privilégié, je le sais et j’essaie d’apprécier chaque minute, chaque seconde. Je fais part à mon interlocuteur de l'agressivité des hippopotames du coin, je comprend que la zone que je viens de passer a été assez sévèrement braconnée, et que beaucoup d’animaux blessés par les hommes attaquent tout ce qui bouge. Facile a comprendre. Ce qui me rassure, c'est qu'il nous explique que en aval ils sont beaucoup plus "Peaceful"(tranquille). Les canoës glissent lentement dans l'eau couleur de poussière. La végétation est très dense. Nous apercevons un Elephant dans le fourrés, il détalle a toute vitesse a notre arrivée, nous sommes dans le vent. Les animaux sont nerveux, ici, très nerveux. Ils sont chassés. Il faut faire attention et redoubler de prudence.
Nous arrivons à l'entrée de nouveaux méandres, la rivière se divise encore en nombreux bras, sur la carte TPC il y a un virage à quarante cinq degrés et un brusque changement de direction vers le nord-est, il doit y avoir des rapides ou une sournoiserie du même genre.
La végétation devient encore plus dense, des palmiers, une espèce de Jungle magnifique, et toujours nos amis les Hippos qui nous souhaitent la bienvenue.
De petits rapides commencent à se préciser, si on peut appeler cela des rapides, "Pizza" n'est pas très à l'aise, même, si maintenant il semble mener l'embarcation de manière relativement rectiligne. C’est le premier rapide assez gros, jean pierre passe, nous aussi malgré l'échouage en travers sur un rocher, a la fin du rapide, sans encombre. Je profite de l’opportunité afin d’attendre notre ami Pizza qui met son bateau en vrac en amont au milieu des gros remous et nous voyons l'embarcation se tordre et "s'enrouler" autour du rocher de façon inquiétante.
Il va finir par tout casser.
Jean Michel se jette a l'eau dans les rapides sans hésiter et empoigne une corde, il faut agir vite, il rejoint le KII et, avec effort bien appuyé, le dégage, le comité d'accueil, nous salue cent mètre plus bas(Hon, Hon!...). Nous décidons, après discussion, prendre le contrôle du KII avec jean Michel à son bord, je prendrai Jean-Beu. Autrement nous allons avoir des ennuis ou une grosse casse!
Dans les méandres, nous passons de petits rapides, il y a a peine quarante ou cinquante centimètres d'eau, un tronc d'arbre remonte le courant en face de nous???
Belle bête. Le Crocodile, d'une taille respectable, entre trois et quatre mètres est venu à quelques centimètres a peine devant le canoë avant de plonger, juste pour voir. Il faut donc aussi se méfier si les rapides ne sont pas très forts. Ici, c'est clair, il ne faut pas chavirer. Ce qui est incroyable, c'est que, en règle générale, les crocodiles sont terriblement difficile a observer car extrêmement craintifs. Au vu du nombre que nous apercevons chaque jour, il est facile d'estimer la quantité phénoménale de sauriens qui doivent peupler la Kilombero.
De magnifiques bancs de sable blanc de cartes postales alternent entre les palmiers et les arbres couverts de lianes.
Sur mon GPS, nous approchons d'un point que j'avais noté en avion comme étant problématique. Effectivement un rapide assez gros barre toute la rivière.
Debout sur le canoë, j’évalue la direction et décide que, en passant bien dans l’axe, tout devrait bien se passer. Une place calme, dans un contre courant, semble assez facile derrière, on pourra s'arreter.Je passerai le premier pour montrer le chemin.
C'est le premier rapide significatif.Nous prenons de la vitesse, et nous le passons facilement, le canoë se plie en traversant les grosses vagues. Surtout ne pas passer en travers. Il est vrai que dans ces conditions, le canoë est très ludique. Deux comités d'accueil nous observent de chaque coté, le coin doit aussi être habité par des "Sournois" (Crocos). En attente dans le contre courant, au milieu du bruit de l’eau je vois Jean pierre passer lui aussi sans encombre, nous attendons pizza.
Ils déboulent tant bien que mal, mais, certainement parce qu'ils n'ont pas assez de vitesse, et qu’ils arrêtent de ramer en plein milieu du rapide, ils embarquent une vague, puis deux et s'appercoivent médusés qu'ils sont en train de ….couler! Je leur hurle, "le poids en arrière, en arrière", mais c'est déjà trop tard. Comme dans un dessin animé nous voyons le Canoë couler, les sacs, attachés flottent joyeusement, et si le bateau ne va pas au fond c'est parce que les flotteurs gonflables latéraux l'empêchent de couler!
Nous nous ruons vers eux afin de récupérer les passagers qui sont immergés jusqu'au nombril. Hors de question de nager ici, le bruit de l'eau qui gronde ajoute à l'atmosphère un peu stressante de la situation encore un peu plus de piment. Tout c'est passé très vite, trop vite
Sur les rochers juste a bord du rapide, nous repêchons le matériel qui part a la dérive et tourne dans les tourbillons .Un énorme orage, en prime, nous arrive dessus, nous voyons la pluie débouler et arroser la rivière, l'averse durera cinq minutes, mais quelle averse ;il fera presque nuit, mais il fait tellement chaud, et la situation est tellement exaltante que nous rigolons comme des fous.
Il faudra être plus prudent, a présent, mais c'est décidé , nous prenons maintenant le contrôle du KII et pizza servira de moteur, non plus de gouvernail, Jean Beu prend la place de Jean Michel dans mon canoë.
Ce Soir, nous sortirons les "bâches a trous”, jupes et toile de couverture qui nous permettrons de ne pas embarquer d'eau dans les rapides.
L’avertissement de cet après midi est clair.
J'utilise l'émetteur satellite pour la seconde fois, afin d'informer de notre position, nos amis à Dar Es Salaam. L'hélicoptère est sensé nous rejoindre dans deux jours maintenant. J’espère simplement qu'il recevra le message.
Je m'imagine la tète de Pierre à Aix lorsqu'il recevra le message suivant:
"Will be around Shuguli, S 08°.13.750/E 036°.57.105, ok for helicopter, pls forward to following fax N°....."
vers midi nous stoppons sur une plage, un vieux camp de chasse , d'une autre époque, sur les hauteurs ,qui n'a pas été fréquenté depuis longtemps nous sert de salle de restaurant. En fait un arbre nous fait un peu d'ombre. Le coin est sinistre, un crâne d'éléphant, un autre d'hippopotame, témoignages de la folie des hommes.
Dans cette région de riches américains sont près a dépenser des fortunes afin de tuer, un lion, un éléphant, on parle de plus de vingt mille dollars pour un éléphant.
Encore un pain et un tube de pâté à l'ail a midi, c'est toujours aussi frugal. La température doit friser les quarante cinq degrés à l'ombre, sur la rivière c'est pourtant supportable, je commence à m’habituer. Au bord de cet ancien camp, une anfractuosité dans la roche de deux ou trois mètres, nous fabriquons une petite piscine naturelle. Nous mettons un canoë en travers, et en avant la baignade dans l’eau glauque. Je garde pourtant en permanence mon poignard à la main, on ne sait jamais. Nous continuons notre route sous le soleil de plomb. Ramer n'est pas trop dur, en fait c'est un mécanisme auquel on s'habitue assez bien, même si le dos n’est pas au mieux de sa forme. Aujourd'hui nous avons du ramer facilement huit heures. Les hippopotames, viennent nous rappeler qu’il est l'heure de s'arrêter, ils s'agitent.
Nous choisissons un coin surélevé, en bordure d'une forêt, une espèce de fossé coupe notre plage en deux, tracé par des hippopotames qui en ont fait leur autoroute afin de rejoindre les pâturages, le bas, derrière les arbres. Je vais faire un tour, deux ou trois cents mètres dans le bush, une grande clairière avec de l'herbe claire et verte, un vrai restaurant gastronomique pour herbivore! Un nombre incroyables de traces, encore une fois: éléphants, lions, et impalas. Ce soir, nous avons encore un couple de spectateurs qui nous observent en soufflant avec leur" hon, hon...." ils resteront toute la nuit. Nous mettrons, par mesure de prudence, les canoës en dehors de la piste des hippos, ils seraient bien capables de tout écraser si ils voulaient de toute façon, passer. Ce soir, c'est l'anniversaire du Cuisinier, Avez vous déjà vu des bougies sur un plat de nouilles? Nous avons très faim le plat disparaît rapidement.
Il a fait extrêmement chaud aujourd'hui, mes brûlures me font encore souffrir, heureusement que nous nous protégeons du soleil avec nos chaussettes a bras, c’est un peu trop tard d'ailleurs. Nous profitons de la lumière du jour afin de fixer les deux bâches a trous, ou du moins de les préparer pour la suite des événements. Pendant que l'un passe un papier de verre sur la toile des canoës, un deuxième enduit de colle, le troisième applique les pièces:du véritable travail a la chaîne en chantant en coeur! Mais la colle ne tiens pas très bien, le taux d’humidité ambiant est trop élevé. Ca ira tout de même. Demain, nous devrions être proche de la zone des rapides Shuguli, c'est sur, nous aurons la visite de Michel avec son hélico.
Je lui transmets la confirmation de notre position. IL consomme un peu trop d'énergie et la "centrale électrique" avec son panneau solaire est mise a rude épreuve. Tout à l'air de fonctionner a merveille; heureusement, malgré le matériel trempant dans l'eau, au fond du canoë, continuellement, je suis satisfait de mon Invention.
Je repense à Mr Kibonde, à Dar es Salaam et a ses observations, lorsque je lui ai montré ma carte, aux alentours de la jonction des rivières; il avait évoqué le passage de la zone a pied a travers le bush, pendant plus de trente kilomètres, je préfère ne pas y penser. Demain il fera jour.
Encore une fois, je m'assoie face à la rivière, le soleil descend, la bas, derrière les arbres en face de moi. L’air est encore très chaud, mais ce soir, nous n'avons pas la compagnie des moustiques. Nous ne parlons pas trop, tout le monde est fatigué, très fatigué. La bonne humeur est toujours au rendez vous.
Encore une matinée chaude, le camp est démonté rapidement après le café du matin. Le soleil ne daigne pas trop se montrer ce matin, et c’est tant mieux. La saison des pluies est proche, et pratiquement tous les soirs, il y a un orage qui nous tourne autour. A moins qu’il ne préfère nous arroser copieusement. Je m’interroge sur la hauteur que peut avoir la rivière, lorsque les pluies arrivent, peut être quatre mètres de haut, en plus du niveau actuel. Espérons que cela n’arrivera pas pendant que nous sommes ici !
Je suis brûlé par le soleil et je m’enroule la tète avec mon Chèche, que j’arrose copieusement a l’aide de mon chapeau rempli d’eau, dés que la température atteint celle d’une cocote minute c’est a dire toutes les cinq minutes. Je préfère ne pas m’imaginer a pied, dans le bush, loin de la rivière. Ici, plus d’île pour le moment, et des hippopotames biens calmes. La rivière fait au moins trois ou quatre cent mères de large. Soudain, un bruit, oui, c’est bien un bruit d’hélicoptère, on l’entend arriver au moins dix minutes avant de le voir tant l’endroit est silencieux. J’ai souvent ressenti ce genre de sensation de silence. Chez nous, on entent presque toujours une présence humaine : un avion a haute altitude, une voiture au loin. Mais ici, en Afrique, dans ces régions perdues, le mot silence prend soudain un sens nouveau.
La bas, au loin l’hélico arrive a basse altitude. Il fait trois passages, de plus en plus bas, Michel a tenu parole, du moins, il a reçu la position que je lui ai envoyé hier soir par satellite.
Nous voyons disparaître l’hélico derrière les arbres, plus loin, et nous accostons. Une sorte de crique de sable fin, un crocodile qui se jette encore a l’eau en catastrophe.
Nous rejoignons l’hélicoptère dont le rotor continue de tourner. Michel, le producteur, Jean-Luc son collègue, puis Tina, superbe mannequin, que Michel a emmené ici afin de faire des prises de vues pour des spots publicitaires, afin d’amortir les dix mille dollars de location de l’hélico. Un reporter de ITV, la télévision locale l’accompagne avec sa lourde caméra Bétacam.
Michel nous sort une bouteille de champagne d’une glacière, avec la chaleur, un seul verre nous mettra en vrac ! Nous faisons des spots pub pour Pepsine cola, Une marque d’eau minérale, une marque de cigarettes, le champagne, un produit « no-bite » contre les moustiques…dans un contexte « Rufiji », le tout dans l’euphorie générale. Il semblerait, que notre allure, après une semaine d’expédition soit assez surprenante, nous avons pris une couleur « locale », c’est du moins ce que nos amis semblent penser. Puis nous mangeons un peu au bord de la rivière, le Captain William, pilote de l’hélico et moi avons une longue discussion, c’est le personnage rêvé pour ce qui est de fournir des renseignements sur les endroits qu’il connaît. Nous évoquons les coins perdus que nous connaissons tous les deux, aux confins du Mozambique, au Kenya…
Il me donnera des informations capitales sur la rivière en aval, jusqu’à la mer. Je pense déjà à rejoindre l’océan, et à couvrir les trois cents kilomètres séparant les Stiegler Gorges de l’embouchure, et de l’île Mafia, dans l’océan indien.
Après la zone du Rufiji River Camp, chez Massimo, ou l’avion doit venir nous récupérer dans une semaine, la rivière serpente dans une longue plaine, et redevient habitée par des pécheurs, ce sera a voir, pour plus tard.
Puis nous préparons notre chargement, nous partons sur la rivière, l’hélico doit nous rejoindre en rase-mottes et faire un plan pendant que nous nous éloignons, soit.
Seulement voilà, nous sommes au beau milieu du fleuve, contre le courant, depuis cinq minutes, dix minutes lorsque soudain, je vois Michel gesticuler sur la berge et nous appeler.
« L’hélico ne démarre plus, plus de batterie, c’est la merde ! »
Je pense qu’il plaisante, mais non ! Le Captain william revient, lui aussi, il est livide ! Plus de batterie, donc plus d’hélico, mais aussi plus de radio ! Ils n’ont évidemment pas de nourriture, ni d’eau, ni aucun moyen de communication.Tina, avec son petit short et ses sandales a talons aiguilles est paniquée. Ici personne ne viendra les chercher, c’est en dehors de toute route aérienne, et aucune piste ne passe par la.
Il y a seulement deux hélicoptères en Tanzanie, le premier est ici, en panne ; et si le deuxième n’est pas la ou a un problème, il va y avoir du camping forcé pour pas mal de gens et de temps….Le message que j’envoie par satellite à Pierre, en France pourrait se lire comme ça :
URGENT HELICO STUCK GROUNDED IN SELOUS , KILOMBERO RIV. LAT XXX LONGXXX NEED BATTERIES CALL AIRWING CNY TELXXX FAX XXX AND SEND 2D HELICO. PLS CALL CPT SILLAA IN D.E.S.
Je pense alors a mon bureau, a la tète qu’ils vont faire , et aussi au fait qu’ils vont sûrement s’inquiéter vont peu être s’inquiéter., je complète avec : NO HUMAN PBLM, ALL OK EXCEPT HELICO !
Le message est parti, plus rien à faire que d’attendre, évidemment nous sommes Vendredi, et il y a des chances pour que tout le monde soit parti lorsque le message arrivera par satellite dans six heures !Pour nous, tout va bien, nous sommes autonomes, les autres s’attendent à passer une nuit tragique dans le bush ! Nous fabriquons une espèce de tente avec une bâche, les cuisiniers font cuire des nouilles, jean Michel va pécher, tout va bien. Nos hotes sont stressés et nous faisons le maximum pour les faire rigoler. En fin de journée, la lumière est belle, nous partons jean Michel et moi, avec le caméraman au milieu des hippos, afin qu’il complète ses images avec des « Close-up » d’hippopotames. Facile, l’un d’eux apeuré heurtera l’arrière du canoë avant de s’enfuir pris de panique. Le pauvre caméraman, lui, n’a pas passé une semaine au milieu des hippopotames, et est encore plus terrifié que les hippopotames eux même. Nous écourtons son calvaire et rejoignons bientôt le camp.
Le soir, nous restons tous ensemble, en chantant des chansons joyeusement autour du feu. Notre ménestrel Pizza compose une chanson en français sur la pauvre Tina, heureusement qu’elle ne comprend pas le français ; le refrain faisait :
Fais dodo Tina ma p’tite sœur, fait dodo t’aura l’hélico…
Un orage nous tombera sur la tète, nous voilà tous sous une bâche de deux mètres sur deux, sous des trombes d’eau, pendant que nous chantons de plus belle ! !
Ils doivent nous prendre pour des fous.. Tina, Michel et le Captain iront dormir dans l’hélico, ils ont la trouille des lions, éléphants et autres bestioles. Jean-luc restera à dormir dehors près du feu, il s’attend à avoir de la visite pendant la nuit, et barre le passage des animaux éventuels avec les canoës. Il se fera agresser par les moustiques toute la nuit.Avant de nous coucher, nous apercevons des yeux brillants sur la rivière, sans apercevoir de forme précise, sûrement un crocodile. Good night Rufiji.
Ce matin, au lever du jour des Impalas, tentent de passer par notre plage, nous sommes au mauvais endroit, et ils décideront, au bout de cinq minutes, de rebrousser chemin rapidement en sautant haut, comme ils savent le faire lorsqu’ils sont inquiétés. Captain william lui aussi est inquiet, impossible de savoir si quelqu’un a reçu mon message, encore moins si quelqu’un va venir à son secours. Ne parlons pas de l’état de Tina qui se voit passer une semaine ici ! Nous déjeunons, ils ont du pain frais ! Un bon café a l’eau de Rufiji ; Michel va faire un tour dans le bush, il tombera nez a nez avec un éléphant qui ne demandera pas son reste et partira en courant ; Michel aussi, d’ailleurs… donc, il vaut mieux rester dans les parages, je leur fait la leçon, mais es ce bien nécessaire, je pense qu’ils ont compris d’eux mêmes.
Apres les Impalas, c’est le tour d’une bande de singes, ils s’approcheront d’assez près avant de détaller, les babouins sont assez chapardeurs, mais ceux-ci ne voient jamais d’hommes et sont naturellement méfiants. Il faut mieux, car ils seraient capable de mettre le camp a feu et a sang pour subtiliser notre tas de nourriture odorant….Jean Michel attrapera un gros poisson chat étrange, que nous dégusterons a midi avec un bon tas de riz ; excellent. Il est difficile de pécher ici. La technique est adaptée, d’abord attraper des insectes, pour, ensuite, attraper des petits poissons, pour enfin attraper de gros poissons… pas simple, mais impossible de faire autrement. Même Tina essaie de pécher, sous l’œil inquisiteur d’un hippo (hon, hon.)
Soudain on entends le bruit de l’hélico salvateur. Nous rejoignons Captain William, dans son hélico. Il a fait un feu et a étendu nos bâches par terre en signal de détresse.Nos compagnons ont le visage qui s’illumine, ils ne passeront pas une autre nuit dans le bush ! L’hélico se pose, les batteries neuves arrivent, tout le monde s’agite, ils vont partir maintenant. Cpt William vient me congratuler. En voici un sur qui on pourra compter. Nous nous donnons rendez vous une dernière fois avant les gorges, encore une fois, je donnerai ma position par satellite.
L’hélico décolle.
Il s’en va,
L’agitation s’est dissipée, nous voici de nouveau dans les mains de la Kilombero.
Comme si ne rien n’était, nous recommençons le rituel, chacun s’occupe de sa partie et prépare le départ. Toute cette agitation, ce bruit a poussé les hippopotames à s’éloigner, pendant deux kilomètres, nous n’en rencontrons plus un seul. Incroyable comme la présence humaine peut modifier l’aspect d’une rivière africaine. A partir d’ici, les rapides commencent. Tout petits, ils deviennent assez larges, mais surtout, la zone rocailleuse commence. Les rochers sont arrondis, profondément érodés, ce qui renseigne sur la puissance du courant qui doit animer la rivière pendant les hautes eaux. Encore des hippopotames, stressés, nous recommençons a pagayer dans tous les sens afin d’éviter leurs canines agressives. La rivière est très large, les rochers sont presque blancs, nous attendons ce moment depuis longtemps, enfin un endroit où nous allons pouvoir trouver une zone « crocodile free » comme on dit.
Il semble que nous descendons de plus en plus, d’un point de vue altitude. Les méandres recommencent, je choisit de serrer encore au plus a gauche possible, d’après mes notes, c’est encore la meilleure solution. Les petits rapides successifs nous font slalomer entre les hippopotames, qui se confondent avec les rochers, en cette après midi. Tiens, notre canoë est rempli d’eau ! Il y en a plus de vingt centimètres au fond, il faut s’arrêter pour réparer. En attendant, il faut souquer car deux gros bestiaux nous courent après, au moins une femelle avec son petit qui n’a pas l’air commode. Elle nous le fait bien comprendre. Je me rappellerai toujours le cri des hippopotames, lorsqu’on se trouve au milieu de la rivière ; une résonance énorme, un écho incroyable, qui vous prend les tripes.Le bruit de l’eau au milieu des rochers, quelquefois nous fait rapprocher d’un hippo qui somnole a la surface et qui ne nous a pas vu !danger ! nous sommes parfois à trois ou quatre mètres lorsque il nous apercois, c’est très chaud, d’autant plus que les échappatoires sont limitées entre les rochers pointus qui ne demandent qu’a nous coincer et a nous mettre dans une situation délicate. Je vise un contre-courant et un gros amoncellement de rochers au milieu de la rivière, de toute façon, il faut s’arrêter pour réparer. Deux yeux d’un vert clair, tels d’énormes yeux de chats, se dirigent vers nous, un crocodile viens nous voir, assez petit, il doit mesurer dans les deux ou trois mètres. Il frôle littéralement notre embarcation et ne réagit même pas lorsque je frappe l’eau pour l’effrayer de ma pagaie ! Incroyable.
Alors que nous rejoignons la rive, un deuxième, énorme, dont nous apercevons la tète, viens aussi nous jauger. C’est le plus gros que nous apercevrons, celui la dépasse, c’est certain, les cinq mètres, un vrai monstre.
Je me rappelle alors, un personnage haut en couleurs, rencontré sur les bords du fleuve Kunéné, entre l’Angola et la Namibie, entourés du peuple Himba, dont il défendait la cause. Il nous raconta que les Sauriens du coin étaient particulièrement voraces et agressifs. Il nous raconta l’histoire de ces deux jeunes sud-africains qui avaient montés une expédition sur la rivière en Kayak,
Ils ne sont jamais arrivés jusqu’à la mer.
Espérons que les crocos de la Rufiji, ne soient pas aussi affectueux.
Dominique a visiblement un problème avec les bestioles, et il semble en faire une véritable phobie. Pour lui, ce sera le début de la galère
Réparation rapide sur le bord, puis, nous voyons, en face de nous, une plage accueillante. Transfert du matériel de l’autre coté, une piscine naturelle, constituée d’un bras de rivière ou l’eau coule en torrent, et au bord, une clairière, surélevée,
Une belle « rampe de lancement » pour hippo avec, encore des traces fraîches de fauve. La clairière est magnifique, bordée par une forêt impénétrable, et une vue imprenable sur les méandres de la rivière nous est propose entre les arbres.
Apres avoir installé le camp suivant le rituel habituel, nous allons inaugurer la « piscine ». Pendant que cinq se baignent et profitent de ce premier bain réparateur, le sixième lui, monte la garde avec arbalète chargée et pétard sous marin, a portée de main au cas ou. Ne l’oublions pas, la nature n’est pas aussi calme qu’elle en a l’air. Derrière notre rocher, nous apercevons un gros male hippo, qui, à moins de cinquante mètres nous observe et, juste a coté de lui, dans le courant, abrité derrière un rocher, immobile, un crocodile est la, il attend.. Patiemment, que quelque chose passe a sa portée. Nous mangerons de bon appétit notre ration de pâtes a rien, jean Michel a bien essayé de pécher quelque chose, sans succès, ce soir.Je préviens mes acolytes que c’est a partir d’ici que les choses vont se corser, nous sommes assez proche le la jonction Kilombero/Rufiji, peut être trente kilomètres. Les bateaux sont à une centaine de mètres de nous, derrière les arbres, un petit chemin, tracé a travers le foret par des éléphants nous y mène. On sent une vie qui grouille et qui nous observe sans pouvoir dire ce que c’est, c’est très fort.
Ce soir nous attendons, au loin, un rugissement de lion. Il paraîtrait que les léopards pullulent dans le Selous. Comme chaque soir, nous transformons les arbres aux alentours en arbres de noël, recouvert de nos habits détrempés, qui ne sécheront complètement que lorsque nous serons de retour en europe. Nous nous sommes très peu chargés, deux pantalons chacun et deux chemises pour toute l’expédition. C’est peu surtout lorsque vous en avez déchiré un….
Nous passons une bonne nuit
Ce matin, il fait gris, nous nous agitons car il faut passer cette zone de rapides, maintenant le plus vite possible, nous avons pratiquement perdu vingt quatre heures avec l’épisode de l’hélicoptère. Nous installons les bâches à trous dans l’allégresse, il fait une chaleur épouvantable la dessous, mais cela vaut mieux que de couler a la première grosse vague venue. Comment vont réagir les embarcations dans les gros rapides ? Quelle est la limite ? On verra bien, par expérimentation.
Nous partons sous une pluie battante, les gilets de sauvetages sont sortis, les cordes de secours, tout laisse vraiment a penser que la situation ne va pas tarder à se corser. Quelques zigzags entre les premiers hippopotames du matin nous mettent en condition. Nous n’avons pas encore fait un kilomètre que nous voilà déjà bloqués , un rapide trop gros, il nous faut faire demi tour dans une autre bras de rivière en amont,et passer le premier rapide sérieux. Nous remontons le courant sur une centaine de mètres, en s’aidant de cordes. Il y a un bruit d’eau si fort que nous avons du mal à nous entendre parler. Nous voici sur une île d’une centaine de mètres de diamètre recouverte de foret vierge. Tout autour, des rapides furieux ont décidés de nous casser les pieds. Après une longue analyse de la situation nous décidons de nous lancer dans un passage étroit, mais impossible de s’arrêter avant au moins trois cents mètres, sinon, on ne sait pas ou on atterrira. A chaque endroit ou se trouve une accalmie pour s’arrêter, un comité d’accueil hippopotamesque est au rendez vous… Le pire c’est qu’avec le bruit ambiant, ils ne nous entendent pas arriver et réagissent à quelques mètres en se ruant vers les eaux profondes.
Nous passons ces rapides sans encombre. Un deuxième rapide, lui, beaucoup plus gros, tel une grosse marche martyrisera le matériel. Les bâches a trous font merveille. Les canoës plongent littéralement dans l’eau bouillonnante et se tordent dans tous les sens. Arrêt après, le rapide. Maintenant on est vraiment en plein milieu de la rivière, impossible de voir les bords qui doivent êtres distants de plusieurs kilomètres. Il faut passer absolument. En aval il y a des chutes, celles là sont infranchissables. Il va falloir porter tout le matériel et contourner le problème.
Nous passerons une bonne heure à chercher un passage à travers la jungle pour rejoindre le bas des chutes. En fait nous sommes encore sur une île, deux chutes nous entourent. Nous trouvons l’échappatoire en contrebas quelques centaines de mètres plus loin, après les chutes spectaculaires qui arrivent de notre droite. Le lit de la rivière se resserre en un canal de basalte magnifique, ou règne un courant très fort mais complètement régulier. Le repas sera une fois de plus basé sur le sempiternel pain plus tube de pâté. Le soleil recommence à nous agresser, pendant que nous nous transformons en Sherpas. Nous mettons les bateaux à l’eau sous les chutes à cent mètres en aval. Elles sont en arc de cercle, quelque chose comme six ou sept mètres de haut, fantastique.En contrebas, nous allons rencontrer, se jetant dans ce bras de rivière la deuxième chute. Nous passons les premiers avec jean Beu, les rapides sont vraiment gros, la jonction avec les autres chutes est magnifique, le bruit énorme, nous sommes dans une véritable machine a laver.
Arrêt dans un contre-courant. Je ferai des photos de l’endroit et des autres équipiers.
Les gros rapides et chutes se calment, la rivière recommence à se diviser en de nombreux méandres, la plupart ont moins de vingt centimètres de fond, il faut souvent porter et traîner les bateaux sut des dizaines de mètres, les hippopotames recommencent à pulluler, et comme nous sommes en fin d’après midi, il recommencent à s’agiter. Engagés dans une impasse ou il nous est impossible d’avancer car pas assez d’eau et entourés de gros rochers, Un Gros hippo décide de nous foncer dessus la gueule grande ouverte, Aie aie aie, nous sommes comme six couillons, les bateaux bloqués, en voyant arriver le monstre qui nous veut du bien ! Ok, nous sortons le matériel d’urgence, un explosif de rappel pour plongeur sous marin. Un espèce de truc qui vous rend sourd dans un rayon de vingt mètres sous l’eau…On va pouvoir vérifier l‘efficacité de la chose. Briquet, mèche allumée, pétard jeté vers l’hippo en folie. Il stoppe net sa course, interloqué, et voilà six couillons coincés dans les rochers dans leurs frêles embarcations, et qui se bouchent les oreilles…..
Pchhh, le pétard foire….
Le bestiau revient de plus belle, deuxième pétard
Pchhhh, le pétard foire encore.
Mais cette fois ci, l’hippopotame se doute d’un coup fourré et s’éclipse en courant en soulevant des gerbes d’eau…..
Pff…….Cette fois nous avons eu chaud.
Nous en concluons que les explosifs sous marins ne sont pas adaptes, car les meches sous marines se deteriorent dans la poche de no chemises…il nous reste un pistolet lance fusée, qui lui est très efficace. Ca suffira pour aujourd’hui, nous nous mettons en quête d’un endroit pour camper. Bel endroit, en lisière de la forêt encore une fois, pas de bruit,les rapides sont assez loin, plein d’hippopotames comme toujours, a gauche de la rivière. De nombreuses empreintes d’animaux et d’éléphant nous rappellent à la prudence. Une séance réparation sur deux bateaux crevés légèrement, il semblerait que les orages de la première semaine ne soient plus au rendez vous maintenant, c’est moins pénible, nous pouvons dormir sans le double toit qui transforme la tente en four a pizza…Je dors du sommeil du juste. si profondément que je n’entend pas les hommes, qui cette nuit la visitèrent le camp.
Jean pierre fut le seul à entendre un groupe, en pleine nuit, déambuler au milieu de notre campement.
Braconniers, chasseurs professionnels, rangers ?
Nous pensons à des braconniers, qui d’autre pourraient roder la nuit dans cette zone. Je frémis à l’idée que cette rencontre aurait pu être fatale, les braconniers ne laissent en général pas de témoins. .Mais cette nuit nous ne furent pas témoins de grand chose, par chance. Nous ne saurons jamais qui furent les visiteurs nocturnes.
Ce matin, le petit déjeuner est simplifié, ça y est, le paquet de biscuits est bien fini, nous attaquons un pain « a rien » heureusement, nous avons du café !
Dans les sacs étanches la nourriture commence à prendre un léger goût de moisissure…Tout est plié rapidement, les bâches a trous ajustées, go ! Deux bonnes heures de slalom au milieux des hippopotames, la rivière est très large, de gros rapides nous stoppent net a présent : fini de rigoler. Nous décidons de passer les bateaux à la corde, la berge est inaccessible. Nous mettrons deux bonnes heures pour afin de préparer les cordes, fabriques des systèmes de va et viens
Sur les trois, une embarcation se retournera, sans casse, en signe d’avertissement.
Ce qui semble facile lorsque nous avançons à la rame, devient extrêmement problématique quand il faut agir physiquement sur quelques dizaines de mètres.
Trois tiennent le bateau en amont trois le retiennent et le guident par le bas, dans un bruit et un courant étourdissant. Nous rééquipons les bateaux et nous repartons… deux cent mètres. Non, maintenant les rapides sont omniprésents, des rochers partout, mais surtout, nous ne voyons pas la sortie, et nous ne voyons aucune possibilité de nous arrêter une fois lances. Il faut partir en reconnaissance, a pied.
Jean Michel et jean pierre partent dans de bush, en éclaireurs .Ils en reviennent au bout d’une bonne heure. « Il y a bien un espèce de chute, qui semble passable, mais avec quelques obstacles au milieu, après, ça passe, pendant au moins deux kilomètres, puis ensuite il y a d’autres chutes. » Devant le portage potentiel dans les broussailles, les avis sont partagés : Dominique est inquiet, la majorité décide un passage par la voie d’eau en serrant sur la gauche. Il est exclu de se retrouver au milieu de la rivière sous perte de se faire embarquer on ne sais ou. Nous sortons la camera et faisons une séquence avant de partir, avec nos gilets de sauvetages et des commentaires, comme si nous allions rencontrer un problème.
Pressentiment
Jean- Michel et pizza se lancent.
Nous les voyons s’éloigner a toute vitesse, puis arrivée au gros remous, ils disparaissent a notre vue une seconde,et réapparaissent bateau retourné les deux accrochés en catastrophe, puis, ils disparaissent a nouveau complètement , car le fleuve amorce une virage à gauche.
Tout s’est passé très vite.
Nous sommes inquiets, nous ne les voyons plus. Ok, jean pierre et Dominique se lancent « faites gaffe la bas ». Ils partent, …. Et se retournent, eux aussi.
Deux sur trois, c’est beaucoup ! Nous partons sans aucune hésitation, il faut arriver au plus vite pour aider nos amis. Et si ils étaient en catastrophe la bas derrière ? D’ici, de toute façon, nous ne pouvons rien faire. Je décide de passer l’endroit délicat en force, car il semble qu’ils aient capotés au même endroit. En arrivant devant la marche, l’avant du bateau est littéralement à deux mètres au dessus de l’eau, jean Beu s’arrête de pagayer affolé par le trou béant qui s’ouvre devant lui , la faute a ne pas commettre. Je lui hurle « a fond ! A fond ! Un tourbillon », juste au moment ou le nez du canoë se précipite dans l’eau bouillonnante, je m’apercois que les vagues nous aurait retournés comme une crêpe si nous n’avions pas conservé de la vitesse. Nous passons sans nous retourner.
Devant nous, c’est Beyrouth !
A cent mètres Jean-Michel est sur un rocher, il essaie de retourner le bateau encastré, enroulé autour d’un rocher. Plus loin, pizza, lui aussi sur un rocher en plein milieu de la rivière, se demande comment il va sortir de là. Ils ont perdu leur chapeau mais semblent indemne. Je réussi a immobiliser mon canoe non loin d’eux, dans un contre courant. Beaucoup plus loin, en aval, j’apercois le KII a l’endroit, avec deux silhouettes qui nagent, accrochés au bateau, il semblerait que la situation soit meilleure pour eux, ou du moins c’est une apparence. Soudain, je les vois lâcher le bateau et nager vers la rive. Le bateau part dans les rapides, seul, et je me dis que les ennuis vont commencer. Je vois, au loin le bateau basculer…. Et disparaître. Nous sommes au niveau des chutes et le, KII viens de partir dedans ! !
Les occupants nagent vers la rive, s’agrippent à des branches et rejoignent la rive avec difficultés. Ils semblent sains et saufs. Je suis à moins de dix mètres de Pizza, dans un contre courant. Nous dégageons le KIII et jean Michel a califourchon, sur le bateau retourné, le sort de ce mauvais pas et le ramène vers la rive, c’était limite.
Il faut récupérer pizza, toujours en perdition sur son rocher, il a le souffle coupé. Il faut faire vite car, si le courant me dégage du contre courant, il sera impossible de remonter et mon ami risque de passer un bon moment sur son cailloux, en attendant la montée des eaux. Je lui hurle d’attraper la corde que je lui lance et de se jeter dans les rapides, qu’il faut faire vite. Mais il tarde, je le sens stressé au point de commencer à perdre ses réflexes. A force d’entendre hurler, il se décide enfin et se jette à l’eau, nous souquons comme des forcenés pour nous sortir de ce merdier, maintenant nous n’avons plus qu’un seul bateau valide, un deuxième esquinté, un troisième disparu. Un arbre mort énorme couché le long du bord nous sert d’abrit et nous nous regroupons : pas de blessé, aucun bobo, C’est le principal.
Nous ne pourrons sortir d’ici que par nos propres moyens, et ça, nous le savons, et nous l’avons accepté depuis le début, alors autant en rire.
Cinquante mètres plus haut, une bande de terre de cinq mètres de large sur une dizaine est assez plate. Nous allons nous arrêter ici, camper et aviser, nous n ‘avons de toute façon pas le choix. Le bilan est assez lourd : un bateau a disparu, avec dedans, la moitié de la nourriture restante, une tente, deux sacs de couchage, les sacs de Dominique et de jean pierre, les appareils photos ,passeports…, le KII est a moitié broyé mais n’a rien perdu de vital. Bref la situation se corse.
Nous fabriquons une tente de fortune avec les deux voiles restantes et de la ficelle tendue entre deux arbres, car bien sur dans ce cas, un malheur n’arrivant jamais seul, le pire reste à craindre, et nous aurons forcément un gros orage cette nuit !
Il règne à cet endroit un bruit assourdissant et oppressant. J’imagine le niveau de la rivière monter et en catastrophe nous de crapahuter la pente raide jusqu’au plateau, pendant que le fleuve embarque tout notre bazar… mais bon, il ne faut quand même pas exagérer, nous avons eu notre dose aujourd’hui.
Il est toujours intéressant de voir comment chacun d’entre nous réagit dans ces moments difficiles. Dans notre société ou tout un chacun est pris en charge par le système, nous sommes rarement confronté à de réelles situations de crise. C’est pourtant durant ce genre de situations que les valeurs essentielles comme l’amitié et la solidarité prennent un sens. C’est sans surprise que nous appréhendons le comportement de chacun durant les évènements qui se succéderont tout au long de l’expédition.
Ce soir le plat de pâtes sera bien triste, sans sel, nous allons devoir nous rationner. Jean pierre et Dominique, partent en reconnaissance, avant la nuit, pour trouver un passage afin de passer les chutes, demain matin. A mon avis ils y vont plutôt afin d’essayer de retrouver le bateau perdu. De retour une heure plus tard, ils ont repérés, a la jumelle, je KIII broyé, mais bien la, encastré sur un rocher juste entre deux autres chutes, deux kilomètre plus bas dans un endroit quasi inaccessible.
Il semble que le passage, quoique escarpé et en plein milieu d’une foret dense sera finalement assez facile.Chaque jour est différent, chaque heure nous réserve sa surprise, il faut redoubler de prudence. J’informe notre ami Michel, a Dar, à l’aide de mon transmetteur satellite, que nous risquons d’avoir un problème pour passer les Stiegler gorges, et qu’il faudrait essayer de prévoir une solution de contournement avant le derniers rapides, nous allons manquer de temps pour les éviter a pied.
Endroit hostile, les hippos sont absents, ils ne sont pas complètement fous. Demain séance « action » avec portage, cordes, et divers efforts en perspective. La nuit sera agitée, gros orage, et pizza qui se lèvera, malade et passera la nuit à vomir joyeusement dehors, pendant que les autres combattront les moustiques sous leur tente précaire que l’on peut considérer de « bien aérée ».
Ce matin, il fait chaud, le soleil, comme pour encourager nos ardeurs, nous arrive plein est, droit dans la figure. C’est la tête pleine de points d’interrogations que nous plions en vitesse le matériel, ou du moins ce qu’il en reste. Le moral des troupes n’est pas terrible, Dominique est complètement hagard, et se sent de plus en plus mal. Pizza, qui a passé sa nuit entre vomir ses tripes et se faire agresser par les moustiques est complètement hors d’état de faire quoi que ce soit.
Je lui donne des cachets sensés lui redonner un peu de vigueur et stopper ses vomissements, mais, rien n’y fait et il répugne à prendre les antibiotiques que je lui sors de la pharmacie. Notre pauvre nourriture, constituée de pâtes a moitié avariées, n’est forcément pas en cause et l’eau que nous puisons dans la rivière pour boire, même si elle n’a pas un aspect très engageant, est suffisamment désinfectée et traitée. Son mal au ventre épouvantable semblerait plutôt d’origine psychosomatique.
Préoccupation du jour : sortir de ce merdier….
C’est sacs sur le dos, en file indienne et en chantant pour nous donner du cœur a l’ouvrage que nous progressons péniblement à travers le bush jusqu’à la crête, en débroussaillant à la machette. Arbalète chargée et pistolet lance fusée à la main, nous restons vigilant, des fois qu’un lion ou un éléphant fasse irruption, se serait le bouquet. Le vrai danger avec un lion c’est de surprendre des petits avec la mère a proximité, dans ce cas il n’y aurait pas grand chose à faire. Il est certain que la région pullule de fauves. Des sentiers assez larges, partant dans toutes les directions, longent les rivières ; comme tracés par des promeneurs improbables, sauf que, ici, les promeneurs en question doivent avoir une trompe et peser dans les quatre tonnes. A en juger par leurs «témoignages» qui, de temps en temps, jonchent le sol.
Il fait une chaleur épouvantable, malgré l’ombre que m’offre le feuillage dense au dessus de ma tète. Nous arrivons, après être descendu de la Crète, au pied des chutes ; énormes et magnifiques. Elles ressemblent à celles que nous avons contournées deux jours plus tôt, mais encore plus larges. Vu d’ici, l’eau marron furieuse arrive de toutes part, sur un arc de cercle de plus de cinq cents mètres de largeur. Il nous faudra quatre voyages pour assurer le transport de tout le matériel, dans des conditions assez dures, bonne introduction pour la suite des évènements, si la série de portages se poursuit, surtout si elle se poursuit durant des kilomètres.
Le canoë s’est payé un sacré vol plané, et doit être complètement désintégré.
Je ne me fais plus aucune illusion. Je me demande aussi si ce sont les dernières chutes ou si la suite nous réserve encore de nouvelles surprises du même genre. D’après Mr Kibonde, la Luwegu, rivière dans laquelle la kilombero se jette et qui forme ensuite la Rufiji, est en contrebas, et si cela se vérifie, ce ne sont donc pas les dernières difficultés. Dominique soutient comme fer que ça doit être le cas, vu son état, je ne tente pas de le contredire, ça vaut mieux. Il a l’air si sur de lui.
Nous sommes sur une immense plage, langue de sable blanc qui s’avance dans la brousse, entre deux collines.Ici ni crocodiles, ni hippopotames, trop de courant et trop de remous, le bruit est intense.L'endroit est idéal pour monter le camp de base afin de nous requinquer, nous et le matériel. Quand je pense que personne n’a jamais planté une tente ici, je me dis que finalement, le prix payé pour ça, pour le moment n’est pas si cher.Pizza s’écroule et reste allongé à coté de tout le matériel, qui commence, lui aussi à être fatigué.L’endroit est fabuleux ; vue directe sur les chutes a porté de la main, une merveille !Il y a, au pied des cascades, des rochers accueillants qui se prêtent merveilleusement a la baignade : pas de crocos, pas d’hippopotames. Je me relaxerai longtemps dans cette baignoire magique, malgré un soleil de plomb qui continue de nous brûler encore et encore ; pour ma part j’ai attaqué les brûlures aux avants bras au troisième degré, et nous n’avons plus de biafine réparatrice…..Il est temps d’aller essayer de récupérer le KII, ou du moins ce qu’il en reste.Nous avançons sur un chaos de rochers usés par les crues, noirs et brûlants. La rivière à coté de nous est devenue étroite, comme un canal. Elle emporte l’eau avec un courant fort, très fort, mais sans écume. Comme une invitation a continuer.Plusieurs centaines de mètres plus loin, un kilomètre peut être, nous voici encore en haut d’autres chutes. Le lit se sépare de nouveau en deux. Devant, la Rufiji plonge cinq ou six mètres plus bas dans un vacarme énorme, tandis qu’un bloc de rocher la sépare d’une autre chute, juste en face de nous. On ne peut, vu d’ici, voir l’autre coté de la rivière qui doit se trouver a plusieurs kilomètres, une grosse île semble encore nous séparer de l’autre coté du fleuve.En contrebas, des cascades et des vasques interminables, en escalier s’étalent au moins sur deux kilomètres, c’est grandiose. Au loin, j’aperçois les hauteurs une colline, qui délimite forcément la rive nord du fleuve, il faudra passer a travers le bush par la bas, en force. Un banc de sable au loin semble indiquer la voie. Nous allons en baver pour pour nous sortir de la.Mais dans l’immédiat, la première chose et de récupérer le matériel, broyé, sur le rocher en face de nous, à moins de cinq mètres des chutes …Je décide d’aller chercher le KI avec jean Michel, les cordes, mousquetons et tout les accessoires d’escalade nécessaires.Le KI est remis à l’eau. Vide il est terriblement instable.
Nous avançons dans le courant pour stopper à une cinquantaine de mètres des chutes.
Précautions.
Apres avoir assuré le KI, nous fonçons vers le rocher au milieu, il ne s’agit pas de se rater ou nous finiront dans le même état que le KII.les chutes rugissent devant mon nez. Ca y est.Nous nous abritons derrière le canoë broyé, entre deux rochers qui génèrent un contre courant salutaire. A gauche, à deux ou trois mètres l’eau dégringole avec puissance, et derrière nous, c’est la même chose….
Une tyrolienne est fabriquée à l’aide de la corde de quatre vingt mètres.
Bien tendue entre d’énorme blocs, des deux cotés, de la rivière, elle servira à nous refaire revenir, a faire glisser le matériel attachés par des mousquetons. Nous nous jetons a l’eau afin de retourner le KII, dans un sale état, vu d’ici, et rempli d’eau. Au prix d’efforts répétés, nous parvenons, en démantibulant la structure désintégrée, à le remettre à l’endroit. Les sacs,du moins ceux qui étaient attachés par une corde a l’armature, sont encore là. Seul le sac de nourriture nous a faussé compagnie…. Dans l’eau jusqu’au cou, au milieu des remous, je coupe la corde et libère les sacs. Ils sont imbibés d’eau et pèsent un poids terrible. En face, Dominique et jean pierre ont l’air d’aller mieux, on va de nouveau avoir une tente et peut être tout le reste.
Le chargement récupéré est chargés dans le KI, nous démontons entièrement ce qui reste et empilons le tout dans notre fringuant KI.L’idée est d’attacher la proue du canoë à la tyrolienne, et le faire coulisser, sur le mousqueton vers l’autre rive.
Est-ce trop de précipitation ou un moment d’égarement ?Cela étant, l’embarcation se met en travers, en se coinçant entre deux rochers, embarque l’eau et en moins d’une seconde,le canoë bascule et vient se tordre autour du rocher, nous passons a l’eau, le tout sous l’œil médusé de nos équipiers qui observent la scène avec incrédulité.
J’empoigne la corde de sécurité que je jette a jean Michel, nous nous retrouvons à l’eau. Nous voyons s’éloigner les sacs qui se précipitent dans les chutes. Cette fois ci nous les avons forcément perdu. Eh merde !
Toujours pas de mal, donc, tout va bien…Ça sent la crise de nerf, de l’autre coté.
Nous voyons les sacs flotter en contrebas et filer dans le courant…Bien, comme s’apitoyer sur notre sort ne mène a rien, il faut sortir de la.
Le KI maintenant lui aussi, est a moitié broyé. Etat des lieux, état du matériel : le KI est remis a l’endroit, l’avant du bateau a une forme inquiétante, comme si l’avant avait frappé avec violence et s’était soulevé, deux tubes supérieurs sont cassés. Ce soir, ça sent l’atelier bricolage.. Ça va aller.Maintenant, c’est sur, avec trois canoës il va falloir en faire deux. Nous passons plus d’une heure à réfléchir à la meilleure méthode pour rejoindre la rive et sortir de la sans se faire embarquer dans les chutes par le courant. Maintenant Il vaut mieux prendre notre temps, la marge d’erreur se réduit fortement.Nous optons pour la solution suivante : utiliser deux cordes, bout a bout, que les autres vont nous envoyer, car bien sur la deuxième corde longue a disparu dans les chutes avec les sacs. Nous nous attacherons individuellement à la tyrolienne par un mousqueton et une sangle autour des aisselles, dans l’eau, les autres tireront vers eux pour nous ramener vers la rive. Si la tyrolienne casse, adieu… Le bateau sera le dernier à passer, mais cette fois ci nous l’alignons parfaitement dans l’axe du courant avant de partir. Je passe le premier, j’ai la tète dans, l’eau, je bois la tasse deux ou trois fois. Il faut éviter à tout prix que le courant m’aspire au fond, coincé et attaché à la tyrolienne. Mon sort serait réglé en quelques secondes. J’ai mon poignard a porté de la main, afin de couper la corde au cas ou.
Mourir noyé ou broyé dans les chutes ? Perspective intéressante…la tyrolienne se tend comme la corde d’un arc sous le poids du courant qui me pousse avec violence. Elle va résister ?
Je suis de l’autre coté, sain et sauf. Même opération pour jean Michel, re-lancer de corde, attaché, et hop, le voici parmi nous. Reste le bateau.Nous le faisons glisser doucement en tirant sur la corde. Le mousqueton qui l’attache a la tyrolienne glisse, doucement. Ce n’est pas le moment d’être trop brusque, si nous ne voulons pas rentrer a pied. Tout est en ordre. Il nous faut abandonner notre installation, impossible d’aller de l’autre coté pour la décrocher.En espérant que nous n’aurons plus besoin de ce genre de dispositif…
Tout est ramené au camp, il est temps de faire l’inventaire précis et un point sur la situation.
Pizza est encore allongé, il sursaute à notre arrivé, s’attendant à un lion ou une autre bestiole sympathique du genre. Le pauvre a une mine complètement défaite, il vomit tout ce qu’il boit et mange et reste allongé en permanence. Jean-michel se plaint de ses pieds, cela fait plusieurs jours que l’humidité, dans ses chaussures de cuir, lui martyrise les orteils. Il se plaint avec raison, ses pieds sont brûlés, a vif, je me demande comment il arrivait à marcher ces jours-ci, il a du souffrir le martyr.
Il va rester allongé, bétadine, tulle gras, et repos, Dominique est complètement en état de crise, il est psychologiquement hors d’état de nuire.L’équipe est sévèrement endommagée. Mais tout va bien pour Jean-Pierre, Jean Beu et moi !,Jean pierre a récupéré son sac « étanche », appareil photo, passeport, argent, tout est trempé, mais pour lui, tout va bien ; c’est un vieux compagnon de galère qui sait gérer ces situations avec brio. : Plus de sac de couchage, nous dormirons sans.. Plus de tente et de matelas ? bof..
Il est tard, jean Beu et jean pierre, pourtant décident d’essayer de retrouver les sacs en liberté maintenant en aval des chutes.Nous travaillerons, avec jean Michel, à la réparation de nos bateaux broyés. Coupant des tubes de l’un pour consolider les tubes de l’autre. A force de persévérance, on arrivera à concevoir deux canoës a peu près droits. Il fait encore une chaleur épouvantable, et le bruit des chutes, là à moins de cent mètres de nous, nous assomme de plus en plus.La nuit tombe, jean pierre et jean Beu ne sont toujours pas rentrés ; c’est inquiétant, surtout qu’ils sont partis sans lampe. Sur les rochers, je vais poser une torche allumée afin de baliser le terrain.
Je les imagine bien passer la nuit au milieu du fleuve… au moins là, pas d’hippopotame ! Ils ne seront pas très confortables, c’est sur.Finalement ils nous rejoignent, ils ont pu récupérer la tente, mais tant pis pour le reste, trop loin.
Jean pierre se plaint de son épaule ; il est tombé sur un rocher en voulant récupérer un sac. Un de moins en bon état…Si l’hécatombe continue, la fin de l’expédition risque fort de ressembler au radeau de la méduse. Demain il fera jour, nous passerons.
Nous n’avons rien mangé ce midi, en ce soir encore des pâtes à rien au menu
Maintenant ça y est nous n’avons plus de sel, plus de poivre, plus de sucre.. Et notre reste de pain est complètement avarié. Ce matin l’inventaire n’est pas très réjouissant:Manquent à l’appel :
-deux tapis de sols
-deux sacs de couchage
-cinq pagaies
-un sac de nourriture
-deux sacs a dos
-plus le reste….
Check up de la réserve de victuailles :
Pas assez de pâtes pour tenir jusqu’à la fin, nous devons nous rationner
Le pain qui nous reste est moisi, autant dire que nous n’allons pas manger grand chose cette semaine ! Pourvu que le poisson veuille bien être coopératif.
Si le dieu de la rivière existe, c’est le moment pour lui de se manifester..
Optimisation du chargement, on va essayer de faire un minimum de voyages, car on n’a aucune idée du chemin a parcourir a pied..
Tous les sacs sont prêts, alignés, Je fais un point précis, sur la carte. D’après mes calculs, si nous coupons, plein est à travers le bush, nous devrions tomber sur la Rufiji an zone calme, après cette zone de chutes, dans a peu près cinq kilomètres.
Nous ferons deux voyages.
Le premier, est éprouvant, Je passe en tète du convoi, boussole dans une main, arbalète dans l’autre, en dégageant le chemin a la machette,Notre chargement pèse, et il doit être à peu près midi, ce qui n’est pas forcément le meilleur moment de la journée pour ce genre d’exercice,Jean Michel est en deuxième position avec le pistolet lance fusée en cas d’éléphant intempestif. D’abord, il faut monter sur la crête, puis, nous suivrons la rivière, ensuite nous couperons à travers la foret. Nous suivons, au début, des pistes d’éléphants assez larges. Des arbres qui jonchent le passage témoignent du bon appétit des pachydermes locaux. Le GPS, qui me sert à naviguer, a du mal à calculer son point à travers l’obstacle de la forêt. La progression est lente, très lente, je me retrouve plusieurs fois dans un cul de sac, au fond d’une combe, traversant, sur les rochers noirs et brûlants comme sortant d’un four, ce lit de rivière, cet affluent desséché qui se transformera en torrent furieux dans moins d’un mois, lorsque les pluies seront là. Il faut s’arrêter souvent, déposer à terre le chargement qui nous semble de plus en plus pesant. Sur certains visages on commence à lire la souffrance ou le désespoir. Je suis en tète de la colonne qui se fraie le passage à coup de machette dans cette zone qui n’a probablement jamais été vraiment explorée.
Une forte sensation de privilège, de nouveau m’envahi, cette espèce d’exaltation, ce sentiment d’être tellement vulnérable, à la merci des éléments, et pourtant d’être maître du jeu ; et J’aime ça.
Je suis encore en train de me demander ce que l’on va trouver derrière tout ça. Peut être encore d’autres chutes, et surtout, dans combien de temps ?
On n’entend plus pizza, ce qui au demeurant peut sembler curieux, malgré la température ambiante qui doit flirter autour des quarante cinq degrés a l’ombre, lui qui est toujours si jovial quand il fait chaud ! Pour le première fois, on le verra s’énerver, lorsque sa plaie a la main s’ouvrira de nouveau en saignant abondamment : « eh mon vié.. » gueulera t-il, en bon marseillais qui se respecte. Il est temps de sortir de ce merdier, le moral des troupes faiblit. Aujourd’hui il porte son chargement et il en bave en silence. En me frayant le passage à la machette, je m’attend a me prendre un mamba noir (sympathique serpent venimeux arboricole) sur le coin du chapeau, mais, aujourd’hui le dieux semblent avec nous, tout semble paisible.
Comme dans un rêve, j’écarte la végétation à grands coups de machette et soudain ; en écartant les branches d’acacias couvertes et leurs épines longues comme des couteaux, je découvre Comme une récompense, la majestueuse Rufiji. Contraste après ces quelques jours d’éléments en furie ! Un lit de basalte noir, creusé en contrebas laisse glisser un fleuve tranquille et silencieux. Des plages de sables blanc, sont comme une invitation a la baignade ; mais là encore, l’eau encore opaque nous incite à la prudence.
Nous sommes passés ! Le soulagement se lit sur les visages. Au loin derrière nous, on appercoit, rugissante, la dernière chute de la fameuse jonction des kilombero et Rufiji, magnifique orgues de basalte inondé d’une écume blanche.
Le calme de la brousse africaine est enfin revenu. J’entends le chant des oiseaux et les bruits si familiers. Je stoppe en lisière de la foret en me débarrassant de mon chargement bien trop lourd, un petit repos s’impose à l’ombre. L’endroit est propice, la plage, en bas, est accueillante il y a de la place pour camper, manger, réparer.
Je décide de planter le camp ici, mais avant, il faudra faire un autre voyage pour récupérer le reste du matériel, en particulier les deux canoës démontés. Le retour est bien plus facile a vide, en ayant étudié une bonne fois la topologie des lieux ! Nous gagnons plus d’une demi-heure par rapport à l’aller. Au travers des arbres, en longeant la rivière, on appercoit le dédalle des chutes, et des rapides. Maintenant, je sais que j’ai pris la bonne décision ; un des meilleurs passages possibles, et que, encore une mon instinct (ou bonne étoile) a eu raison. Nous retrouvons le reste de notre matériel, encore conséquent. Je transpire rien qu’à voir la masse qu’il va falloir transporter. Canoës sur le dos, par deux, nous attaquons de nouveau, l’entrée dans la forêt. Cette fois, l’entrain est au rendez-vous et l’enthousiasme nous donne des ailes, étrange. La procession entre de nouveau dans le bush, nous rejoindrons la « sortie » une heure et demi plus tard. Cette fois nous avons vraiment le sentiment d’être passé.Certain membres du groupe ont perdu du poids, ça se remarque facilement, pour ma part trois ou quatre kilos, sans problème.
Jean Michel a l’air inspiré par l’endroit, on le voit sortir sa canne a pêche et on lui « commande » trois gros poissons .Ca nous ferait vraiment du bien. Pour ma part, je décide d’aller déambuler plus loin, en aval de la rivière, sur plus d’un kilomètre, histoire de vérifier si, après le virage que l’on appercoit au loin, on ne retrouve pas encore une chute sournoise, ou une autre difficulté du genre, qui nous aurait donné une fausse joie. Je passe de bancs de sable blanc, aux rochers escarpés noirs. Deux crocodiles sont surpris par mon arrivée, ils plongent violemment et disparaissent dans les eaux du fleuve.
Je m’assoie sur un rocher, surplombant la Majestueuse Rufiji, pas de bruit, plus de stress, une intense sensation de bien être. Qu'est-ce qui me pousse dans des situations de ce genre? Difficile a dire. Peut être l’absence de certitude, la nécessité de l’improvisation au sens basique du terme. Quand j’appercois le virage ; au loin, et quand je ne sais pas ce qu’il y aura derrière. Un brusque retour en arrière en essayant de comprendre, de ressentir ce que nos ancêtres explorateurs sont venus chercher sur ce continent hostile, mais tellement attachant. Loin de notre réalité, d’une vie trop facile peut-être, pour chercher un autre sens à la vie. Je resterai souvent seul.
Retour vers mes amis, j’annonce à l’équipe que nous sommes réellement passés. Sur ma carte, le relief semble régulier et il serait tout a fait improbable de trouver des rapides important maintenant; heureusement car c’est sur deux canoës qu’il va falloir rentrer a six.. En cas de rapide ça fera désordre. Nous montons la tente sur la petite plage, avec jean Michel, à cinq mètres de l’eau, malgré les nombreux crocodiles présents dans le coin. Ils restent a distance.Compte tenu du nombre d’êtres humains en mouvement dans le coin, il est facile de comprendre que les sauriens ne risquent pas de s’approcher trop près. Leur réflexe naturel est de toute façon, la fuite.
L’endroit est beau. Les autres choisissent de camper en haut, sur la Crète, les crocos aperçus quelques minutes avant, de taille respectables (trois ou quatre mètres) ne les inspirent pas. Ce soir la lumière rasante, est orangée, elle illumine la végétation.
Il n’y a plus de vent du tout, il règne dans cette espèce de vallée une chaleur étouffante, on se sent comme écrasés dans cette atmosphère inquiétante et sauvage. Comme pour nous nous rappeler qu’on est en territoire hostile, les moustiques viennent faire la fête avec nous ce soir. Un hippopotame timide gesticule dans l’eau à quelques encablures, histoire de nous distraire un peu..Il semblerait qu’il y en ait moins dans cette région, que va nous préparer la suite ?
On s’attend quand même au pire. Jean Michel viens de capturer un gros poisson étrange, un poisson chat carnassier ; on saute tous de joie ! Enfin de quoi améliorer l’ordinaire ! Même sans sel ni poivre, on se régale de ces filets que l’on savoure lentement. Un bon repas finalement, je dirai même un festin ! Nous passons une nuit épouvantable, malgré l’endroit merveilleux, toujours à cause de cette chaleur étouffante et oppressante. Depuis pas mal de temps, nous avons ôtes nos montres. Qu’elle heure peut il être ? Quelle importance.
Il fait jour, encore frais (relativement) et c’est tellement beau. Ce matin, atelier bricolage, il faut absolument se bouger pour remettre les canoës en état et partir. A présent je suis persuadé qu’on sera en retard sur l’horaire, et qu’on n’arrivera pas au point de rendez vous avec l’avion. Le manque d’énergie est évident, l’accumulation d’évènements stressants de ces derniers jours a agis sur les corps et les esprits, et nous fonctionnons au ralenti. On passera une quantité de colle et de rustines importantes, des morceaux de tubes et de la ficelle afin de remettre d’aplomb nos frêles esquifs. Finalement les deux bateaux sont de nouveaux fringants ; ça fait plaisir à voir ! Nous n’avons plus que trois pagaies, il nous faut en fabriquer une de plus, nous en avons quand même perdu sept dans notre infortune.Nous décidons de sacrifier la poêle pour la bonne cause, en utilisant un morceau de mat « survivant », Nous verrons bien.
Je repense alors au patron du magasin de bateau, à Genève, et de ses grandes théories sur les modèles de pagaies « celle ci sont plus profilées, celles là plus adaptées aux rapides, ..)Il devrait tester notre innovation, ça lui ferait tout drôle pour slalomer entre les hippopotames.
C’est vrai que vu d’ici, la Rufiji me rappelle le haut Zambèze dans l’ouest de la Zambie, après les chutes de Sioma : un canal naturel bordé de roches noires, lisses, ou l’eau glisse sans bruit vers l’océan. Aujourd’hui il faut faire au moins trente kilomètres, je tente de motiver l’équipe, et nous partons dans la joie. Comme par hasard, on se prend un vent nord-est de face, histoire de nous faire forcer un peu plus…mais le courant est fort, ça aide. Le soleil redouble de vigueur, aujourd’hui, quel enfer ! Je m’attend a des rapides, qui, même légers, représentent maintenant l’obstacle absolu compte tenu de la charge de nos embarcations. De gros rochers au milieu, des hippopotames paisibles, un faible dénivelé. Tout va bien, on commence a oublier les difficultés des derniers jours qui nous a mis les nerfs a vifs. Ce matin nous suivons cette vallée encaissée, étroite, ou le courant est fort et le rivage escarpé. Puis le lit de la Rufiji s’élargit peu a peu, les bancs de sables se multiplient. La profondeur de la rivière est faible. Tellement faible que, par moment, il faut descendre pour tirer le bateau vers des zones plus profondes. Nous choisissons de serrer a gauche ; ici la Rufiji est une zone inondable d’au moins cinq cent a huit cent mètres de larges, un espèce de chenal d’une vingtaine de mètres de large, a gauche semble plus propice a la navigation. Le problème est que c’est plus propice aussi pour les hippopotames ! Ils nous bloquent sans arrêt et nous obligent à tenter de les contourner. Nous passons dans les branches et contres les racines. Quelquefois, nous ne pouvons les éviter, et il nous faudra être patient et attendre leur bon vouloir, qu’ils veuillent bien nous laisser le droit de passage…Quelquefois hors de l’eau à quelques mètres de nous, ils se jettent dans le fleuve à notre approche, souvent à trois ou quatre mètres de nos canotés ils sont responsables de bonnes montées d’adrénaline ! Les passages de sables sont innombrables et, les pieds dans l’eau dans vingt centimètres d’eau ; nous prions notre bonne étoile de nous épargner. Je pense de temps en temps à une petite attaque d’un crocodile sournois qui attraperait l’un d’entre nous par le pied. Ce qui n’est pas rassurant, c’est de voir que les sauriens de quatre ou cinq mètres sont tout a fait à l’aise dans cinquante centimètres d’eau et, surtout, qu’ils sont quasiment invisibles ! Je pense a la réaction que je pourrai avoir si un de mes amis se faisait embarquer par une de ces bestioles, aurai-je le réflexe de lui sauter dessus ? Je préfère ne pas tenter de le vérifier. Nous déjeunons ( !) sur une immense plage, la bas, sous un arbre, une bonne tranche de pain moisi.mhmmm. L’ombre verticale de midi nous oblige à nous grouper sur un espace de deux ou trois mètres carrés, à deux cent mètre de l'eau et de nos canoés. Il y a encore de nombreuses traces d’éléphants sur le sable, et la chaleur qui se reflète sur le sable fait apparaître d’étrange mirages rendant les images du paysage presque flous, là bas au loin. Nous sommes revenu a hippo land, ou les hippopotames s’agitent après quatre heures de l’après midi. Il faut s’arrêter et monter le camp. Apres un virage et une petite accélération suite a quelques hippopotames nerveux, Nous trouvons l’endroit strategique du jour.
Quel contraste avec hier soir !nous sommes sur un immense banc de sable blanc, des roches plates, encore brûlantes de la journée sont alignées sur des centaines de mètres. Le coin est confortable. Le moral est au beau fixe, ce soir, l’inspiration est là, et, avec les bonnes nouilles, nous chantons et mettons au point notre « samba » rythmée de coup de casseroles et d’objets variés. Tentative de pêche ce soir, même Jean-Pierre s’y met ! Mais, notre bonne étoile n’est pas avec nous ; ce sera « pâtes a rien »….La nuit est paisible,
Nous avançons, vite maintenant, mais, encore une fois, je suis certain que nous n’atteindrons pas le lieu de rendez-vous a temps. Nous n’avons désormais plus rien a manger pour le déjeuner, nous ne perdons forcément pas de temps. Nous partons après une préparation rapide de tout notre équipement. Avec l’apréhension de rencontrer des rapides, qui de toute façon ne vont pas tarder a nous barrer le chemin. Nous sommes a présent a moins de quatre vingt kilomètres de l’entrée des gorges, qui, vues d’avion, n’avaient pas l’air méchantes. On a vu ce qui en était des Shuguli.. Sans commentaires…Je lance un message satellite, en indiquant notre position et qu’on ne sera pas au rendez vous. Le problème est que le message met vingt quatre heures pour arriver par Internet chez mon correspondant au bureau, et plus pour arriver en Tanzanie chez le destinataire final. Mais impossible d’avoir une réponse. Je lance donc des messages en aveugle. J’ai la quasi certitude que nous allons nous taper la traversée des gorges (dans les vingt cinq kilomètres) a pied, sans rien a manger.La rivière est magnifique, large, les bancs de sables innombrables font des centaines de mètres de larges. Quelquefois, on appercoit des impalas traversant en sautant et en courant, la rivière, qui, la plupart du temps n’est vraiment pas profonde. On voit bien qu’ils n’ont pas l’intention de s’attarder et qu’ils connaissent la présence des crocodiles. De temps en temps, deux ou trois hippopotames, qui font la sieste dans la partie profonde de la rivière sont délogés, par notre présence et partent dans tous les sens en remuant des gerbes d’eau. Ici, impossible de passer au large, la largeur de la rivière nous l’interdit. Encore des passages ou il nous faut sortir des bateaux et tirer avec l’eau boueuse jusqu’aux chevilles…. Et puis les bancs de sables se réduisent, jusqu'à disparaître ; nous ne sommes plus très loin de la jonction avec la rivière Great Ruaha. Nous passons d’un paysage de plaine alluviale inondable à une gorge de plus en plus encaissée, de basalte brûlant. A présent la rivière ne doit pas faire plus de trente mètres de large et le débit d’eau est énorme. Sans efforts nous avançons a plus de douze kilomètres/heure ! A cette allure, nous serons vite rendu. Des hippopotames nombreux mais calmes se jettent a l’eau sur les rives, mais ici ; moins de risque car le lit est très profond. L’eau s’agite de plus en plus, il est temps de sortir les bâches a trous. Tant pis pour le troisième « passager » qui sera posé au dessus en se cramponnant a deux cordes. On verra dans les rapides si il y en a…Un premier rapide nous fait frémir, a mon signal, pizza, qui fait office de « passager passif » se jette sur le dos et nous souquons fort, très fort, nous passons…..jusqu’à quand ?les gorges continuent, il devient difficile de s’arrêter, nous enchaînons les courbes et virages a quinze kilomètres heure, nous rejoignons la Ruaha dans des conditions autrement plus paisibles que la jonction Kilombero/Rufiji, et c’est tant mieux !il est déjà tard, les hippopotames recommencent a s’agiter, et nous donnent le signal de la fin de la journée. Nous pointons sur un banc de sable en hauteur, en forme d’ovale bien plat. A notre arrivée, quatre sauriens de taille respectable qui se faisaient bronzer en rang d’oignon sur le bord, se jettent violemment dans les eux troubles. Dommage, un steak de crocodile : c’est bon ; surtout lorsque l’on sait qu’on va attaquer le dernier paquet de pâtes..Je tente encore de récupérer les hypothétiques réponses via les satellites, mais toujours rien de concret. Que vas t-on trouver devant nous ?Un hippopotames solitaire restera longtemps a quelques mètres de nous, a nous observer en silence. D’ici on a une vue dégagée imprenable sur le fleuve et le coucher de soleil nous arrive en pleine face. Encore un endroit ou l’on est sur que personne n’a mis le pied ou du moins le piquet de tente ! Quel privilège.
Un bon feu de bois est préparé, et notre cuisinier tente l’impossible : la recette de l’extrême ; les nouilles au thon en tube sans sel. Comme toujours Jean-Michel tente de pêcher un poisson, mais encore sans succès ; visiblement le lieu ne se prête pas du tout à l’activité. Nous n’avons plus rien à manger a présent. Au fond d’un sac, nous extirpons des cachets de vitamine C : un demi cachet chacun nous semble un met tellement raffiné qu’on en a presque les larmes aux yeux..Le vent se lève cette nuit, puis il souffle de plus en plus fort, il rend la nuit douce et agréable dans la chaleur africaine qui nous oppresse depuis plus de deux semaines…
Cette nuit, nous rêverons de steak tartare et de gigot d’agneau….
il nous reste moins de trente kilomètres avant l’entrée des Stiegler gorges ; de l’avion, lors de notre survol a l’aller, j’ai noté les coordonnées d’un rétrécissement ou on avait l’impression que la rivière coulait plus fort. D’après mes calculs, nous ne devrions plus en être bien loin, c’est le suspense. Le basalte reprend ses droits, les petits rapides aussi, mais ils se passent sans aucune difficulté malgré la mobilité réduite et la forte inertie liée a notre surcharge. Virage,
Deuxième virage,
Hippopotames : un deux, dix, cent.. Accélérations, adrénaline, repos….
Et puis, la rivière gronde de plus en plus, s’élargit, au GPS, nous sommes presque au point noté sur ma carte.
La décision est prise, il faut stopper. Devant nous l’écume s’amplifie, inquiétante. Nous traversons afin d’accoster sur la rive gauche, le courant nous attire, comme un aimant vers vers un goulet inquiétant. Un banc de sable parallèle semble propice, de toute façon, nous n’avons pas le choix, tant l’aval semble houleux.
Dans le vacarme des rapides naissants, nous touchons terre, il faut escalader cette espèce de dune de cinq ou six mètres de haut. Le banc de sable est étroit ; peut être trois ou quatre mètres sur une centaine de long, nous sommes dans le début de la gorge et il semblerait qu’un plateau nous domine d’une bonne centaine de mètres.
Reconnaissance.
Moins de cent mètres plus bas, on appercoit alors que le lit de la Rufiji se rétrécit brutalement avant de s’engouffrer violemment dans un canal naturel de cinq ou six mètres de larges, lui qui en mesurait au moins deux cent un kilomètre plus haut. Nous suivons ce canal que l’on espère court, en escaladant les rochers brûlants noirs, pendant plus de deux kilomètres mais il faut se rendre a l’évidence : Le passage par l’eau est impossible, le matériel ne résisterait pas a la puissance des flots déchaînés. Le problème majeur est, que, en cas de capotage, il n’y a aucun ou endroit pour se réfugier et se récupérer, c’est la dégringolade assurée jusqu’au bout et la mort à coup sur. Nous ne prendrons pas ce risque. Chose incroyable, des hippopotames sont en plein milieu de la rivière à cet endroit, certains remontent même le courant furieux ; incroyable ! Mais ils ne nous entendent pas et font réellement comme si nous n’étions pas là. Nous trouvons un rocher qui fait obstacle, dans la rivière, un jacuzzi naturel ; au moins ici, pas de crocos ou d’hippos. Seuls un serpent pourrait de retrouver dans le coin, embarqué en amont par le courant….nous nous baignons dans ce coin de paradis en évaluant la situation. Jean Yves et Dominique sont restés en arrière. Deux solutions s’offrent a nous : attendre l’arrivée éventuelle de nos amis a qui j’ai envoyé des messages depuis plusieurs jours ou traverser les gorges a pied avec tout le bazar pour pouvoir rejoindre le camp de notre ami Massimo,dix kilomètres après les gorges.
Je me souviens du dernier message que j’ai envoyé par satellite, en arrivant sur les lieux
« Stucked before Stiegler, at entrance, impossible to reach. Meet. point organise pick up with 4WD if possible , send back co-ordinate of expected pick up place » coincé a l’entrée des stiegler gorges, impossible de rejoindre le point de rendez-vous, essayez d’organiser récupération avec 4X4 , envoyez coordonnées du point de rv possible.
Je pense sincèrement que personne ne viendra, et qu’il va falloir se débrouiller tout seul. Dominique est affolé, c’est le bouquet ! Le pauvre, il faut se faire a cette idée, que personne ne viendra, ça vaut mieux pour les nerfs,
Il va falloir s’organiser. Le plus difficile sera la nourriture, nous n’avons plus rien a présent. L’endroit, selon jean Michel, n’est pas du tout propice à la pécher, il faut oublier le poisson et commencer a envisager sérieusement la chasse…Nous avons deux arbalètes, des flèches de chasse, je sens qu’on va bien rigoler en essayant d’attraper quelque chose pour survivre. La motivation nous aidera. Notre bonne étoile aussi. De retour aux canoës, nous apprenons la bonne nouvelle aux autres. Tant bien que mal la vie s’organise, nous allons camper ici, tout démonter et attendre paisiblement. Si rien ne se passe dans quarante huit heures, nous préparerons le transport a pied a travers le bush.
Soudain, à l’étude de la carte, j’ai un flash. Une piste d’atterrissage serait a moins de huit kilomètres a vol d’oiseau, et il me semble me rappeler le survol d’un espèce de camp lors de notre vol de reconnaissance. La question est de savoir si la piste est assez longue pour recevoir le Cessna bimoteur, car il lui faut au moins mille deux cent mètres pour décoller.
Nous décidons d’envoyer deux éclaireurs trouver le camp de rangers, a travers le bush afin de trouver de l’aide pour tout porter. Le départ sera de toute façon plus facile à partir campement. Mais il est tard, trop tard, tout retour sera impossible ce soir et, en cas de problème il vaut mieux rester groupés. Nous partirons demain matin au lever du jour.
Le camp est monté rapidement, jean Michel, par acquis de conscience, tente de pêcher, bien sur sans succès, nous mangeons le fond d’un sac de pâtes sans réel enthousiasme.
Un troupeau d’éléphants vient boire en face de nous, puis des buffles, puis des impalas, puis des cobs et enfin des babouins. Un gros hippopotame vient encore nous observer, avec son petit à moins de dix mètres de nous, il restera longtemps.
Je capte enfin un message qui nous est destiné sur mon récepteur satellite : « message reçu,organisons récupération expédition, point de rv xxxx, attendez nous ,arrivons par camion 4X4» eh merde, nous sommes quarante kilomètres trop bas ! Je répond au message, mais comme il lui faudra au moins vingt quatre heures pour arriver, l’hélicoptère est une alternative, mais il lui faudra faire au moins trois voyages aller retour pour tout transporter et, à mille dollars US de l’heure…bonsoir la facture. Tant pis demain matin la reconnaissance partira vers l’hypothétique camp des rangers. Il faut regarder les chose en faces, la situation n’est pas si grave, car maintenant nous ne sommes plus loin des routes ou d’un Lodge, rien a voir avec la région a l’ouest de la Ruaha ou la kilombero, complètement inaccessibles.
Profitons du moment présent, car la fin de l’expédition est proche. Je dors bien, malgré la chaleur de la nuit.
Jean-Michel, Jean-Yves et Jean-Pierre forment l’équipe de reconnaissance. Le bush est clairsemé, la végétation éparse, sur les hauteurs de la Rufiji, il doit y avoir probablement de grandes quantités d’animaux sauvages dans le coin,
Machette, carte, boussole, pistolet lance fusées, 5 litres d’eau et les voilà partis.
Nous estimons leur retour dans cinq heures au plus tard.
Attente
Avec Jean Beu, nous prenons notre mal en patience, nous nous installons sur les hauteurs, à l’ombre d’un gros acacias et nous passons en revue les évènements survenus durant cette expédition. Nous voulions de l’action : et des moments forts : nous en avons eu et ce n’est probablement pas fini ! Plus tard nous serons témoins de l’assassinat d’un bébé hippopotames par un gros male, qui le prendra dans sa gueule pour le tuer. C’est pour eux le moyen de s’approprier une femelle. Dur spectacle.
Dominique fait les cent pas en attendant on ne sait quoi, qui viendrai d’on ne sais ou.
Il n’en peut plus, nous nous contentons d’essayer d’apprécier le lieu et le moment en regardant le ciel, avec en bruit de fond les rapides furieux de notre Fleuve bien aimé. La notion de temps est profondément modifiée ici, quel jour ? Combien de temps depuis notre départ ?
Je ne veux pas rentrer en France.
Soudain, un bruit de moteur. Un avion. Un monomoteur. Il arrive assez haut, fait un virage, puis deux. Je pense immédiatement a nos amis qui essaient de nous repérer, il fait un virage sur l’aile, mais passe vite, trop vite, vas t’il nous voir ? j’ai un doute.
Soudain je pense que nous sommes dans le seul endroit de la Rufiji ou il est succeptible d’y avoir des touristes, c’est peut être un avion qui viens jeter un coup d’œil sur les gorges. Dominique saute de joie, gesticule et danse une gigue endiablée. Et puis l’avion s’éloigne…….
Cruelle déception, c’est sur maintenant, c’était probablement un avion de touristes qui venaient apprécier la beauté des lieux et qui nous ont pris pour des originaux en camp de vacances…Nous prendrons donc notre mal en patience, en attendant les autres et en nous préparant psychologiquement a passer quelques prochains jours difficiles. Il doit être aux alentours de midi, au soleil. La chaleur est étouffante, il n’y a pas un brin de vent. Nous allons dans les rochers, nous tremper dans l’eau pour mieux supporter l’air brûlant. Nos deux hippopotames à cinquante mètres sont encore en train de nous observer yeux dans les yeux.
Soudain, de derrière les rochers, surgit Jean-Michel, joyeux, suivi de deux, trois… dix, non, vingt rangers.
Apres avoir marché à la boussole a travers la brousse, ils ont réussi a rejoindre une piste, la première trace de civilisation depuis plus de quinze jours, non loin de la piste d’atterrissage. En suivant cette piste vers le nord, ils sont tombé nez a nez…. avec Michel Lanfrey le producteur et jean Luc qui étaient en train de nous chercher et qui avaient affrétés un Cessna monomoteur pour nous localiser. Ils avaient donc reçu mes messages satellites successifs. Ils nous apprennent que sur les deux hélicoptères de Tanzanie, celui de notre ami William est en ce moment à Nairobi, et l’autre est… en panne. C’était bien eux, dans l’avion, et finalement après l’avoir mesurée, la piste était assez longue pour atterrir.Ils nous apportent quelques sandwich, un délice après le « purgatoire culinaire » de ces derniers jours.
Mais il ne faut pas trop tarder, le chemin du retour est long et tortueux jusqu’au land Rover qui nous attend. Tout est démonté rapidement, encore une fois, nous sommes étonnés par tout le bazar que nous avons trimbalé jusqu’ici. Nous avons le sourire, aujourd’hui nous avons au moins vingt employés pour nous aider a porter le matériel, ça nous change un peu, et, cette foule nous fait tourner la tète. Nous offrons a notre ami Michel une rasade de bonne eau glauque de Rufiji, mhmm ! Il en frémit d’horreur !
Nous quittons la rivière, qui a bien faillit nous garder un peu plus que prévu.
La caravane se forme, les employés portent la majorité de la charge, les rangers, eux sont un peu plus haut placés dans la hiérarchie, rechignent a porter des sacs ; leur truc c’est les armes. Mais ; pas de tire au flanc ! Ils seront payés si ils trimbalent du Bazar ! Ces gens sont d’une résistance et d’une volonté incroyable. Ils supportent sans broncher des charges d’au moins quarante kilos sur la tète. La plupart n’ont même pas de chaussures pour marcher sur les rochers brûlant que nous escaladons, en longeant la rivière pendant plus d’une heure. Le chaos de basalte, d’une largeur de plus de trois cent mètres, longe le cours de la furieuse Rufiji. Une Halte pour souffler un peu. Puis nous obliquons vers la foret et le haut des gorges. Nous suivons un affluent a sec vers l’amont, et le haut du plateau. Les roches sont glissantes et arrondies, il faut parfois escalader les anfractuosités et les failles.
Nous perdons la rivière de vue….en arrivant sur le plateau. Nous marcherons longtemps en file indienne, avant de rejoindre la piste, et le camion. Garé devant l’ancienne station de pompage hors d’usage depuis bien longtemps. On doit être au moins à trois cent mètres au dessus du fleuve, maintenant. L’idée est de rejoindre le Rufiji river camp ce soir, le chauffeur n’est pas très chaud car il n’y a pas vraiment de manager pour lui indiquer la marche a suivre. Je prend la décision de le pousser et.. Il accepte. Nous arrivons alors au camp, qui n’est pas un camp de rangers mais un Lodge en construction, dirigé par un sud africain très chaleureux. Il me rappelle tellement mon ami Paul avec qui nous avons descendu le haut Zambèze il y à deux ans. Accueillant et très impressionné par notre performance, il est avide d’information sur la rivière. Son Lodge n’est pas terminé, mais il l’ouvrira ce soir spécialement pour nous. Apres un petit repos, on prend le Vieux Land Rover, pour un petit Game Drive, dans une savane magnifique. L’herbe est verte, clairsemée, les arbres couleur or, et rouge et toute la vie sauvage de l’Afrique profonde est au rendez vous. Buffles, Impalas, girafes. On s’arrête sur un site spécial, au bord de la falaise, un funiculaire étrange est installé là, depuis plus de vingt ans, et les deux gros câbles qui courent et traversent les gorges, surplombent cet abîme magnifique.Une benne est suspendue et se balance dans le vide. La frêle nacelle de bois était le seul moyen de traverser le fleuve, et de faire passer les véhicules de l’autre coté. Tout est hors d’usage depuis bien longtemps, et l’état des câbles rouillés est plus qu’inquiétant.
Depuis que le gouvernement a abandonné l’idée de construire un barrage dans les environs, tout a été déserté. Encore une chance que le projet ait été abandonné..Mais pour combien de temps ?
Encore une rivière sur laquelle il n’y a aucun pont.
Nous voilà retourné à la civilisation au camp de notre ami Sud Africain. Bière, Coca Cola frais, ragoût de gnous. Ce soir c’est le festin ! La vue de son Lodge est splendide, en contrebas, au loin j’ appercois la rivière qui serpente.
Je rencontre un étrange personnage, un new yorkais qui me raconte son histoire : Businessman, il créa, il y a dix ans une start-up Internet, aujourd’hui introduite en bourse. Maintenant il vit de ses actions, et sa passion, en Afrique au milieu du bush.
Je l’envie énormément.
Il l’a fait à cinquante ans, et je me dis que je ferai le necessaire pour pouvoir faire la même chose avant..
Je dors profondément, dans un vrai lit, ce soir.
Je contacte le loueur d'avion par la radio HF du Lodge, pour fixer le point de rendez-vous sur la piste du Stiegler Gorge Camp, Qui finalement est juste assez longue pour l'avion de notre ami Cornelius. Un petit déjeuner comme on l’avait oublié, nous réconcilie avec la nourriture Le Cessna de Cornelius vient d’arriver.
Le Land Rover est chargé, et tous les employés sont la sur la piste de terre battue pour voir les « Crazy Frenchies » partir. Contact, Cornélius pousse a fond les mille chevaux de son bimoteur. Il s’élance, lourdement chargé et quitte le sol à peine à quelques mètres du seuil de la piste, en rasant la cime des acacias.
Michel me dit que depuis quelques temps ici, on n’entend parler que de nous à la télévision……..
Pour cette expédition, j’ai choisi le matériel avec une extrême précaution : Des canoés d’expédition démontables, achetés directement chez le fabricant,en Norvège, des sacs a dos étanches, une Centrale électrique de ma fabrication. J’ai investi aussi dans une radio satellite, avec laquelle je peux envoyer des messages emails de n’importe quel coin de la planète. Il est prévu qu’elle ne servira qu’en cas de problème réel. C’est sûrement le premier engin du genre en Afrique, vu que c’est aussi le premier du genre en Europe….
A mon bureau, en France, je charge Pierre Phalipou, qui assure le support technique téléphonique pour ma société, d’assurer aussi le support technique….au cas ou il recevrait un message d’urgence.
Le départ approche, je délègue les derniers détails sur la préparation du matériel à mes amis. Mon contact Italien, Massimo, lui, m’informe qu’il est prévu une couverture médiatique de l’expédition par les médias locaux, mais je n’y crois guère.
Le groupe, est composé de mes amis : Jean Michel Girod, Jean pierre Metz, Jean Yves Lagier, Jean benoît Philippon; Dominique Devaux
En atterrissant a Dar es Salaam, je me demande si mon correspondant ne nous aura pas posé un lapin, et surtout, si notre matériel nous aura suivi.
Mon ami Massimo est la, le barda est récupéré avec une facilité déconcertante. Nous aurions pu perdre la moitié des sacs, être fouillés par la douane qui aurait passé au crible chaque sac étanche. Mais nous passons sans encombre.
Chaleur torride, humidité extrême, j’ai choisi le moment le plus chaud de l’année, en limite de la saison de pluies. Ca promet. Direction l'ancien aérodrome à un quart d’heure de là, ou est sensé nous attendre Cornélius et son avion…de nouveau j’ai un doute. Nous déchargeons le Land Rover, et je file vers le ministère, j'ai rendez vous avec les officiels. Il est impératif de commencer par le protocole pour éviter les ennuis avec les autorités, et au besoin avoir leur appui : Il me faut absolument un original écrit de la main du boss. Le bâtiment du ministère est en piteux état, terre battue, de vieux land rovers de vingt ans qui tiennent debout a force de réparations et de soudures diverse, des bâtiments en tôle, a moitié rouillés.
L’accueil au premier abord est assez distant. Mon curriculum de "baroudeur africain" en main, Kibonde prend un air sérieux qui m’inquiète : et si il changeait soudainement d’avis ? Aussi, je lui exhibe les différents articles de journaux français publiés sur mes expéditions passées. Pourtant durant notre entretien il tente encore de me dissuader de partir. Je lui montre quelques photos, et soudain son visage s’illumine. Moi qui pensais avoir des informations précises sur la rivière, visiblement, les personnes qui semblaient connaître le mieux la région sont dans ce bureau ....il sont complètement incapable de me dire ou se trouvent les rapides, les chutes, les gorges soit disant dangereuses....
Il est vrai que la carte aéronautique avec laquelle j'ai préparé l'expédition est plus détaillée que celle qui tapisse les murs du bureau, et qui doit bien avoir cinquante ans. Selon lui on va trouver des hippopotames et des crocodiles agressifs en quantité, des chutes infranchissables..., le discours de Kibonde est inquiétant, mais après une heure de négociation, j'obtiens son accord définitif, contre la promesse de publier un article dans des journaux en France et quelques photos en Europe, et revenir avec un relevé sur la navigabilitè de la rivière.
De plus il aimerait bien une photo de lion du Selous dans son bureau….
On se séparera après un échange de cartes de visites, la méfiance des premiers instants à mon égard s'étant transformée en enthousiasme. On en vient à parler des éléphants, des trois Land Rovers neuves qui viennent d’être livrées récemment. Il me montre sa collection de photos privées d’animaux qu’il sort de son tiroir.
Je garderai précieusement sa carte de visite, véritable passeport en cas de rencontre malencontreuse avec des militaires agressifs ou des rangers trop pointilleux.
Mon expédition est a présent sous couvert de Mr Kibonde, General Park Manager of Selous, et ça, ça vaut de l'or.
Je réalise, en sortant du bâtiment tout a coup, que personne, n'a jamais descendu les rivière Kilombero et Rufiji en canoë.
De retour à l’aérodrome, un Français m'aborde ; Michel Lanfrey, il est Producteur de film ,et réalise des documentaires pour WWF ainsi que pour les organisations Internationales, il produit quelques pubs, et possède ici aussi, le premier groupe de presse d'Afrique de l'Est.
Il a entendu parler des "Crazy Frenchies" comme ils nous appellent déja ici et semble intéressé et enthousiaste à l'idée de filmer l'expédition dans le Selous. Pourquoi pas? Sur le coup je ne le prends pas trop au sérieux.
Pendant les préparatif, la dépose du plan de vol, mes amis, un peu interloqués devant la tournure des évènements, mais sans se douter de la difficulté vont acheter de la nourriture: trente kilos de pâtes, quinze de riz, du pain, voila tout! Nous prendrons du poisson, nous chasserons. Avant d'embarquer dans notre avion, nous voyons arriver Michel en courant, avec un caméraman, pour un interview pour ITV la TV locale...Il disait vrai le bougre.
Contact, nous voila en l'air, je partage le cockpit du Cessna 300 avec le Capitaine Cornelius. Avec ma licence de pilote privé, je n'ai pas le droit de piloter un bimoteur a turbine mais ça me démange ! L’avion surchargé est secoué violemment par les thermiques de fin de matinée et j’en vois qui ne sont pas vraiment rassurés derrière.
Nous volons pendant plus de deux heures, dans la chaleur étouffante, au dessus d'un paysage de brousse hostile, sans voir aucune habitation ni âme qui vive. Paysage monotone ou la panne moteur serait problématique, sinon fatale.
Et puis, au loin, La rivière, telle un serpent lumineux, reflétant l’horizon et le soleil de plomb. La voila, brillante, a contre-jour, la Rufiji, que nous apercevons, surgissant des gorges Stiegler, annoncées infranchissables par Kibonde. Des bancs de sable blanc immense, des méandres larges, une eau profondément marron, magnifique.
En approche de la rivière nous descendons à mille pieds, pour tenter de repérer les passages difficile, trois passages à très basse altitude, vu d’ici tout semble tellement faciles, mais il ne faut pas se fier aux apparences.On aperçoit un espèce de camp en haut des gorges, sûrement des rangers, et puis, comme un goulet très étroit, comme pris dans un entonnoir, le lit de la rivière qui se rétrécit tellement que l’on a l’impression de voir un mince ruisseau inoffensif serpenter autour des collines des gorges. Quelle longueur peut faire ce passage? Dix kilomètres, vingt peut être. Le groupe est enthousiaste « c’est ça les gorges ? c’est du gâteau »je préfère ne rien dire, j’apercois tout de même de l’écume de temps en temps ;On verra en tant utile, vu d’en bas…
Plus loin, canal de basalte noir, et c'est la jonction avec la rivière Ruaha qui elle, verse une eau verte, verte comme la foret, et puis une plaine de foret dense.
On apercoit comme des barrières de rochers, et assez facilement les passages, toujours vers la gauche. Je marque les points au gps, qui me semblent significatifs, en notant, la carte sur les genoux les points importants ; car ensuite il sera trop tard.
La jonction avec la rivière Kilombero, deux cent kilomètres au sud, est magnifique. Nous sommes en saison sèche, les deux rivières se rejoignent dans des cascades immenses. Nous allons rencontrer les problèmes ici. J’essaie de me faire une idée sur le meilleur passage possible, j’essaie d’imaginer ce a quoi ça va ressembler, vu d’en bas, le temps qu’il faudra pour porter tout le matériel, ce n’est pas évident.
Deux cent kilomètres encore de navigation vers le nord, nous suivons une espèce de canal rectiligne, non plus de basalte, mais, de sable blanc. Très large, qui doit ressembler a un immense fleuve pendant la saison humide. Au vu de la largeur de la rivière actuelle, j’ai peur qu’il fasse porter un maximum, et que l’eau manque au rendez-vous. Et puis la zone sableuse fait place à une plaine inondable, verte, avec, en toile de fond, les montagnes d’Ifakara, la rivière serpente de nouveau, nous commençons a apercevoir des habitations. Ifakara, le seul village du coin, dans cette région incroyablement dénuée de toute habitation et de population. Un oasis au milieu de cet enfer, pour celui qui ne connait pas l'Afrique, ou du paradis pour celui qui en est amoureux. Cornélius, perd de l’altitude, et passe très bas sur le village, cela suffira, me dit il, a alerter la population qu’un avion va atterrir, et il espère que des autochtone viendront a la piste, ce qui est le cas habituellement, les visites étant plutôt rares ici. Il vaut mieux pour nous que ce scénario se réalise, car je nous voit mal nous trimbaler les quatre cent kilos de matériel a dos d’homme (surtout les nôtres) jusqu'à la rivière. La piste d'atterrissage semble être à une vingtaine de kilomètres de la rivière, et personne ne nous attend ici!
Les roues touchent la piste de terre rouge, un gars avec son vieux vélo, arrive à notre rencontre. C’est le fonctionnaire du coin : il nous exhibe son vieux cahier. Il consigne les mouvements de l’ «aéroport », et nous fera payer la taxe locale, dérisoire. Je suis un peu inquiet quand au moyen de transport. Notre ami, a vélo nous indique qu’il va essayer de trouver « la » voiture d’Ifakara, dans une plantation voisine, et le voilà parti. Nous déchargeons, à ce moment précis, je me rends compte que la quantité de matériel que nous avons amené va mettre notre dos à rude épreuve! Nous allons commencer par vingt kilomètres de portage, si ça continue. On s’installe sous un arbre en attendant l’hypothétique arrivée du camion…il fait une chaleur torride au moins 45° a l'ombre et pas un souffle de vent!
Notre nouvel ami Michel et son cameraman, qui étaient venus avec nous dans l'avion, m'interviewent! Nous passerons aux information TV ce soir!Fun !
Nous nous entendons sur le fait que, d’ici une semaine, je transmettrai ma position avec ma balise satellite, il nous rejoindra en hélicoptère pour filmer. A bientôt les gars !
L’avion re-décolle, il est parti dans un nuage de poussière, impossible de reculer maintenant. Parmi les six membres du groupe, un nouveau, notre « stagiaire » s'est greffé, j'ai envie de lui dire que dans une première expérience africaine comme ça, il risque d'en prendre plein la gueule. Je me demande même si je n'ai pas emmené mes amis dans une galère...mais c'est trop tard, et je me tais. Nous attendons patiemment le camion, qui arrivera évidemment deux heures plus tard, nous chargeons la moitié du matériel, la moitié du groupe part devant, nous restons ici et attendons son retour. Je suis inquiet lorsque plus d’une heure après, nous ne voyons toujours rien arriver. Finalement, le voilà. Chargement, piste défoncée, on est accroché dans la benne du pick-up. Mais la nuit est en train de tomber. J’en connais qui doivent être inquiet au bord de la rivière.Le vieux pick-up tombera en panne deux fois avant d'arriver à la rivière. Fumée terrible, un gars qui descend vers la rivière une bassine tordue a la main pour prendre de l’eau et donner a boire a la vieille bagnole qui n’en peut plus de trimbaler des tonnes de marchandises a longueur d’année(s).et bien sur pour démarrer, il faut pousser car le démarreur ne marche plus.
En traversant Ifakara, nous trouverons du Coca Cola (chaud), Nous décidons d'en boire le plus possible car après: terminé pendant au moins dix sept jours. Les gens sont adorables et sympas, nous achèterons du pain et encore des biscuits, on a comme un pressentiment.
Comme partout en Afrique, les ponts, ça n'existe pas. L’arrivée devant la rivière, dans la plaine inondable d'Ifakara me réchauffe le coeur. Le bac, qui se pilote à la main avec des cordes, est l'unique moyen, avec les pirogues de rejoindre l'autre rive, c'est souvent, ici, en Afrique, un lieu de transit, d'agitation et de vie, comme on peut le voir dans nos pays au sein d'une gare, d'un aéroport, mais ici, on chante, on rit, on vit.
C’est le crépuscule sur la kilombero, pirogues en ombre chinoises sur un fond rouge de coucher de soleil, dans une chaleur encore étouffante, au milieu des rires et des cris. La rivière faite ici trois ou quatre cent mètres de large, on entend les premiers hippopotames au loin...Je me rappelle de mon arrivée sur le fleuve Zambèze, il y a deux ans, en Angola. Même sensation, même privilège.
Il est trop tard pour monter les bateaux et partir ce soir, nous camperons sur la berge.
Comme partout en Afrique, la nuit, est synonyme de calme, de repos, d’inactivité.
Les abords du bacs, si actifs pendant la journée, ou tant de marchands, petits et grands tentent de vendre tout et n’importe quoi, se vide progressivement. Les vendeurs de beignet, en passant par ceux qui négocie des petits sacs en plastique remplis d’huile, ou enfin, tout ce qui peut se vendre et rapporter de quoi vivre ou faire vivre sa famille pendant quelques jours encore regagnent leurs cahutes, le bruit s’éloigne peu a peu. La nuit arrive vite, très vite, comme partout sous les tropiques.
Je discute avec un policier du coin, ou du moins quelqu’un qui semble être en charge de la sécurité des lieux. Négociation pour avoir un gardien pendant la nuit. Ca n’est pas le moment, demain matin de se retrouver avec un bateau en moins.
Les habitants sont interloqués lorsque nous commençons à monter nos canoës pliés dans les sacs, de la magie...ça se voit dans leurs yeux. Il est dix neuf heure maintenant il fait noir, tout le monde est parti, a présent c’est le calme de la nuit et à son ciel étoilé superbe, avec sa carte du ciel inversée de l'hémisphère sud.
Il fait une chaleur étouffante pendant la nuit, et j'ai du mal à dormir, mais c'est vrai que je mets toujours quelques jours à m'habituer aux changements de températures et à la dureté du sol…demain il fera jour.
Nous sommes réveillés par le bruit des gens au bord de la rivière, il est six heures du matin. Un petit feu, du café, le soleil monte déjà et il fait une chaleur terrible. Le troisième canoë est monté. Nous avons fabriqué, en France des mats et des voiles afin de moins ramer durant les passages longs, mais nos tests ont été réalisés sur le lac Léman, en suisse, ils semblaient concluants.comment sera le vent, est-ce que se sera utilisable? Il s’avèrera que non, par la suite.
Nous passons la matinée à préparer le chargement de chaque bateau, et à trouver les meilleures combinaisons pour être le plus confortable possible. L'équipement est assez complet, pour cette expédition.
Comme j'ai besoin d'énergie pour la caméra vidéo et la balise satellite, j'ai fabriqué un générateur de courant, dans un boîtier étanche, et un panneau solaire. Celui ci est fixé sur le flotteur latéral, l'électricité générée par jour, devrait, selon mes calculs être suffisante pour alimenter les différents matériels.dont l’indispensable GPS.
Jean-michel, mon coéquipier est un bon pécheur, il a emmené un matériel compact mais conséquent pour agrémenter notre ordinaire; on espère que le Tiger Fish, si abondant dans les plaines du Zambèze sera au rendez-vous.
Nous utiliserons des radios HF miniatures afin de communiquer entre les embarcations, lorsque nous seront trop éloignés, et enfin, ma balise satellite ; nous espérons tous ne pas avoir à nous en servir; elle devra elle aussi rester dans son boîtier de protection étanche. Nous nous rafraîchissons sans cesse, dans cette eau opaque, en opposant les canoës en barrage contre les éventuels crocodiles trop curieux.
C’est l'heure du départ.
De nombreux villageois sont venus progressivement, s'amasser devant la berge afin d'assister au départ des « mzungu ». C'est une foule immense qui nous fait de grands signes de la main alors que nous nous éloignons de Ifakara et du bac sur la rivière.
Cette fois nous sommes bien partis.
L’équipage du premier bateau, baptisé KII, est composé de Jean benoît dit "le cuisinier"(très grande utilité! le spécialiste de la nouille), et de Jean-Yves alias Pizza ou "le ménestrel" (celui dont l’utilité est de composer des chansons et de chanter, le tout en dessus de 25° sinon, il se met en veille!)
Le deuxième bateau, le KIII: Jean-pierre dit "le cuisinier chef", et Dominique le « stagiaire ».Sur le dernier bateau, le KI, Jean-Michel le bricoleur, accessoirement guitariste"et moi même. Seulement deux cent mètres après le départ, nous croisons une première famille d'hippopotames, et nous passons au large prudemment.
L'hippopotame est l'animal qui cause le plus de mort en afrique.Il à un instinct territorial très poussé et lorsqu'il se sent menacé, il peut tuer. Sur terre, il est même capable de courir à plus de quarante kilomètres heures. Ce sera certainement la menace la plus importante de l’expédition.
Nous naviguons dans la plaine inondable, nous sommes en saison sèche et seul le chenal principal coule en ce moment, facilitant l’orientation en nous laissant dans le « droit chemin ».Durant la saison des pluies le fleuve s’étale sur plus de dix kilomètres. Cet endroit me rappelle la plaine inondable Bulozi, en pays lozi, le bas, en Zambie, lorsque nous explorions le Haut Zambèze en Zodiac. La bas le fleuve déborde quelquefois sur presque cent kilomètres de large, une véritable mer intérieure.
Les habitants, comme la bas, construisent leur village sur des îles, perchées, tel le village d'Astérix, autour d'un gros arbre, afin de se protéger des crues dévastatrices.
Ici les gens pêchent au filet. Ils ne peuvent attraper les carnassiers, par manque d'hameçons et de fil! Impossible à trouver ici. Ils se contentent des "petits poissons" qui viennent se prendre dans leurs filets et leurs nasses d’osier.
Enormément de bancs de sables blanc, et nous commençons a voir quelques crocodiles discrets, mais le paysage n'est pas très adapté à leur habitat de prédilection. Habituellement ils construisent leurs repaires dans la végétation dense au bord de la rivière, composée de roseaux et creusent leur caverne dans des galeries cachées des regards. Je suis à l'arrière du canoë, je dirige, et nous filons silencieusement sur le fleuve qui serpente. Nous avons faim, nous attachons ensembles les trois canoës et nous dérivons tranquillement en mangeant le premier repas: pain et un tube de pâté de foie...Le soleil tape fort, très fort. Malgré nos origines méditerranéennes, nous brûlons joyeusement! Quelques pécheurs nous saluent, ici il y a des habitants, malgré tout, en assez faible quantité. Le canoë est un moyen de transport fabuleux, car le même que ceux de nos amis tanzaniens, nous voyageons à la vitesse de l'afrique. KII a un problème, surtout Pizza qui a voulu a tout prix diriger l'embarcation. Il ne parvient pas a simplement aller en ligne droite et effectue des zigzag terribles, un coté dans les broussailles, et hop, de l'autre coté dans les roseaux. C'est plus problématique lorsqu'il se dirige droit devant dans les tas d'hippopotames. On s'attend au pire lorsqu'il y aura des rapides.
Le soleil de fin de journée, rasant est très fort. Il semble que les hippopotames sont de plus en plus actifs avant la tombée de la nuit. Nous en surprenons de plus en plus sur les berges, ils se jettent à l'eau avec violence à notre vue. Mais ils restent calmes et plutôt apeurés qu'agressifs, pourvu que ça dure! Nous longeons la rive de très près, à peine a quelques mètres, le bord de la rivière nous surplombe de plus de deux mètres marquant la hauteur de l’eau durant la saison des pluies: quelle erreur! Nous passons un virage et en sortie nous tombons nez a nez avec un gros male hippopotame d'au moins cinq cents kilos, a moins de deux mètres de nous sur la berge. Il est effrayé, veut regagner la rivière, stoppe net, nous sommes dans sa trajectoire! Nous le voyons hésiter: "je plonge a droite ou je plonge a gauche?"Semble t-il penser.a gauche, mauvaise réponse, ca veut dire qu'il saute gaiement sur le canoe et qu'il nous explose tout! a droite, il choisit de regagner la rivière en nous fichant la paix. Il choisit la bonne réponse. Dorénavant, nous éviterons de suivre les berges de trop près. Erreur qui aurait pu être fatale
Nous choisissons une plage merveilleuse pour camper, ce soir. Nous montons le camp rapidement. A proximité,à quelques centaines de mètres on entend les voix, des habitants d’un petit village, mais ici les gens sont discrets et respectueux, aucun ne viendra nous déranger.On estime l’étendu des dégâts : nous avons , en quelques heures brûlés comme des hamburgers : bras, jambes, et figures sont font souffrir. On va se couvrir, mais c’est un peu tard. Nous trouvons une sorte de bras mort de la rivière ou ; sorte de baignoire salvatrice, nous resterons a plat ventre longtemps, loin des bestioles malfaisantes. Premier plat de nouilles, nous avons navigué une trentaine de kilomètres aujourd'hui, c'est peu, très peu. J’estime que nous atteindrons la sortie de la plaine inondable dans deux jours environ. Afin d’avoir un peu plus de place que dans nos tentes, nous fabriquons un espèce de tepee avec les voiles et les mats pour protéger le matériel cette nuit. L’espace disponible dans les tentes ne nous permet pas, de toutes façon de caser tout notre fourbi à l’abri des regards.
La nuit est noire, sans lune, la voie lactée est visible, d'ici, comme nulle part ailleurs dans le monde. Mais ce soir, au loin des éclairs lézardent la nuit, se rapprochent, bientôt le tonnerre s'entend de plus en plus fort.
Nous décidons de changer les tentes de place, si les pluies sont trop fortes, la rivière va déborder et tout emporter, nous avec....nous plantons les tentes quelques mètres plus haut. En pleine nuit, nous entendons l'orage arriver.
Pour celui qui n'a jamais été dans cette région du globe, un orage tropical a quelque chose d'inquiétant; la pluie tombe de manière torrentielle sans discontinuer,les tentes prennent l'eau de toute part. les éclairs et le tonnerre frappent la terre très, très prêt. Ça dure longtemps, je me demande si nous avons bien attaché les canotés, vu la puissance de l'orage. Il fait une chaleur étouffante, mais impossible d'ouvrir la tente.
La pluie s'arrête, j'ouvre la "porte" pour avoir un peu d'air frais: la guerre du moustique va commencer. Ils vont nous harceler tout le reste de la nuit ; et puis ici, moustique est synonyme de malaria.
Ce matin nous avons de la chance, le ciel est couvert et le soleil va nous épargner, nous sommes complètement brûlés, et la nuit dernière j'ai vraiment souffert de brûlures au bras et au visage. Nous nous confectionnons des gants étranges, on appellera ca les « chaussettes a bras »réalisés a base de chaussettes trouées pour laisser passer les doigts, c’est efficace!
Le temps de vider les canoës qui se sont remplis d’eau de pluie, de prendre un bon café et nous repartons. Nous croisons encore des autochtones en pirogues qui nous saluent en se demandant bien ou nous allons:
Extrait de dialogue (limité à cause de mon swahili approximatif.)
-"Wapi Safari?, Habari? (ou allez vous? comment ca va?)Demandent les gens,
-"Rufiji!" je leur répond en leur montrant du doigt la direction," Mzuri, Mzuri, assante" (tout va très bien, merci)
-chunga tembo, chunga tembo! (Faites gaffe aux éléphants!)
La variante sera avec des avertissement concernant : lions, hippos, crocodiles....etc, etc
Changement de continent, changement de paysage, changement de préoccupations.
Ici la rivière se divise en de nombreux bras, ou il est facile, si ce n'est de se perdre, tout au moins de naviguer plusieurs heures avant d'arriver au fond d'un lac dans un cul de sac. Heureusement les habitants nous renseignent facilement sur le chenal principal. Dans tous les cas, j'avais remarqué, vue d'avion, qu"il fallait serrer, relativement à gauche pour ne pas se perdre.Ca y est, deux crocodiles de plus, et les hippopotames sont de plus en plus nombreux. D'abord par groupe de trois, les groupes sont maintenant de plus de vingt ou trente a chaque fois! ca craint! Ils sont souvent hors de l'eau sur les berges et rejoignent violemment la rivière à notre approche. C'est incroyable le nombre d'hippopotames que 'on peut observer ici, surtout hors de l'eau. D’habitude, car ils sont très craintifs, ils attendent la nuit pour sortir et aller paître dans l'herbe verte, quelquefois a plusieurs kilomètres de la rivière. Malheur, a celui qui se trouvera sur son chemin de retour!
Cela me rappelle une anecdote la première fois que je suis allé en Afrique, au milieu des années 80; dans le sud du Kenya. Je campais sur les rives d'une rivière, des hippopotames étaient la, qui semblaient paisibles, un couple, avait planté sa tente deux cent mètres plus loin, l'herbe était verte, un vrai pâturage. On m'avais prévenu, règle de base, ne jamais sortir la nuit. Cette règle, l'occupante de la tente d'a coté ne l'a pas respectée: sortie avec sa lampe électrique pour je ne sais quelle raison, elle tomba nez a nez avec un hippopotame qui, effrayé a pris le plus court chemin afin de regagner la rivière, c'est a dire tout droit, en écrasant la tente et ses occupants....
J'étais aux premières loges; ils s'en sont sortis avec cotes cassées et divers traumatismes...
Il y a tellement d'hippopotames ici, que c'est carrément un Slalom imposé. Lorsque nous accélérons pour en éviter un groupe, nous tombons en plein milieu d'un autre. Cette journée sera épuisante.Nous quittons la plaine inondable, la végétation devient plus dense sur les berges, et les arbres broyés sont le témoignage d'une concentration d'éléphant assez importante. Comme toujours, ils sont difficile a apercevoir tant les arbres sont touffus. La lumière du soleil devient rasante, orangée, magnifique, il va être tant de s'arrêter, d'autant plus que les hippopotames rencontrés s'excitent de plus en plus. Une île au beau milieu de la rivière nous interpelle, son extrémité, en forme de presqu’île est plate, ouverte d'herbe verte, une véritable "rampe de lancement" pour hippopotames et crocodiles.la proximité de prairies plus grasses, me laisse a penser que l'herbe très courte qui recouvre la presqu’île a déjà été goutée.nous devrions donc étre tranquille. Traces de lions, gros male, éléphant et hippopotames... tout un programme. Dominique, le "stagiaire " me dit "tiens des Buffles", sans ce rendre compte de ce que cela signifie, car un de ce que l'on appelle ici les Big Five, est terriblement dangereux lorsqu'il est solitaire, il est capable de détruire une 4x4 sans difficulté y compris ses occupants et son crâne équipé comme un tank résiste à des cartouches de chasses monstrueuses.
Ils ne nous ont pas sentis, ils sont une dizaine, le profane ne peut imaginer la menace de la part d'animaux aux primes abords si paisibles.
Nous passerons la soirée à discuter autour du feu, en mangeant nos pates préparées avec des oignons, par nos "Cuisiniers".
A peine trente kilomètres ont été couverts aujourd'hui, je pense que nous allons augmenter les distances au fur et a mesure de notre progression.
L’endroit est magnifique, depuis la fin de la matinée, nous n'avons plus rencontré âme qui vive, seule la plaine est habitée et nous en sommes sortis bientôt, nous ne verrons plus personne. Le bruit des hippopotames accompagnent nos songes, "Hon,Hon, Hon."Il pleuvra encore cette nuit, mais la fatigue nous aidera à dormir tout de même.
Ce matin il y a du vent, beaucoup de vent. Hier soir, nous avons décidé de retirer nos montres afin de vivre au rythme du soleil et de l'afrique. Ce matin, c’est le jour qui nous réveille. Nous nous jetons comme des affamés sur un pot de confiture et un paquet de biscuit, qui ne va vraiment pas durer très longtemps. Mais c'est toujours ça de pris. Apres une mise en condition assez laborieuse, nous voici de nouveau en train de souquer. Le courant est très faible, nous n'avançons pas très vite, et le vent de face est éprouvant, nos canoës sont chargés, très chargés. Nous approchons de temps a autre un crocodile timide qui, surpris se glisse rapidement dans l'eau pour disparaître rapidement dans le fleuve opaque. Il y a de nombreuses îles au milieu de la rivière, de forme allongées, et a chaque fois, comme fait exprès, une colonie d'hippopotames nous barre plus ou moins le passage. Il faut souquer vite. Certains nous courent après mais l'absence de visibilité ne leur laisse pas la possibilité d'être très précis dans leurs attaques. Toutefois, l'adrénaline est toujours au rendez vous, et ce durant toute la journée. A partir de dorénavant, nous ne déjeunerons plus a midi qu'avec un pain pour six et deux tubes de pâté, régime. Nous allons perdre du poids. L’attitude de fin de journée des hippos se confirme, il faut éviter de rester sur la rivière durant le crépuscule, ils deviennent carrément agressifs, et la lumière rasante du soir nous masque leur présence sur les rives ainsi que leur retour précipité dans la rivière. Alors que la rivière oblique vers le sud, ils deviennent terriblement agressifs et multiplient les charges. L’un d'eux aura la ferme intention de ne pas nous laisser passer. Je passe le premier, a fond en criant a mon coéquipier, "a fond , a fond" le bestiau sortira juste derrière moi à moins d'un mètre, me montrant ses canines énormes et dissuasives, replongera, et refera surface en frôlant l'arrière du canoë, pff.......hors de son territoire, j'ai le souvenir de l'image de face du KII, avec deux mecs qui rament comme des malades et juste derrière une gueule d'hippo ouverte qui leur court après, on aurait dit une scène de dessin animé de tex Avery…
Ici, pas de plage au ras de l'eau mais nous trouvons un havre de paix, à quelques mètres au dessus de la rivière, nous ne sommes pas dans le passage des grands félins.Devant nous, telle une image de film, la rivière coule, sans bruit, le courant est assez fort. Une bonne dizaine d'hippopotames nous regardent attentivement avec leur "Hon, Hon".Derrière nous, un bras mort de la rivière, végétation tropicale, des oiseaux aux couleurs d’un vert éclatant.Encore une fois la rivière devient orange avec le soleil, on est au cinéma, on est dans le film. Et dire que jamais personne n'a campé la où nous sommes.
Le rythme se prend petit à petit, tous les membres du groupe s'affairent afin de monter le camp, les cuisiniers préparent le feu et les pâtes, je fais le point sur mes cartes, je transmets ma position par ma balise, d'autres montent les tentes.
Ce soir, le bricoleur répare la guitare, bien mal en point, car elle à subit les outrage de nombreuses expéditions.La soirée sera délirante, nous chanterons comme des fous, en jouant de la samba sur nos casseroles...Cette nuit, je pense que nous aurons du mal a rejoindre le point de rendez vous dans les temps, mais je suis beaucoup plus inquiet au sujet des rapides et des chutes que nous allons rencontrer, et qui restent un mystère. Nous passons une bonne nuit, ponctuée de "Hon, Hon" devenus familiers.
Ce matin nous nous levons tôt, ou du moins il nous semble que c'est tôt, le soleil tape déjà fort. Chacun sait ce qu'il a faire et le camp est rapidement démonté. Les hippopotames sont encore la a nous observer, et comme toujours, le matin, ils sont tranquilles.Hier, en milieu d'après midi, nous avons aperçu, sur le bord de la rive, deux hommes qui s'affairaient autour de ce qu'on pouvait imaginer être un ancien bac détruit, pour traverser la rivière. Ils nous font signe. Ce sont deux rangers, peut être le début des ennuis? Non, l'homme est courtois, je lui annonce que mon expédition est connue et cautionnée par le sieur Lyimo, son grand patron. C'est a peine si il ne se prosterne pas! Il me demande mon nom afin d'appeler son chef pour lui dire que nous sommes vivants, par radio.
Il nous quittera su ces mots :
"Filmez, photographiez, dites au monde entier ce qui vous avez vu ici.”
Je suis souvent tenté de parler, d'essayer d’expliquer, de partager ma passion pour l'Afrique, de mes émotions ressenties dans ces endroits sacrés. La plupart du temps, pourtant, je décide de me taire, de garder jalousement ce pourquoi je suis ici. Qui peut comprendre ? Les touristes arriveront ici aussi, un jour, c'est sur, j'espère le plus tard possible. Je suis privilégié, je le sais et j’essaie d’apprécier chaque minute, chaque seconde. Je fais part à mon interlocuteur de l'agressivité des hippopotames du coin, je comprend que la zone que je viens de passer a été assez sévèrement braconnée, et que beaucoup d’animaux blessés par les hommes attaquent tout ce qui bouge. Facile a comprendre. Ce qui me rassure, c'est qu'il nous explique que en aval ils sont beaucoup plus "Peaceful"(tranquille). Les canoës glissent lentement dans l'eau couleur de poussière. La végétation est très dense. Nous apercevons un Elephant dans le fourrés, il détalle a toute vitesse a notre arrivée, nous sommes dans le vent. Les animaux sont nerveux, ici, très nerveux. Ils sont chassés. Il faut faire attention et redoubler de prudence.
Nous arrivons à l'entrée de nouveaux méandres, la rivière se divise encore en nombreux bras, sur la carte TPC il y a un virage à quarante cinq degrés et un brusque changement de direction vers le nord-est, il doit y avoir des rapides ou une sournoiserie du même genre.
La végétation devient encore plus dense, des palmiers, une espèce de Jungle magnifique, et toujours nos amis les Hippos qui nous souhaitent la bienvenue.
De petits rapides commencent à se préciser, si on peut appeler cela des rapides, "Pizza" n'est pas très à l'aise, même, si maintenant il semble mener l'embarcation de manière relativement rectiligne. C’est le premier rapide assez gros, jean pierre passe, nous aussi malgré l'échouage en travers sur un rocher, a la fin du rapide, sans encombre. Je profite de l’opportunité afin d’attendre notre ami Pizza qui met son bateau en vrac en amont au milieu des gros remous et nous voyons l'embarcation se tordre et "s'enrouler" autour du rocher de façon inquiétante.
Il va finir par tout casser.
Jean Michel se jette a l'eau dans les rapides sans hésiter et empoigne une corde, il faut agir vite, il rejoint le KII et, avec effort bien appuyé, le dégage, le comité d'accueil, nous salue cent mètre plus bas(Hon, Hon!...). Nous décidons, après discussion, prendre le contrôle du KII avec jean Michel à son bord, je prendrai Jean-Beu. Autrement nous allons avoir des ennuis ou une grosse casse!
Dans les méandres, nous passons de petits rapides, il y a a peine quarante ou cinquante centimètres d'eau, un tronc d'arbre remonte le courant en face de nous???
Belle bête. Le Crocodile, d'une taille respectable, entre trois et quatre mètres est venu à quelques centimètres a peine devant le canoë avant de plonger, juste pour voir. Il faut donc aussi se méfier si les rapides ne sont pas très forts. Ici, c'est clair, il ne faut pas chavirer. Ce qui est incroyable, c'est que, en règle générale, les crocodiles sont terriblement difficile a observer car extrêmement craintifs. Au vu du nombre que nous apercevons chaque jour, il est facile d'estimer la quantité phénoménale de sauriens qui doivent peupler la Kilombero.
De magnifiques bancs de sable blanc de cartes postales alternent entre les palmiers et les arbres couverts de lianes.
Sur mon GPS, nous approchons d'un point que j'avais noté en avion comme étant problématique. Effectivement un rapide assez gros barre toute la rivière.
Debout sur le canoë, j’évalue la direction et décide que, en passant bien dans l’axe, tout devrait bien se passer. Une place calme, dans un contre courant, semble assez facile derrière, on pourra s'arreter.Je passerai le premier pour montrer le chemin.
C'est le premier rapide significatif.Nous prenons de la vitesse, et nous le passons facilement, le canoë se plie en traversant les grosses vagues. Surtout ne pas passer en travers. Il est vrai que dans ces conditions, le canoë est très ludique. Deux comités d'accueil nous observent de chaque coté, le coin doit aussi être habité par des "Sournois" (Crocos). En attente dans le contre courant, au milieu du bruit de l’eau je vois Jean pierre passer lui aussi sans encombre, nous attendons pizza.
Ils déboulent tant bien que mal, mais, certainement parce qu'ils n'ont pas assez de vitesse, et qu’ils arrêtent de ramer en plein milieu du rapide, ils embarquent une vague, puis deux et s'appercoivent médusés qu'ils sont en train de ….couler! Je leur hurle, "le poids en arrière, en arrière", mais c'est déjà trop tard. Comme dans un dessin animé nous voyons le Canoë couler, les sacs, attachés flottent joyeusement, et si le bateau ne va pas au fond c'est parce que les flotteurs gonflables latéraux l'empêchent de couler!
Nous nous ruons vers eux afin de récupérer les passagers qui sont immergés jusqu'au nombril. Hors de question de nager ici, le bruit de l'eau qui gronde ajoute à l'atmosphère un peu stressante de la situation encore un peu plus de piment. Tout c'est passé très vite, trop vite
Sur les rochers juste a bord du rapide, nous repêchons le matériel qui part a la dérive et tourne dans les tourbillons .Un énorme orage, en prime, nous arrive dessus, nous voyons la pluie débouler et arroser la rivière, l'averse durera cinq minutes, mais quelle averse ;il fera presque nuit, mais il fait tellement chaud, et la situation est tellement exaltante que nous rigolons comme des fous.
Il faudra être plus prudent, a présent, mais c'est décidé , nous prenons maintenant le contrôle du KII et pizza servira de moteur, non plus de gouvernail, Jean Beu prend la place de Jean Michel dans mon canoë.
Ce Soir, nous sortirons les "bâches a trous”, jupes et toile de couverture qui nous permettrons de ne pas embarquer d'eau dans les rapides.
L’avertissement de cet après midi est clair.
J'utilise l'émetteur satellite pour la seconde fois, afin d'informer de notre position, nos amis à Dar Es Salaam. L'hélicoptère est sensé nous rejoindre dans deux jours maintenant. J’espère simplement qu'il recevra le message.
Je m'imagine la tète de Pierre à Aix lorsqu'il recevra le message suivant:
"Will be around Shuguli, S 08°.13.750/E 036°.57.105, ok for helicopter, pls forward to following fax N°....."
vers midi nous stoppons sur une plage, un vieux camp de chasse , d'une autre époque, sur les hauteurs ,qui n'a pas été fréquenté depuis longtemps nous sert de salle de restaurant. En fait un arbre nous fait un peu d'ombre. Le coin est sinistre, un crâne d'éléphant, un autre d'hippopotame, témoignages de la folie des hommes.
Dans cette région de riches américains sont près a dépenser des fortunes afin de tuer, un lion, un éléphant, on parle de plus de vingt mille dollars pour un éléphant.
Encore un pain et un tube de pâté à l'ail a midi, c'est toujours aussi frugal. La température doit friser les quarante cinq degrés à l'ombre, sur la rivière c'est pourtant supportable, je commence à m’habituer. Au bord de cet ancien camp, une anfractuosité dans la roche de deux ou trois mètres, nous fabriquons une petite piscine naturelle. Nous mettons un canoë en travers, et en avant la baignade dans l’eau glauque. Je garde pourtant en permanence mon poignard à la main, on ne sait jamais. Nous continuons notre route sous le soleil de plomb. Ramer n'est pas trop dur, en fait c'est un mécanisme auquel on s'habitue assez bien, même si le dos n’est pas au mieux de sa forme. Aujourd'hui nous avons du ramer facilement huit heures. Les hippopotames, viennent nous rappeler qu’il est l'heure de s'arrêter, ils s'agitent.
Nous choisissons un coin surélevé, en bordure d'une forêt, une espèce de fossé coupe notre plage en deux, tracé par des hippopotames qui en ont fait leur autoroute afin de rejoindre les pâturages, le bas, derrière les arbres. Je vais faire un tour, deux ou trois cents mètres dans le bush, une grande clairière avec de l'herbe claire et verte, un vrai restaurant gastronomique pour herbivore! Un nombre incroyables de traces, encore une fois: éléphants, lions, et impalas. Ce soir, nous avons encore un couple de spectateurs qui nous observent en soufflant avec leur" hon, hon...." ils resteront toute la nuit. Nous mettrons, par mesure de prudence, les canoës en dehors de la piste des hippos, ils seraient bien capables de tout écraser si ils voulaient de toute façon, passer. Ce soir, c'est l'anniversaire du Cuisinier, Avez vous déjà vu des bougies sur un plat de nouilles? Nous avons très faim le plat disparaît rapidement.
Il a fait extrêmement chaud aujourd'hui, mes brûlures me font encore souffrir, heureusement que nous nous protégeons du soleil avec nos chaussettes a bras, c’est un peu trop tard d'ailleurs. Nous profitons de la lumière du jour afin de fixer les deux bâches a trous, ou du moins de les préparer pour la suite des événements. Pendant que l'un passe un papier de verre sur la toile des canoës, un deuxième enduit de colle, le troisième applique les pièces:du véritable travail a la chaîne en chantant en coeur! Mais la colle ne tiens pas très bien, le taux d’humidité ambiant est trop élevé. Ca ira tout de même. Demain, nous devrions être proche de la zone des rapides Shuguli, c'est sur, nous aurons la visite de Michel avec son hélico.
Je lui transmets la confirmation de notre position. IL consomme un peu trop d'énergie et la "centrale électrique" avec son panneau solaire est mise a rude épreuve. Tout à l'air de fonctionner a merveille; heureusement, malgré le matériel trempant dans l'eau, au fond du canoë, continuellement, je suis satisfait de mon Invention.
Je repense à Mr Kibonde, à Dar es Salaam et a ses observations, lorsque je lui ai montré ma carte, aux alentours de la jonction des rivières; il avait évoqué le passage de la zone a pied a travers le bush, pendant plus de trente kilomètres, je préfère ne pas y penser. Demain il fera jour.
Encore une fois, je m'assoie face à la rivière, le soleil descend, la bas, derrière les arbres en face de moi. L’air est encore très chaud, mais ce soir, nous n'avons pas la compagnie des moustiques. Nous ne parlons pas trop, tout le monde est fatigué, très fatigué. La bonne humeur est toujours au rendez vous.
Encore une matinée chaude, le camp est démonté rapidement après le café du matin. Le soleil ne daigne pas trop se montrer ce matin, et c’est tant mieux. La saison des pluies est proche, et pratiquement tous les soirs, il y a un orage qui nous tourne autour. A moins qu’il ne préfère nous arroser copieusement. Je m’interroge sur la hauteur que peut avoir la rivière, lorsque les pluies arrivent, peut être quatre mètres de haut, en plus du niveau actuel. Espérons que cela n’arrivera pas pendant que nous sommes ici !
Je suis brûlé par le soleil et je m’enroule la tète avec mon Chèche, que j’arrose copieusement a l’aide de mon chapeau rempli d’eau, dés que la température atteint celle d’une cocote minute c’est a dire toutes les cinq minutes. Je préfère ne pas m’imaginer a pied, dans le bush, loin de la rivière. Ici, plus d’île pour le moment, et des hippopotames biens calmes. La rivière fait au moins trois ou quatre cent mères de large. Soudain, un bruit, oui, c’est bien un bruit d’hélicoptère, on l’entend arriver au moins dix minutes avant de le voir tant l’endroit est silencieux. J’ai souvent ressenti ce genre de sensation de silence. Chez nous, on entent presque toujours une présence humaine : un avion a haute altitude, une voiture au loin. Mais ici, en Afrique, dans ces régions perdues, le mot silence prend soudain un sens nouveau.
La bas, au loin l’hélico arrive a basse altitude. Il fait trois passages, de plus en plus bas, Michel a tenu parole, du moins, il a reçu la position que je lui ai envoyé hier soir par satellite.
Nous voyons disparaître l’hélico derrière les arbres, plus loin, et nous accostons. Une sorte de crique de sable fin, un crocodile qui se jette encore a l’eau en catastrophe.
Nous rejoignons l’hélicoptère dont le rotor continue de tourner. Michel, le producteur, Jean-Luc son collègue, puis Tina, superbe mannequin, que Michel a emmené ici afin de faire des prises de vues pour des spots publicitaires, afin d’amortir les dix mille dollars de location de l’hélico. Un reporter de ITV, la télévision locale l’accompagne avec sa lourde caméra Bétacam.
Michel nous sort une bouteille de champagne d’une glacière, avec la chaleur, un seul verre nous mettra en vrac ! Nous faisons des spots pub pour Pepsine cola, Une marque d’eau minérale, une marque de cigarettes, le champagne, un produit « no-bite » contre les moustiques…dans un contexte « Rufiji », le tout dans l’euphorie générale. Il semblerait, que notre allure, après une semaine d’expédition soit assez surprenante, nous avons pris une couleur « locale », c’est du moins ce que nos amis semblent penser. Puis nous mangeons un peu au bord de la rivière, le Captain William, pilote de l’hélico et moi avons une longue discussion, c’est le personnage rêvé pour ce qui est de fournir des renseignements sur les endroits qu’il connaît. Nous évoquons les coins perdus que nous connaissons tous les deux, aux confins du Mozambique, au Kenya…
Il me donnera des informations capitales sur la rivière en aval, jusqu’à la mer. Je pense déjà à rejoindre l’océan, et à couvrir les trois cents kilomètres séparant les Stiegler Gorges de l’embouchure, et de l’île Mafia, dans l’océan indien.
Après la zone du Rufiji River Camp, chez Massimo, ou l’avion doit venir nous récupérer dans une semaine, la rivière serpente dans une longue plaine, et redevient habitée par des pécheurs, ce sera a voir, pour plus tard.
Puis nous préparons notre chargement, nous partons sur la rivière, l’hélico doit nous rejoindre en rase-mottes et faire un plan pendant que nous nous éloignons, soit.
Seulement voilà, nous sommes au beau milieu du fleuve, contre le courant, depuis cinq minutes, dix minutes lorsque soudain, je vois Michel gesticuler sur la berge et nous appeler.
« L’hélico ne démarre plus, plus de batterie, c’est la merde ! »
Je pense qu’il plaisante, mais non ! Le Captain william revient, lui aussi, il est livide ! Plus de batterie, donc plus d’hélico, mais aussi plus de radio ! Ils n’ont évidemment pas de nourriture, ni d’eau, ni aucun moyen de communication.Tina, avec son petit short et ses sandales a talons aiguilles est paniquée. Ici personne ne viendra les chercher, c’est en dehors de toute route aérienne, et aucune piste ne passe par la.
Il y a seulement deux hélicoptères en Tanzanie, le premier est ici, en panne ; et si le deuxième n’est pas la ou a un problème, il va y avoir du camping forcé pour pas mal de gens et de temps….Le message que j’envoie par satellite à Pierre, en France pourrait se lire comme ça :
URGENT HELICO STUCK GROUNDED IN SELOUS , KILOMBERO RIV. LAT XXX LONGXXX NEED BATTERIES CALL AIRWING CNY TELXXX FAX XXX AND SEND 2D HELICO. PLS CALL CPT SILLAA IN D.E.S.
Je pense alors a mon bureau, a la tète qu’ils vont faire , et aussi au fait qu’ils vont sûrement s’inquiéter vont peu être s’inquiéter., je complète avec : NO HUMAN PBLM, ALL OK EXCEPT HELICO !
Le message est parti, plus rien à faire que d’attendre, évidemment nous sommes Vendredi, et il y a des chances pour que tout le monde soit parti lorsque le message arrivera par satellite dans six heures !Pour nous, tout va bien, nous sommes autonomes, les autres s’attendent à passer une nuit tragique dans le bush ! Nous fabriquons une espèce de tente avec une bâche, les cuisiniers font cuire des nouilles, jean Michel va pécher, tout va bien. Nos hotes sont stressés et nous faisons le maximum pour les faire rigoler. En fin de journée, la lumière est belle, nous partons jean Michel et moi, avec le caméraman au milieu des hippos, afin qu’il complète ses images avec des « Close-up » d’hippopotames. Facile, l’un d’eux apeuré heurtera l’arrière du canoë avant de s’enfuir pris de panique. Le pauvre caméraman, lui, n’a pas passé une semaine au milieu des hippopotames, et est encore plus terrifié que les hippopotames eux même. Nous écourtons son calvaire et rejoignons bientôt le camp.
Le soir, nous restons tous ensemble, en chantant des chansons joyeusement autour du feu. Notre ménestrel Pizza compose une chanson en français sur la pauvre Tina, heureusement qu’elle ne comprend pas le français ; le refrain faisait :
Fais dodo Tina ma p’tite sœur, fait dodo t’aura l’hélico…
Un orage nous tombera sur la tète, nous voilà tous sous une bâche de deux mètres sur deux, sous des trombes d’eau, pendant que nous chantons de plus belle ! !
Ils doivent nous prendre pour des fous.. Tina, Michel et le Captain iront dormir dans l’hélico, ils ont la trouille des lions, éléphants et autres bestioles. Jean-luc restera à dormir dehors près du feu, il s’attend à avoir de la visite pendant la nuit, et barre le passage des animaux éventuels avec les canoës. Il se fera agresser par les moustiques toute la nuit.Avant de nous coucher, nous apercevons des yeux brillants sur la rivière, sans apercevoir de forme précise, sûrement un crocodile. Good night Rufiji.
Ce matin, au lever du jour des Impalas, tentent de passer par notre plage, nous sommes au mauvais endroit, et ils décideront, au bout de cinq minutes, de rebrousser chemin rapidement en sautant haut, comme ils savent le faire lorsqu’ils sont inquiétés. Captain william lui aussi est inquiet, impossible de savoir si quelqu’un a reçu mon message, encore moins si quelqu’un va venir à son secours. Ne parlons pas de l’état de Tina qui se voit passer une semaine ici ! Nous déjeunons, ils ont du pain frais ! Un bon café a l’eau de Rufiji ; Michel va faire un tour dans le bush, il tombera nez a nez avec un éléphant qui ne demandera pas son reste et partira en courant ; Michel aussi, d’ailleurs… donc, il vaut mieux rester dans les parages, je leur fait la leçon, mais es ce bien nécessaire, je pense qu’ils ont compris d’eux mêmes.
Apres les Impalas, c’est le tour d’une bande de singes, ils s’approcheront d’assez près avant de détaller, les babouins sont assez chapardeurs, mais ceux-ci ne voient jamais d’hommes et sont naturellement méfiants. Il faut mieux, car ils seraient capable de mettre le camp a feu et a sang pour subtiliser notre tas de nourriture odorant….Jean Michel attrapera un gros poisson chat étrange, que nous dégusterons a midi avec un bon tas de riz ; excellent. Il est difficile de pécher ici. La technique est adaptée, d’abord attraper des insectes, pour, ensuite, attraper des petits poissons, pour enfin attraper de gros poissons… pas simple, mais impossible de faire autrement. Même Tina essaie de pécher, sous l’œil inquisiteur d’un hippo (hon, hon.)
Soudain on entends le bruit de l’hélico salvateur. Nous rejoignons Captain William, dans son hélico. Il a fait un feu et a étendu nos bâches par terre en signal de détresse.Nos compagnons ont le visage qui s’illumine, ils ne passeront pas une autre nuit dans le bush ! L’hélico se pose, les batteries neuves arrivent, tout le monde s’agite, ils vont partir maintenant. Cpt William vient me congratuler. En voici un sur qui on pourra compter. Nous nous donnons rendez vous une dernière fois avant les gorges, encore une fois, je donnerai ma position par satellite.
L’hélico décolle.
Il s’en va,
L’agitation s’est dissipée, nous voici de nouveau dans les mains de la Kilombero.
Comme si ne rien n’était, nous recommençons le rituel, chacun s’occupe de sa partie et prépare le départ. Toute cette agitation, ce bruit a poussé les hippopotames à s’éloigner, pendant deux kilomètres, nous n’en rencontrons plus un seul. Incroyable comme la présence humaine peut modifier l’aspect d’une rivière africaine. A partir d’ici, les rapides commencent. Tout petits, ils deviennent assez larges, mais surtout, la zone rocailleuse commence. Les rochers sont arrondis, profondément érodés, ce qui renseigne sur la puissance du courant qui doit animer la rivière pendant les hautes eaux. Encore des hippopotames, stressés, nous recommençons a pagayer dans tous les sens afin d’éviter leurs canines agressives. La rivière est très large, les rochers sont presque blancs, nous attendons ce moment depuis longtemps, enfin un endroit où nous allons pouvoir trouver une zone « crocodile free » comme on dit.
Il semble que nous descendons de plus en plus, d’un point de vue altitude. Les méandres recommencent, je choisit de serrer encore au plus a gauche possible, d’après mes notes, c’est encore la meilleure solution. Les petits rapides successifs nous font slalomer entre les hippopotames, qui se confondent avec les rochers, en cette après midi. Tiens, notre canoë est rempli d’eau ! Il y en a plus de vingt centimètres au fond, il faut s’arrêter pour réparer. En attendant, il faut souquer car deux gros bestiaux nous courent après, au moins une femelle avec son petit qui n’a pas l’air commode. Elle nous le fait bien comprendre. Je me rappellerai toujours le cri des hippopotames, lorsqu’on se trouve au milieu de la rivière ; une résonance énorme, un écho incroyable, qui vous prend les tripes.Le bruit de l’eau au milieu des rochers, quelquefois nous fait rapprocher d’un hippo qui somnole a la surface et qui ne nous a pas vu !danger ! nous sommes parfois à trois ou quatre mètres lorsque il nous apercois, c’est très chaud, d’autant plus que les échappatoires sont limitées entre les rochers pointus qui ne demandent qu’a nous coincer et a nous mettre dans une situation délicate. Je vise un contre-courant et un gros amoncellement de rochers au milieu de la rivière, de toute façon, il faut s’arrêter pour réparer. Deux yeux d’un vert clair, tels d’énormes yeux de chats, se dirigent vers nous, un crocodile viens nous voir, assez petit, il doit mesurer dans les deux ou trois mètres. Il frôle littéralement notre embarcation et ne réagit même pas lorsque je frappe l’eau pour l’effrayer de ma pagaie ! Incroyable.
Alors que nous rejoignons la rive, un deuxième, énorme, dont nous apercevons la tète, viens aussi nous jauger. C’est le plus gros que nous apercevrons, celui la dépasse, c’est certain, les cinq mètres, un vrai monstre.
Je me rappelle alors, un personnage haut en couleurs, rencontré sur les bords du fleuve Kunéné, entre l’Angola et la Namibie, entourés du peuple Himba, dont il défendait la cause. Il nous raconta que les Sauriens du coin étaient particulièrement voraces et agressifs. Il nous raconta l’histoire de ces deux jeunes sud-africains qui avaient montés une expédition sur la rivière en Kayak,
Ils ne sont jamais arrivés jusqu’à la mer.
Espérons que les crocos de la Rufiji, ne soient pas aussi affectueux.
Dominique a visiblement un problème avec les bestioles, et il semble en faire une véritable phobie. Pour lui, ce sera le début de la galère
Réparation rapide sur le bord, puis, nous voyons, en face de nous, une plage accueillante. Transfert du matériel de l’autre coté, une piscine naturelle, constituée d’un bras de rivière ou l’eau coule en torrent, et au bord, une clairière, surélevée,
Une belle « rampe de lancement » pour hippo avec, encore des traces fraîches de fauve. La clairière est magnifique, bordée par une forêt impénétrable, et une vue imprenable sur les méandres de la rivière nous est propose entre les arbres.
Apres avoir installé le camp suivant le rituel habituel, nous allons inaugurer la « piscine ». Pendant que cinq se baignent et profitent de ce premier bain réparateur, le sixième lui, monte la garde avec arbalète chargée et pétard sous marin, a portée de main au cas ou. Ne l’oublions pas, la nature n’est pas aussi calme qu’elle en a l’air. Derrière notre rocher, nous apercevons un gros male hippo, qui, à moins de cinquante mètres nous observe et, juste a coté de lui, dans le courant, abrité derrière un rocher, immobile, un crocodile est la, il attend.. Patiemment, que quelque chose passe a sa portée. Nous mangerons de bon appétit notre ration de pâtes a rien, jean Michel a bien essayé de pécher quelque chose, sans succès, ce soir.Je préviens mes acolytes que c’est a partir d’ici que les choses vont se corser, nous sommes assez proche le la jonction Kilombero/Rufiji, peut être trente kilomètres. Les bateaux sont à une centaine de mètres de nous, derrière les arbres, un petit chemin, tracé a travers le foret par des éléphants nous y mène. On sent une vie qui grouille et qui nous observe sans pouvoir dire ce que c’est, c’est très fort.
Ce soir nous attendons, au loin, un rugissement de lion. Il paraîtrait que les léopards pullulent dans le Selous. Comme chaque soir, nous transformons les arbres aux alentours en arbres de noël, recouvert de nos habits détrempés, qui ne sécheront complètement que lorsque nous serons de retour en europe. Nous nous sommes très peu chargés, deux pantalons chacun et deux chemises pour toute l’expédition. C’est peu surtout lorsque vous en avez déchiré un….
Nous passons une bonne nuit
Ce matin, il fait gris, nous nous agitons car il faut passer cette zone de rapides, maintenant le plus vite possible, nous avons pratiquement perdu vingt quatre heures avec l’épisode de l’hélicoptère. Nous installons les bâches à trous dans l’allégresse, il fait une chaleur épouvantable la dessous, mais cela vaut mieux que de couler a la première grosse vague venue. Comment vont réagir les embarcations dans les gros rapides ? Quelle est la limite ? On verra bien, par expérimentation.
Nous partons sous une pluie battante, les gilets de sauvetages sont sortis, les cordes de secours, tout laisse vraiment a penser que la situation ne va pas tarder à se corser. Quelques zigzags entre les premiers hippopotames du matin nous mettent en condition. Nous n’avons pas encore fait un kilomètre que nous voilà déjà bloqués , un rapide trop gros, il nous faut faire demi tour dans une autre bras de rivière en amont,et passer le premier rapide sérieux. Nous remontons le courant sur une centaine de mètres, en s’aidant de cordes. Il y a un bruit d’eau si fort que nous avons du mal à nous entendre parler. Nous voici sur une île d’une centaine de mètres de diamètre recouverte de foret vierge. Tout autour, des rapides furieux ont décidés de nous casser les pieds. Après une longue analyse de la situation nous décidons de nous lancer dans un passage étroit, mais impossible de s’arrêter avant au moins trois cents mètres, sinon, on ne sait pas ou on atterrira. A chaque endroit ou se trouve une accalmie pour s’arrêter, un comité d’accueil hippopotamesque est au rendez vous… Le pire c’est qu’avec le bruit ambiant, ils ne nous entendent pas arriver et réagissent à quelques mètres en se ruant vers les eaux profondes.
Nous passons ces rapides sans encombre. Un deuxième rapide, lui, beaucoup plus gros, tel une grosse marche martyrisera le matériel. Les bâches a trous font merveille. Les canoës plongent littéralement dans l’eau bouillonnante et se tordent dans tous les sens. Arrêt après, le rapide. Maintenant on est vraiment en plein milieu de la rivière, impossible de voir les bords qui doivent êtres distants de plusieurs kilomètres. Il faut passer absolument. En aval il y a des chutes, celles là sont infranchissables. Il va falloir porter tout le matériel et contourner le problème.
Nous passerons une bonne heure à chercher un passage à travers la jungle pour rejoindre le bas des chutes. En fait nous sommes encore sur une île, deux chutes nous entourent. Nous trouvons l’échappatoire en contrebas quelques centaines de mètres plus loin, après les chutes spectaculaires qui arrivent de notre droite. Le lit de la rivière se resserre en un canal de basalte magnifique, ou règne un courant très fort mais complètement régulier. Le repas sera une fois de plus basé sur le sempiternel pain plus tube de pâté. Le soleil recommence à nous agresser, pendant que nous nous transformons en Sherpas. Nous mettons les bateaux à l’eau sous les chutes à cent mètres en aval. Elles sont en arc de cercle, quelque chose comme six ou sept mètres de haut, fantastique.En contrebas, nous allons rencontrer, se jetant dans ce bras de rivière la deuxième chute. Nous passons les premiers avec jean Beu, les rapides sont vraiment gros, la jonction avec les autres chutes est magnifique, le bruit énorme, nous sommes dans une véritable machine a laver.
Arrêt dans un contre-courant. Je ferai des photos de l’endroit et des autres équipiers.
Les gros rapides et chutes se calment, la rivière recommence à se diviser en de nombreux méandres, la plupart ont moins de vingt centimètres de fond, il faut souvent porter et traîner les bateaux sut des dizaines de mètres, les hippopotames recommencent à pulluler, et comme nous sommes en fin d’après midi, il recommencent à s’agiter. Engagés dans une impasse ou il nous est impossible d’avancer car pas assez d’eau et entourés de gros rochers, Un Gros hippo décide de nous foncer dessus la gueule grande ouverte, Aie aie aie, nous sommes comme six couillons, les bateaux bloqués, en voyant arriver le monstre qui nous veut du bien ! Ok, nous sortons le matériel d’urgence, un explosif de rappel pour plongeur sous marin. Un espèce de truc qui vous rend sourd dans un rayon de vingt mètres sous l’eau…On va pouvoir vérifier l‘efficacité de la chose. Briquet, mèche allumée, pétard jeté vers l’hippo en folie. Il stoppe net sa course, interloqué, et voilà six couillons coincés dans les rochers dans leurs frêles embarcations, et qui se bouchent les oreilles…..
Pchhh, le pétard foire….
Le bestiau revient de plus belle, deuxième pétard
Pchhhh, le pétard foire encore.
Mais cette fois ci, l’hippopotame se doute d’un coup fourré et s’éclipse en courant en soulevant des gerbes d’eau…..
Pff…….Cette fois nous avons eu chaud.
Nous en concluons que les explosifs sous marins ne sont pas adaptes, car les meches sous marines se deteriorent dans la poche de no chemises…il nous reste un pistolet lance fusée, qui lui est très efficace. Ca suffira pour aujourd’hui, nous nous mettons en quête d’un endroit pour camper. Bel endroit, en lisière de la forêt encore une fois, pas de bruit,les rapides sont assez loin, plein d’hippopotames comme toujours, a gauche de la rivière. De nombreuses empreintes d’animaux et d’éléphant nous rappellent à la prudence. Une séance réparation sur deux bateaux crevés légèrement, il semblerait que les orages de la première semaine ne soient plus au rendez vous maintenant, c’est moins pénible, nous pouvons dormir sans le double toit qui transforme la tente en four a pizza…Je dors du sommeil du juste. si profondément que je n’entend pas les hommes, qui cette nuit la visitèrent le camp.
Jean pierre fut le seul à entendre un groupe, en pleine nuit, déambuler au milieu de notre campement.
Braconniers, chasseurs professionnels, rangers ?
Nous pensons à des braconniers, qui d’autre pourraient roder la nuit dans cette zone. Je frémis à l’idée que cette rencontre aurait pu être fatale, les braconniers ne laissent en général pas de témoins. .Mais cette nuit nous ne furent pas témoins de grand chose, par chance. Nous ne saurons jamais qui furent les visiteurs nocturnes.
Ce matin, le petit déjeuner est simplifié, ça y est, le paquet de biscuits est bien fini, nous attaquons un pain « a rien » heureusement, nous avons du café !
Dans les sacs étanches la nourriture commence à prendre un léger goût de moisissure…Tout est plié rapidement, les bâches a trous ajustées, go ! Deux bonnes heures de slalom au milieux des hippopotames, la rivière est très large, de gros rapides nous stoppent net a présent : fini de rigoler. Nous décidons de passer les bateaux à la corde, la berge est inaccessible. Nous mettrons deux bonnes heures pour afin de préparer les cordes, fabriques des systèmes de va et viens
Sur les trois, une embarcation se retournera, sans casse, en signe d’avertissement.
Ce qui semble facile lorsque nous avançons à la rame, devient extrêmement problématique quand il faut agir physiquement sur quelques dizaines de mètres.
Trois tiennent le bateau en amont trois le retiennent et le guident par le bas, dans un bruit et un courant étourdissant. Nous rééquipons les bateaux et nous repartons… deux cent mètres. Non, maintenant les rapides sont omniprésents, des rochers partout, mais surtout, nous ne voyons pas la sortie, et nous ne voyons aucune possibilité de nous arrêter une fois lances. Il faut partir en reconnaissance, a pied.
Jean Michel et jean pierre partent dans de bush, en éclaireurs .Ils en reviennent au bout d’une bonne heure. « Il y a bien un espèce de chute, qui semble passable, mais avec quelques obstacles au milieu, après, ça passe, pendant au moins deux kilomètres, puis ensuite il y a d’autres chutes. » Devant le portage potentiel dans les broussailles, les avis sont partagés : Dominique est inquiet, la majorité décide un passage par la voie d’eau en serrant sur la gauche. Il est exclu de se retrouver au milieu de la rivière sous perte de se faire embarquer on ne sais ou. Nous sortons la camera et faisons une séquence avant de partir, avec nos gilets de sauvetages et des commentaires, comme si nous allions rencontrer un problème.
Pressentiment
Jean- Michel et pizza se lancent.
Nous les voyons s’éloigner a toute vitesse, puis arrivée au gros remous, ils disparaissent a notre vue une seconde,et réapparaissent bateau retourné les deux accrochés en catastrophe, puis, ils disparaissent a nouveau complètement , car le fleuve amorce une virage à gauche.
Tout s’est passé très vite.
Nous sommes inquiets, nous ne les voyons plus. Ok, jean pierre et Dominique se lancent « faites gaffe la bas ». Ils partent, …. Et se retournent, eux aussi.
Deux sur trois, c’est beaucoup ! Nous partons sans aucune hésitation, il faut arriver au plus vite pour aider nos amis. Et si ils étaient en catastrophe la bas derrière ? D’ici, de toute façon, nous ne pouvons rien faire. Je décide de passer l’endroit délicat en force, car il semble qu’ils aient capotés au même endroit. En arrivant devant la marche, l’avant du bateau est littéralement à deux mètres au dessus de l’eau, jean Beu s’arrête de pagayer affolé par le trou béant qui s’ouvre devant lui , la faute a ne pas commettre. Je lui hurle « a fond ! A fond ! Un tourbillon », juste au moment ou le nez du canoë se précipite dans l’eau bouillonnante, je m’apercois que les vagues nous aurait retournés comme une crêpe si nous n’avions pas conservé de la vitesse. Nous passons sans nous retourner.
Devant nous, c’est Beyrouth !
A cent mètres Jean-Michel est sur un rocher, il essaie de retourner le bateau encastré, enroulé autour d’un rocher. Plus loin, pizza, lui aussi sur un rocher en plein milieu de la rivière, se demande comment il va sortir de là. Ils ont perdu leur chapeau mais semblent indemne. Je réussi a immobiliser mon canoe non loin d’eux, dans un contre courant. Beaucoup plus loin, en aval, j’apercois le KII a l’endroit, avec deux silhouettes qui nagent, accrochés au bateau, il semblerait que la situation soit meilleure pour eux, ou du moins c’est une apparence. Soudain, je les vois lâcher le bateau et nager vers la rive. Le bateau part dans les rapides, seul, et je me dis que les ennuis vont commencer. Je vois, au loin le bateau basculer…. Et disparaître. Nous sommes au niveau des chutes et le, KII viens de partir dedans ! !
Les occupants nagent vers la rive, s’agrippent à des branches et rejoignent la rive avec difficultés. Ils semblent sains et saufs. Je suis à moins de dix mètres de Pizza, dans un contre courant. Nous dégageons le KIII et jean Michel a califourchon, sur le bateau retourné, le sort de ce mauvais pas et le ramène vers la rive, c’était limite.
Il faut récupérer pizza, toujours en perdition sur son rocher, il a le souffle coupé. Il faut faire vite car, si le courant me dégage du contre courant, il sera impossible de remonter et mon ami risque de passer un bon moment sur son cailloux, en attendant la montée des eaux. Je lui hurle d’attraper la corde que je lui lance et de se jeter dans les rapides, qu’il faut faire vite. Mais il tarde, je le sens stressé au point de commencer à perdre ses réflexes. A force d’entendre hurler, il se décide enfin et se jette à l’eau, nous souquons comme des forcenés pour nous sortir de ce merdier, maintenant nous n’avons plus qu’un seul bateau valide, un deuxième esquinté, un troisième disparu. Un arbre mort énorme couché le long du bord nous sert d’abrit et nous nous regroupons : pas de blessé, aucun bobo, C’est le principal.
Nous ne pourrons sortir d’ici que par nos propres moyens, et ça, nous le savons, et nous l’avons accepté depuis le début, alors autant en rire.
Cinquante mètres plus haut, une bande de terre de cinq mètres de large sur une dizaine est assez plate. Nous allons nous arrêter ici, camper et aviser, nous n ‘avons de toute façon pas le choix. Le bilan est assez lourd : un bateau a disparu, avec dedans, la moitié de la nourriture restante, une tente, deux sacs de couchage, les sacs de Dominique et de jean pierre, les appareils photos ,passeports…, le KII est a moitié broyé mais n’a rien perdu de vital. Bref la situation se corse.
Nous fabriquons une tente de fortune avec les deux voiles restantes et de la ficelle tendue entre deux arbres, car bien sur dans ce cas, un malheur n’arrivant jamais seul, le pire reste à craindre, et nous aurons forcément un gros orage cette nuit !
Il règne à cet endroit un bruit assourdissant et oppressant. J’imagine le niveau de la rivière monter et en catastrophe nous de crapahuter la pente raide jusqu’au plateau, pendant que le fleuve embarque tout notre bazar… mais bon, il ne faut quand même pas exagérer, nous avons eu notre dose aujourd’hui.
Il est toujours intéressant de voir comment chacun d’entre nous réagit dans ces moments difficiles. Dans notre société ou tout un chacun est pris en charge par le système, nous sommes rarement confronté à de réelles situations de crise. C’est pourtant durant ce genre de situations que les valeurs essentielles comme l’amitié et la solidarité prennent un sens. C’est sans surprise que nous appréhendons le comportement de chacun durant les évènements qui se succéderont tout au long de l’expédition.
Ce soir le plat de pâtes sera bien triste, sans sel, nous allons devoir nous rationner. Jean pierre et Dominique, partent en reconnaissance, avant la nuit, pour trouver un passage afin de passer les chutes, demain matin. A mon avis ils y vont plutôt afin d’essayer de retrouver le bateau perdu. De retour une heure plus tard, ils ont repérés, a la jumelle, je KIII broyé, mais bien la, encastré sur un rocher juste entre deux autres chutes, deux kilomètre plus bas dans un endroit quasi inaccessible.
Il semble que le passage, quoique escarpé et en plein milieu d’une foret dense sera finalement assez facile.Chaque jour est différent, chaque heure nous réserve sa surprise, il faut redoubler de prudence. J’informe notre ami Michel, a Dar, à l’aide de mon transmetteur satellite, que nous risquons d’avoir un problème pour passer les Stiegler gorges, et qu’il faudrait essayer de prévoir une solution de contournement avant le derniers rapides, nous allons manquer de temps pour les éviter a pied.
Endroit hostile, les hippos sont absents, ils ne sont pas complètement fous. Demain séance « action » avec portage, cordes, et divers efforts en perspective. La nuit sera agitée, gros orage, et pizza qui se lèvera, malade et passera la nuit à vomir joyeusement dehors, pendant que les autres combattront les moustiques sous leur tente précaire que l’on peut considérer de « bien aérée ».
Ce matin, il fait chaud, le soleil, comme pour encourager nos ardeurs, nous arrive plein est, droit dans la figure. C’est la tête pleine de points d’interrogations que nous plions en vitesse le matériel, ou du moins ce qu’il en reste. Le moral des troupes n’est pas terrible, Dominique est complètement hagard, et se sent de plus en plus mal. Pizza, qui a passé sa nuit entre vomir ses tripes et se faire agresser par les moustiques est complètement hors d’état de faire quoi que ce soit.
Je lui donne des cachets sensés lui redonner un peu de vigueur et stopper ses vomissements, mais, rien n’y fait et il répugne à prendre les antibiotiques que je lui sors de la pharmacie. Notre pauvre nourriture, constituée de pâtes a moitié avariées, n’est forcément pas en cause et l’eau que nous puisons dans la rivière pour boire, même si elle n’a pas un aspect très engageant, est suffisamment désinfectée et traitée. Son mal au ventre épouvantable semblerait plutôt d’origine psychosomatique.
Préoccupation du jour : sortir de ce merdier….
C’est sacs sur le dos, en file indienne et en chantant pour nous donner du cœur a l’ouvrage que nous progressons péniblement à travers le bush jusqu’à la crête, en débroussaillant à la machette. Arbalète chargée et pistolet lance fusée à la main, nous restons vigilant, des fois qu’un lion ou un éléphant fasse irruption, se serait le bouquet. Le vrai danger avec un lion c’est de surprendre des petits avec la mère a proximité, dans ce cas il n’y aurait pas grand chose à faire. Il est certain que la région pullule de fauves. Des sentiers assez larges, partant dans toutes les directions, longent les rivières ; comme tracés par des promeneurs improbables, sauf que, ici, les promeneurs en question doivent avoir une trompe et peser dans les quatre tonnes. A en juger par leurs «témoignages» qui, de temps en temps, jonchent le sol.
Il fait une chaleur épouvantable, malgré l’ombre que m’offre le feuillage dense au dessus de ma tète. Nous arrivons, après être descendu de la Crète, au pied des chutes ; énormes et magnifiques. Elles ressemblent à celles que nous avons contournées deux jours plus tôt, mais encore plus larges. Vu d’ici, l’eau marron furieuse arrive de toutes part, sur un arc de cercle de plus de cinq cents mètres de largeur. Il nous faudra quatre voyages pour assurer le transport de tout le matériel, dans des conditions assez dures, bonne introduction pour la suite des évènements, si la série de portages se poursuit, surtout si elle se poursuit durant des kilomètres.
Le canoë s’est payé un sacré vol plané, et doit être complètement désintégré.
Je ne me fais plus aucune illusion. Je me demande aussi si ce sont les dernières chutes ou si la suite nous réserve encore de nouvelles surprises du même genre. D’après Mr Kibonde, la Luwegu, rivière dans laquelle la kilombero se jette et qui forme ensuite la Rufiji, est en contrebas, et si cela se vérifie, ce ne sont donc pas les dernières difficultés. Dominique soutient comme fer que ça doit être le cas, vu son état, je ne tente pas de le contredire, ça vaut mieux. Il a l’air si sur de lui.
Nous sommes sur une immense plage, langue de sable blanc qui s’avance dans la brousse, entre deux collines.Ici ni crocodiles, ni hippopotames, trop de courant et trop de remous, le bruit est intense.L'endroit est idéal pour monter le camp de base afin de nous requinquer, nous et le matériel. Quand je pense que personne n’a jamais planté une tente ici, je me dis que finalement, le prix payé pour ça, pour le moment n’est pas si cher.Pizza s’écroule et reste allongé à coté de tout le matériel, qui commence, lui aussi à être fatigué.L’endroit est fabuleux ; vue directe sur les chutes a porté de la main, une merveille !Il y a, au pied des cascades, des rochers accueillants qui se prêtent merveilleusement a la baignade : pas de crocos, pas d’hippopotames. Je me relaxerai longtemps dans cette baignoire magique, malgré un soleil de plomb qui continue de nous brûler encore et encore ; pour ma part j’ai attaqué les brûlures aux avants bras au troisième degré, et nous n’avons plus de biafine réparatrice…..Il est temps d’aller essayer de récupérer le KII, ou du moins ce qu’il en reste.Nous avançons sur un chaos de rochers usés par les crues, noirs et brûlants. La rivière à coté de nous est devenue étroite, comme un canal. Elle emporte l’eau avec un courant fort, très fort, mais sans écume. Comme une invitation a continuer.Plusieurs centaines de mètres plus loin, un kilomètre peut être, nous voici encore en haut d’autres chutes. Le lit se sépare de nouveau en deux. Devant, la Rufiji plonge cinq ou six mètres plus bas dans un vacarme énorme, tandis qu’un bloc de rocher la sépare d’une autre chute, juste en face de nous. On ne peut, vu d’ici, voir l’autre coté de la rivière qui doit se trouver a plusieurs kilomètres, une grosse île semble encore nous séparer de l’autre coté du fleuve.En contrebas, des cascades et des vasques interminables, en escalier s’étalent au moins sur deux kilomètres, c’est grandiose. Au loin, j’aperçois les hauteurs une colline, qui délimite forcément la rive nord du fleuve, il faudra passer a travers le bush par la bas, en force. Un banc de sable au loin semble indiquer la voie. Nous allons en baver pour pour nous sortir de la.Mais dans l’immédiat, la première chose et de récupérer le matériel, broyé, sur le rocher en face de nous, à moins de cinq mètres des chutes …Je décide d’aller chercher le KI avec jean Michel, les cordes, mousquetons et tout les accessoires d’escalade nécessaires.Le KI est remis à l’eau. Vide il est terriblement instable.
Nous avançons dans le courant pour stopper à une cinquantaine de mètres des chutes.
Précautions.
Apres avoir assuré le KI, nous fonçons vers le rocher au milieu, il ne s’agit pas de se rater ou nous finiront dans le même état que le KII.les chutes rugissent devant mon nez. Ca y est.Nous nous abritons derrière le canoë broyé, entre deux rochers qui génèrent un contre courant salutaire. A gauche, à deux ou trois mètres l’eau dégringole avec puissance, et derrière nous, c’est la même chose….
Une tyrolienne est fabriquée à l’aide de la corde de quatre vingt mètres.
Bien tendue entre d’énorme blocs, des deux cotés, de la rivière, elle servira à nous refaire revenir, a faire glisser le matériel attachés par des mousquetons. Nous nous jetons a l’eau afin de retourner le KII, dans un sale état, vu d’ici, et rempli d’eau. Au prix d’efforts répétés, nous parvenons, en démantibulant la structure désintégrée, à le remettre à l’endroit. Les sacs,du moins ceux qui étaient attachés par une corde a l’armature, sont encore là. Seul le sac de nourriture nous a faussé compagnie…. Dans l’eau jusqu’au cou, au milieu des remous, je coupe la corde et libère les sacs. Ils sont imbibés d’eau et pèsent un poids terrible. En face, Dominique et jean pierre ont l’air d’aller mieux, on va de nouveau avoir une tente et peut être tout le reste.
Le chargement récupéré est chargés dans le KI, nous démontons entièrement ce qui reste et empilons le tout dans notre fringuant KI.L’idée est d’attacher la proue du canoë à la tyrolienne, et le faire coulisser, sur le mousqueton vers l’autre rive.
Est-ce trop de précipitation ou un moment d’égarement ?Cela étant, l’embarcation se met en travers, en se coinçant entre deux rochers, embarque l’eau et en moins d’une seconde,le canoë bascule et vient se tordre autour du rocher, nous passons a l’eau, le tout sous l’œil médusé de nos équipiers qui observent la scène avec incrédulité.
J’empoigne la corde de sécurité que je jette a jean Michel, nous nous retrouvons à l’eau. Nous voyons s’éloigner les sacs qui se précipitent dans les chutes. Cette fois ci nous les avons forcément perdu. Eh merde !
Toujours pas de mal, donc, tout va bien…Ça sent la crise de nerf, de l’autre coté.
Nous voyons les sacs flotter en contrebas et filer dans le courant…Bien, comme s’apitoyer sur notre sort ne mène a rien, il faut sortir de la.
Le KI maintenant lui aussi, est a moitié broyé. Etat des lieux, état du matériel : le KI est remis a l’endroit, l’avant du bateau a une forme inquiétante, comme si l’avant avait frappé avec violence et s’était soulevé, deux tubes supérieurs sont cassés. Ce soir, ça sent l’atelier bricolage.. Ça va aller.Maintenant, c’est sur, avec trois canoës il va falloir en faire deux. Nous passons plus d’une heure à réfléchir à la meilleure méthode pour rejoindre la rive et sortir de la sans se faire embarquer dans les chutes par le courant. Maintenant Il vaut mieux prendre notre temps, la marge d’erreur se réduit fortement.Nous optons pour la solution suivante : utiliser deux cordes, bout a bout, que les autres vont nous envoyer, car bien sur la deuxième corde longue a disparu dans les chutes avec les sacs. Nous nous attacherons individuellement à la tyrolienne par un mousqueton et une sangle autour des aisselles, dans l’eau, les autres tireront vers eux pour nous ramener vers la rive. Si la tyrolienne casse, adieu… Le bateau sera le dernier à passer, mais cette fois ci nous l’alignons parfaitement dans l’axe du courant avant de partir. Je passe le premier, j’ai la tète dans, l’eau, je bois la tasse deux ou trois fois. Il faut éviter à tout prix que le courant m’aspire au fond, coincé et attaché à la tyrolienne. Mon sort serait réglé en quelques secondes. J’ai mon poignard a porté de la main, afin de couper la corde au cas ou.
Mourir noyé ou broyé dans les chutes ? Perspective intéressante…la tyrolienne se tend comme la corde d’un arc sous le poids du courant qui me pousse avec violence. Elle va résister ?
Je suis de l’autre coté, sain et sauf. Même opération pour jean Michel, re-lancer de corde, attaché, et hop, le voici parmi nous. Reste le bateau.Nous le faisons glisser doucement en tirant sur la corde. Le mousqueton qui l’attache a la tyrolienne glisse, doucement. Ce n’est pas le moment d’être trop brusque, si nous ne voulons pas rentrer a pied. Tout est en ordre. Il nous faut abandonner notre installation, impossible d’aller de l’autre coté pour la décrocher.En espérant que nous n’aurons plus besoin de ce genre de dispositif…
Tout est ramené au camp, il est temps de faire l’inventaire précis et un point sur la situation.
Pizza est encore allongé, il sursaute à notre arrivé, s’attendant à un lion ou une autre bestiole sympathique du genre. Le pauvre a une mine complètement défaite, il vomit tout ce qu’il boit et mange et reste allongé en permanence. Jean-michel se plaint de ses pieds, cela fait plusieurs jours que l’humidité, dans ses chaussures de cuir, lui martyrise les orteils. Il se plaint avec raison, ses pieds sont brûlés, a vif, je me demande comment il arrivait à marcher ces jours-ci, il a du souffrir le martyr.
Il va rester allongé, bétadine, tulle gras, et repos, Dominique est complètement en état de crise, il est psychologiquement hors d’état de nuire.L’équipe est sévèrement endommagée. Mais tout va bien pour Jean-Pierre, Jean Beu et moi !,Jean pierre a récupéré son sac « étanche », appareil photo, passeport, argent, tout est trempé, mais pour lui, tout va bien ; c’est un vieux compagnon de galère qui sait gérer ces situations avec brio. : Plus de sac de couchage, nous dormirons sans.. Plus de tente et de matelas ? bof..
Il est tard, jean Beu et jean pierre, pourtant décident d’essayer de retrouver les sacs en liberté maintenant en aval des chutes.Nous travaillerons, avec jean Michel, à la réparation de nos bateaux broyés. Coupant des tubes de l’un pour consolider les tubes de l’autre. A force de persévérance, on arrivera à concevoir deux canoës a peu près droits. Il fait encore une chaleur épouvantable, et le bruit des chutes, là à moins de cent mètres de nous, nous assomme de plus en plus.La nuit tombe, jean pierre et jean Beu ne sont toujours pas rentrés ; c’est inquiétant, surtout qu’ils sont partis sans lampe. Sur les rochers, je vais poser une torche allumée afin de baliser le terrain.
Je les imagine bien passer la nuit au milieu du fleuve… au moins là, pas d’hippopotame ! Ils ne seront pas très confortables, c’est sur.Finalement ils nous rejoignent, ils ont pu récupérer la tente, mais tant pis pour le reste, trop loin.
Jean pierre se plaint de son épaule ; il est tombé sur un rocher en voulant récupérer un sac. Un de moins en bon état…Si l’hécatombe continue, la fin de l’expédition risque fort de ressembler au radeau de la méduse. Demain il fera jour, nous passerons.
Nous n’avons rien mangé ce midi, en ce soir encore des pâtes à rien au menu
Maintenant ça y est nous n’avons plus de sel, plus de poivre, plus de sucre.. Et notre reste de pain est complètement avarié. Ce matin l’inventaire n’est pas très réjouissant:Manquent à l’appel :
-deux tapis de sols
-deux sacs de couchage
-cinq pagaies
-un sac de nourriture
-deux sacs a dos
-plus le reste….
Check up de la réserve de victuailles :
Pas assez de pâtes pour tenir jusqu’à la fin, nous devons nous rationner
Le pain qui nous reste est moisi, autant dire que nous n’allons pas manger grand chose cette semaine ! Pourvu que le poisson veuille bien être coopératif.
Si le dieu de la rivière existe, c’est le moment pour lui de se manifester..
Optimisation du chargement, on va essayer de faire un minimum de voyages, car on n’a aucune idée du chemin a parcourir a pied..
Tous les sacs sont prêts, alignés, Je fais un point précis, sur la carte. D’après mes calculs, si nous coupons, plein est à travers le bush, nous devrions tomber sur la Rufiji an zone calme, après cette zone de chutes, dans a peu près cinq kilomètres.
Nous ferons deux voyages.
Le premier, est éprouvant, Je passe en tète du convoi, boussole dans une main, arbalète dans l’autre, en dégageant le chemin a la machette,Notre chargement pèse, et il doit être à peu près midi, ce qui n’est pas forcément le meilleur moment de la journée pour ce genre d’exercice,Jean Michel est en deuxième position avec le pistolet lance fusée en cas d’éléphant intempestif. D’abord, il faut monter sur la crête, puis, nous suivrons la rivière, ensuite nous couperons à travers la foret. Nous suivons, au début, des pistes d’éléphants assez larges. Des arbres qui jonchent le passage témoignent du bon appétit des pachydermes locaux. Le GPS, qui me sert à naviguer, a du mal à calculer son point à travers l’obstacle de la forêt. La progression est lente, très lente, je me retrouve plusieurs fois dans un cul de sac, au fond d’une combe, traversant, sur les rochers noirs et brûlants comme sortant d’un four, ce lit de rivière, cet affluent desséché qui se transformera en torrent furieux dans moins d’un mois, lorsque les pluies seront là. Il faut s’arrêter souvent, déposer à terre le chargement qui nous semble de plus en plus pesant. Sur certains visages on commence à lire la souffrance ou le désespoir. Je suis en tète de la colonne qui se fraie le passage à coup de machette dans cette zone qui n’a probablement jamais été vraiment explorée.
Une forte sensation de privilège, de nouveau m’envahi, cette espèce d’exaltation, ce sentiment d’être tellement vulnérable, à la merci des éléments, et pourtant d’être maître du jeu ; et J’aime ça.
Je suis encore en train de me demander ce que l’on va trouver derrière tout ça. Peut être encore d’autres chutes, et surtout, dans combien de temps ?
On n’entend plus pizza, ce qui au demeurant peut sembler curieux, malgré la température ambiante qui doit flirter autour des quarante cinq degrés a l’ombre, lui qui est toujours si jovial quand il fait chaud ! Pour le première fois, on le verra s’énerver, lorsque sa plaie a la main s’ouvrira de nouveau en saignant abondamment : « eh mon vié.. » gueulera t-il, en bon marseillais qui se respecte. Il est temps de sortir de ce merdier, le moral des troupes faiblit. Aujourd’hui il porte son chargement et il en bave en silence. En me frayant le passage à la machette, je m’attend a me prendre un mamba noir (sympathique serpent venimeux arboricole) sur le coin du chapeau, mais, aujourd’hui le dieux semblent avec nous, tout semble paisible.
Comme dans un rêve, j’écarte la végétation à grands coups de machette et soudain ; en écartant les branches d’acacias couvertes et leurs épines longues comme des couteaux, je découvre Comme une récompense, la majestueuse Rufiji. Contraste après ces quelques jours d’éléments en furie ! Un lit de basalte noir, creusé en contrebas laisse glisser un fleuve tranquille et silencieux. Des plages de sables blanc, sont comme une invitation a la baignade ; mais là encore, l’eau encore opaque nous incite à la prudence.
Nous sommes passés ! Le soulagement se lit sur les visages. Au loin derrière nous, on appercoit, rugissante, la dernière chute de la fameuse jonction des kilombero et Rufiji, magnifique orgues de basalte inondé d’une écume blanche.
Le calme de la brousse africaine est enfin revenu. J’entends le chant des oiseaux et les bruits si familiers. Je stoppe en lisière de la foret en me débarrassant de mon chargement bien trop lourd, un petit repos s’impose à l’ombre. L’endroit est propice, la plage, en bas, est accueillante il y a de la place pour camper, manger, réparer.
Je décide de planter le camp ici, mais avant, il faudra faire un autre voyage pour récupérer le reste du matériel, en particulier les deux canoës démontés. Le retour est bien plus facile a vide, en ayant étudié une bonne fois la topologie des lieux ! Nous gagnons plus d’une demi-heure par rapport à l’aller. Au travers des arbres, en longeant la rivière, on appercoit le dédalle des chutes, et des rapides. Maintenant, je sais que j’ai pris la bonne décision ; un des meilleurs passages possibles, et que, encore une mon instinct (ou bonne étoile) a eu raison. Nous retrouvons le reste de notre matériel, encore conséquent. Je transpire rien qu’à voir la masse qu’il va falloir transporter. Canoës sur le dos, par deux, nous attaquons de nouveau, l’entrée dans la forêt. Cette fois, l’entrain est au rendez-vous et l’enthousiasme nous donne des ailes, étrange. La procession entre de nouveau dans le bush, nous rejoindrons la « sortie » une heure et demi plus tard. Cette fois nous avons vraiment le sentiment d’être passé.Certain membres du groupe ont perdu du poids, ça se remarque facilement, pour ma part trois ou quatre kilos, sans problème.
Jean Michel a l’air inspiré par l’endroit, on le voit sortir sa canne a pêche et on lui « commande » trois gros poissons .Ca nous ferait vraiment du bien. Pour ma part, je décide d’aller déambuler plus loin, en aval de la rivière, sur plus d’un kilomètre, histoire de vérifier si, après le virage que l’on appercoit au loin, on ne retrouve pas encore une chute sournoise, ou une autre difficulté du genre, qui nous aurait donné une fausse joie. Je passe de bancs de sable blanc, aux rochers escarpés noirs. Deux crocodiles sont surpris par mon arrivée, ils plongent violemment et disparaissent dans les eaux du fleuve.
Je m’assoie sur un rocher, surplombant la Majestueuse Rufiji, pas de bruit, plus de stress, une intense sensation de bien être. Qu'est-ce qui me pousse dans des situations de ce genre? Difficile a dire. Peut être l’absence de certitude, la nécessité de l’improvisation au sens basique du terme. Quand j’appercois le virage ; au loin, et quand je ne sais pas ce qu’il y aura derrière. Un brusque retour en arrière en essayant de comprendre, de ressentir ce que nos ancêtres explorateurs sont venus chercher sur ce continent hostile, mais tellement attachant. Loin de notre réalité, d’une vie trop facile peut-être, pour chercher un autre sens à la vie. Je resterai souvent seul.
Retour vers mes amis, j’annonce à l’équipe que nous sommes réellement passés. Sur ma carte, le relief semble régulier et il serait tout a fait improbable de trouver des rapides important maintenant; heureusement car c’est sur deux canoës qu’il va falloir rentrer a six.. En cas de rapide ça fera désordre. Nous montons la tente sur la petite plage, avec jean Michel, à cinq mètres de l’eau, malgré les nombreux crocodiles présents dans le coin. Ils restent a distance.Compte tenu du nombre d’êtres humains en mouvement dans le coin, il est facile de comprendre que les sauriens ne risquent pas de s’approcher trop près. Leur réflexe naturel est de toute façon, la fuite.
L’endroit est beau. Les autres choisissent de camper en haut, sur la Crète, les crocos aperçus quelques minutes avant, de taille respectables (trois ou quatre mètres) ne les inspirent pas. Ce soir la lumière rasante, est orangée, elle illumine la végétation.
Il n’y a plus de vent du tout, il règne dans cette espèce de vallée une chaleur étouffante, on se sent comme écrasés dans cette atmosphère inquiétante et sauvage. Comme pour nous nous rappeler qu’on est en territoire hostile, les moustiques viennent faire la fête avec nous ce soir. Un hippopotame timide gesticule dans l’eau à quelques encablures, histoire de nous distraire un peu..Il semblerait qu’il y en ait moins dans cette région, que va nous préparer la suite ?
On s’attend quand même au pire. Jean Michel viens de capturer un gros poisson étrange, un poisson chat carnassier ; on saute tous de joie ! Enfin de quoi améliorer l’ordinaire ! Même sans sel ni poivre, on se régale de ces filets que l’on savoure lentement. Un bon repas finalement, je dirai même un festin ! Nous passons une nuit épouvantable, malgré l’endroit merveilleux, toujours à cause de cette chaleur étouffante et oppressante. Depuis pas mal de temps, nous avons ôtes nos montres. Qu’elle heure peut il être ? Quelle importance.
Il fait jour, encore frais (relativement) et c’est tellement beau. Ce matin, atelier bricolage, il faut absolument se bouger pour remettre les canoës en état et partir. A présent je suis persuadé qu’on sera en retard sur l’horaire, et qu’on n’arrivera pas au point de rendez vous avec l’avion. Le manque d’énergie est évident, l’accumulation d’évènements stressants de ces derniers jours a agis sur les corps et les esprits, et nous fonctionnons au ralenti. On passera une quantité de colle et de rustines importantes, des morceaux de tubes et de la ficelle afin de remettre d’aplomb nos frêles esquifs. Finalement les deux bateaux sont de nouveaux fringants ; ça fait plaisir à voir ! Nous n’avons plus que trois pagaies, il nous faut en fabriquer une de plus, nous en avons quand même perdu sept dans notre infortune.Nous décidons de sacrifier la poêle pour la bonne cause, en utilisant un morceau de mat « survivant », Nous verrons bien.
Je repense alors au patron du magasin de bateau, à Genève, et de ses grandes théories sur les modèles de pagaies « celle ci sont plus profilées, celles là plus adaptées aux rapides, ..)Il devrait tester notre innovation, ça lui ferait tout drôle pour slalomer entre les hippopotames.
C’est vrai que vu d’ici, la Rufiji me rappelle le haut Zambèze dans l’ouest de la Zambie, après les chutes de Sioma : un canal naturel bordé de roches noires, lisses, ou l’eau glisse sans bruit vers l’océan. Aujourd’hui il faut faire au moins trente kilomètres, je tente de motiver l’équipe, et nous partons dans la joie. Comme par hasard, on se prend un vent nord-est de face, histoire de nous faire forcer un peu plus…mais le courant est fort, ça aide. Le soleil redouble de vigueur, aujourd’hui, quel enfer ! Je m’attend a des rapides, qui, même légers, représentent maintenant l’obstacle absolu compte tenu de la charge de nos embarcations. De gros rochers au milieu, des hippopotames paisibles, un faible dénivelé. Tout va bien, on commence a oublier les difficultés des derniers jours qui nous a mis les nerfs a vifs. Ce matin nous suivons cette vallée encaissée, étroite, ou le courant est fort et le rivage escarpé. Puis le lit de la Rufiji s’élargit peu a peu, les bancs de sables se multiplient. La profondeur de la rivière est faible. Tellement faible que, par moment, il faut descendre pour tirer le bateau vers des zones plus profondes. Nous choisissons de serrer a gauche ; ici la Rufiji est une zone inondable d’au moins cinq cent a huit cent mètres de larges, un espèce de chenal d’une vingtaine de mètres de large, a gauche semble plus propice a la navigation. Le problème est que c’est plus propice aussi pour les hippopotames ! Ils nous bloquent sans arrêt et nous obligent à tenter de les contourner. Nous passons dans les branches et contres les racines. Quelquefois, nous ne pouvons les éviter, et il nous faudra être patient et attendre leur bon vouloir, qu’ils veuillent bien nous laisser le droit de passage…Quelquefois hors de l’eau à quelques mètres de nous, ils se jettent dans le fleuve à notre approche, souvent à trois ou quatre mètres de nos canotés ils sont responsables de bonnes montées d’adrénaline ! Les passages de sables sont innombrables et, les pieds dans l’eau dans vingt centimètres d’eau ; nous prions notre bonne étoile de nous épargner. Je pense de temps en temps à une petite attaque d’un crocodile sournois qui attraperait l’un d’entre nous par le pied. Ce qui n’est pas rassurant, c’est de voir que les sauriens de quatre ou cinq mètres sont tout a fait à l’aise dans cinquante centimètres d’eau et, surtout, qu’ils sont quasiment invisibles ! Je pense a la réaction que je pourrai avoir si un de mes amis se faisait embarquer par une de ces bestioles, aurai-je le réflexe de lui sauter dessus ? Je préfère ne pas tenter de le vérifier. Nous déjeunons ( !) sur une immense plage, la bas, sous un arbre, une bonne tranche de pain moisi.mhmmm. L’ombre verticale de midi nous oblige à nous grouper sur un espace de deux ou trois mètres carrés, à deux cent mètre de l'eau et de nos canoés. Il y a encore de nombreuses traces d’éléphants sur le sable, et la chaleur qui se reflète sur le sable fait apparaître d’étrange mirages rendant les images du paysage presque flous, là bas au loin. Nous sommes revenu a hippo land, ou les hippopotames s’agitent après quatre heures de l’après midi. Il faut s’arrêter et monter le camp. Apres un virage et une petite accélération suite a quelques hippopotames nerveux, Nous trouvons l’endroit strategique du jour.
Quel contraste avec hier soir !nous sommes sur un immense banc de sable blanc, des roches plates, encore brûlantes de la journée sont alignées sur des centaines de mètres. Le coin est confortable. Le moral est au beau fixe, ce soir, l’inspiration est là, et, avec les bonnes nouilles, nous chantons et mettons au point notre « samba » rythmée de coup de casseroles et d’objets variés. Tentative de pêche ce soir, même Jean-Pierre s’y met ! Mais, notre bonne étoile n’est pas avec nous ; ce sera « pâtes a rien »….La nuit est paisible,
Nous avançons, vite maintenant, mais, encore une fois, je suis certain que nous n’atteindrons pas le lieu de rendez-vous a temps. Nous n’avons désormais plus rien a manger pour le déjeuner, nous ne perdons forcément pas de temps. Nous partons après une préparation rapide de tout notre équipement. Avec l’apréhension de rencontrer des rapides, qui de toute façon ne vont pas tarder a nous barrer le chemin. Nous sommes a présent a moins de quatre vingt kilomètres de l’entrée des gorges, qui, vues d’avion, n’avaient pas l’air méchantes. On a vu ce qui en était des Shuguli.. Sans commentaires…Je lance un message satellite, en indiquant notre position et qu’on ne sera pas au rendez vous. Le problème est que le message met vingt quatre heures pour arriver par Internet chez mon correspondant au bureau, et plus pour arriver en Tanzanie chez le destinataire final. Mais impossible d’avoir une réponse. Je lance donc des messages en aveugle. J’ai la quasi certitude que nous allons nous taper la traversée des gorges (dans les vingt cinq kilomètres) a pied, sans rien a manger.La rivière est magnifique, large, les bancs de sables innombrables font des centaines de mètres de larges. Quelquefois, on appercoit des impalas traversant en sautant et en courant, la rivière, qui, la plupart du temps n’est vraiment pas profonde. On voit bien qu’ils n’ont pas l’intention de s’attarder et qu’ils connaissent la présence des crocodiles. De temps en temps, deux ou trois hippopotames, qui font la sieste dans la partie profonde de la rivière sont délogés, par notre présence et partent dans tous les sens en remuant des gerbes d’eau. Ici, impossible de passer au large, la largeur de la rivière nous l’interdit. Encore des passages ou il nous faut sortir des bateaux et tirer avec l’eau boueuse jusqu’aux chevilles…. Et puis les bancs de sables se réduisent, jusqu'à disparaître ; nous ne sommes plus très loin de la jonction avec la rivière Great Ruaha. Nous passons d’un paysage de plaine alluviale inondable à une gorge de plus en plus encaissée, de basalte brûlant. A présent la rivière ne doit pas faire plus de trente mètres de large et le débit d’eau est énorme. Sans efforts nous avançons a plus de douze kilomètres/heure ! A cette allure, nous serons vite rendu. Des hippopotames nombreux mais calmes se jettent a l’eau sur les rives, mais ici ; moins de risque car le lit est très profond. L’eau s’agite de plus en plus, il est temps de sortir les bâches a trous. Tant pis pour le troisième « passager » qui sera posé au dessus en se cramponnant a deux cordes. On verra dans les rapides si il y en a…Un premier rapide nous fait frémir, a mon signal, pizza, qui fait office de « passager passif » se jette sur le dos et nous souquons fort, très fort, nous passons…..jusqu’à quand ?les gorges continuent, il devient difficile de s’arrêter, nous enchaînons les courbes et virages a quinze kilomètres heure, nous rejoignons la Ruaha dans des conditions autrement plus paisibles que la jonction Kilombero/Rufiji, et c’est tant mieux !il est déjà tard, les hippopotames recommencent a s’agiter, et nous donnent le signal de la fin de la journée. Nous pointons sur un banc de sable en hauteur, en forme d’ovale bien plat. A notre arrivée, quatre sauriens de taille respectable qui se faisaient bronzer en rang d’oignon sur le bord, se jettent violemment dans les eux troubles. Dommage, un steak de crocodile : c’est bon ; surtout lorsque l’on sait qu’on va attaquer le dernier paquet de pâtes..Je tente encore de récupérer les hypothétiques réponses via les satellites, mais toujours rien de concret. Que vas t-on trouver devant nous ?Un hippopotames solitaire restera longtemps a quelques mètres de nous, a nous observer en silence. D’ici on a une vue dégagée imprenable sur le fleuve et le coucher de soleil nous arrive en pleine face. Encore un endroit ou l’on est sur que personne n’a mis le pied ou du moins le piquet de tente ! Quel privilège.
Un bon feu de bois est préparé, et notre cuisinier tente l’impossible : la recette de l’extrême ; les nouilles au thon en tube sans sel. Comme toujours Jean-Michel tente de pêcher un poisson, mais encore sans succès ; visiblement le lieu ne se prête pas du tout à l’activité. Nous n’avons plus rien à manger a présent. Au fond d’un sac, nous extirpons des cachets de vitamine C : un demi cachet chacun nous semble un met tellement raffiné qu’on en a presque les larmes aux yeux..Le vent se lève cette nuit, puis il souffle de plus en plus fort, il rend la nuit douce et agréable dans la chaleur africaine qui nous oppresse depuis plus de deux semaines…
Cette nuit, nous rêverons de steak tartare et de gigot d’agneau….
il nous reste moins de trente kilomètres avant l’entrée des Stiegler gorges ; de l’avion, lors de notre survol a l’aller, j’ai noté les coordonnées d’un rétrécissement ou on avait l’impression que la rivière coulait plus fort. D’après mes calculs, nous ne devrions plus en être bien loin, c’est le suspense. Le basalte reprend ses droits, les petits rapides aussi, mais ils se passent sans aucune difficulté malgré la mobilité réduite et la forte inertie liée a notre surcharge. Virage,
Deuxième virage,
Hippopotames : un deux, dix, cent.. Accélérations, adrénaline, repos….
Et puis, la rivière gronde de plus en plus, s’élargit, au GPS, nous sommes presque au point noté sur ma carte.
La décision est prise, il faut stopper. Devant nous l’écume s’amplifie, inquiétante. Nous traversons afin d’accoster sur la rive gauche, le courant nous attire, comme un aimant vers vers un goulet inquiétant. Un banc de sable parallèle semble propice, de toute façon, nous n’avons pas le choix, tant l’aval semble houleux.
Dans le vacarme des rapides naissants, nous touchons terre, il faut escalader cette espèce de dune de cinq ou six mètres de haut. Le banc de sable est étroit ; peut être trois ou quatre mètres sur une centaine de long, nous sommes dans le début de la gorge et il semblerait qu’un plateau nous domine d’une bonne centaine de mètres.
Reconnaissance.
Moins de cent mètres plus bas, on appercoit alors que le lit de la Rufiji se rétrécit brutalement avant de s’engouffrer violemment dans un canal naturel de cinq ou six mètres de larges, lui qui en mesurait au moins deux cent un kilomètre plus haut. Nous suivons ce canal que l’on espère court, en escaladant les rochers brûlants noirs, pendant plus de deux kilomètres mais il faut se rendre a l’évidence : Le passage par l’eau est impossible, le matériel ne résisterait pas a la puissance des flots déchaînés. Le problème majeur est, que, en cas de capotage, il n’y a aucun ou endroit pour se réfugier et se récupérer, c’est la dégringolade assurée jusqu’au bout et la mort à coup sur. Nous ne prendrons pas ce risque. Chose incroyable, des hippopotames sont en plein milieu de la rivière à cet endroit, certains remontent même le courant furieux ; incroyable ! Mais ils ne nous entendent pas et font réellement comme si nous n’étions pas là. Nous trouvons un rocher qui fait obstacle, dans la rivière, un jacuzzi naturel ; au moins ici, pas de crocos ou d’hippos. Seuls un serpent pourrait de retrouver dans le coin, embarqué en amont par le courant….nous nous baignons dans ce coin de paradis en évaluant la situation. Jean Yves et Dominique sont restés en arrière. Deux solutions s’offrent a nous : attendre l’arrivée éventuelle de nos amis a qui j’ai envoyé des messages depuis plusieurs jours ou traverser les gorges a pied avec tout le bazar pour pouvoir rejoindre le camp de notre ami Massimo,dix kilomètres après les gorges.
Je me souviens du dernier message que j’ai envoyé par satellite, en arrivant sur les lieux
« Stucked before Stiegler, at entrance, impossible to reach. Meet. point organise pick up with 4WD if possible , send back co-ordinate of expected pick up place » coincé a l’entrée des stiegler gorges, impossible de rejoindre le point de rendez-vous, essayez d’organiser récupération avec 4X4 , envoyez coordonnées du point de rv possible.
Je pense sincèrement que personne ne viendra, et qu’il va falloir se débrouiller tout seul. Dominique est affolé, c’est le bouquet ! Le pauvre, il faut se faire a cette idée, que personne ne viendra, ça vaut mieux pour les nerfs,
Il va falloir s’organiser. Le plus difficile sera la nourriture, nous n’avons plus rien a présent. L’endroit, selon jean Michel, n’est pas du tout propice à la pécher, il faut oublier le poisson et commencer a envisager sérieusement la chasse…Nous avons deux arbalètes, des flèches de chasse, je sens qu’on va bien rigoler en essayant d’attraper quelque chose pour survivre. La motivation nous aidera. Notre bonne étoile aussi. De retour aux canoës, nous apprenons la bonne nouvelle aux autres. Tant bien que mal la vie s’organise, nous allons camper ici, tout démonter et attendre paisiblement. Si rien ne se passe dans quarante huit heures, nous préparerons le transport a pied a travers le bush.
Soudain, à l’étude de la carte, j’ai un flash. Une piste d’atterrissage serait a moins de huit kilomètres a vol d’oiseau, et il me semble me rappeler le survol d’un espèce de camp lors de notre vol de reconnaissance. La question est de savoir si la piste est assez longue pour recevoir le Cessna bimoteur, car il lui faut au moins mille deux cent mètres pour décoller.
Nous décidons d’envoyer deux éclaireurs trouver le camp de rangers, a travers le bush afin de trouver de l’aide pour tout porter. Le départ sera de toute façon plus facile à partir campement. Mais il est tard, trop tard, tout retour sera impossible ce soir et, en cas de problème il vaut mieux rester groupés. Nous partirons demain matin au lever du jour.
Le camp est monté rapidement, jean Michel, par acquis de conscience, tente de pêcher, bien sur sans succès, nous mangeons le fond d’un sac de pâtes sans réel enthousiasme.
Un troupeau d’éléphants vient boire en face de nous, puis des buffles, puis des impalas, puis des cobs et enfin des babouins. Un gros hippopotame vient encore nous observer, avec son petit à moins de dix mètres de nous, il restera longtemps.
Je capte enfin un message qui nous est destiné sur mon récepteur satellite : « message reçu,organisons récupération expédition, point de rv xxxx, attendez nous ,arrivons par camion 4X4» eh merde, nous sommes quarante kilomètres trop bas ! Je répond au message, mais comme il lui faudra au moins vingt quatre heures pour arriver, l’hélicoptère est une alternative, mais il lui faudra faire au moins trois voyages aller retour pour tout transporter et, à mille dollars US de l’heure…bonsoir la facture. Tant pis demain matin la reconnaissance partira vers l’hypothétique camp des rangers. Il faut regarder les chose en faces, la situation n’est pas si grave, car maintenant nous ne sommes plus loin des routes ou d’un Lodge, rien a voir avec la région a l’ouest de la Ruaha ou la kilombero, complètement inaccessibles.
Profitons du moment présent, car la fin de l’expédition est proche. Je dors bien, malgré la chaleur de la nuit.
Jean-Michel, Jean-Yves et Jean-Pierre forment l’équipe de reconnaissance. Le bush est clairsemé, la végétation éparse, sur les hauteurs de la Rufiji, il doit y avoir probablement de grandes quantités d’animaux sauvages dans le coin,
Machette, carte, boussole, pistolet lance fusées, 5 litres d’eau et les voilà partis.
Nous estimons leur retour dans cinq heures au plus tard.
Attente
Avec Jean Beu, nous prenons notre mal en patience, nous nous installons sur les hauteurs, à l’ombre d’un gros acacias et nous passons en revue les évènements survenus durant cette expédition. Nous voulions de l’action : et des moments forts : nous en avons eu et ce n’est probablement pas fini ! Plus tard nous serons témoins de l’assassinat d’un bébé hippopotames par un gros male, qui le prendra dans sa gueule pour le tuer. C’est pour eux le moyen de s’approprier une femelle. Dur spectacle.
Dominique fait les cent pas en attendant on ne sait quoi, qui viendrai d’on ne sais ou.
Il n’en peut plus, nous nous contentons d’essayer d’apprécier le lieu et le moment en regardant le ciel, avec en bruit de fond les rapides furieux de notre Fleuve bien aimé. La notion de temps est profondément modifiée ici, quel jour ? Combien de temps depuis notre départ ?
Je ne veux pas rentrer en France.
Soudain, un bruit de moteur. Un avion. Un monomoteur. Il arrive assez haut, fait un virage, puis deux. Je pense immédiatement a nos amis qui essaient de nous repérer, il fait un virage sur l’aile, mais passe vite, trop vite, vas t’il nous voir ? j’ai un doute.
Soudain je pense que nous sommes dans le seul endroit de la Rufiji ou il est succeptible d’y avoir des touristes, c’est peut être un avion qui viens jeter un coup d’œil sur les gorges. Dominique saute de joie, gesticule et danse une gigue endiablée. Et puis l’avion s’éloigne…….
Cruelle déception, c’est sur maintenant, c’était probablement un avion de touristes qui venaient apprécier la beauté des lieux et qui nous ont pris pour des originaux en camp de vacances…Nous prendrons donc notre mal en patience, en attendant les autres et en nous préparant psychologiquement a passer quelques prochains jours difficiles. Il doit être aux alentours de midi, au soleil. La chaleur est étouffante, il n’y a pas un brin de vent. Nous allons dans les rochers, nous tremper dans l’eau pour mieux supporter l’air brûlant. Nos deux hippopotames à cinquante mètres sont encore en train de nous observer yeux dans les yeux.
Soudain, de derrière les rochers, surgit Jean-Michel, joyeux, suivi de deux, trois… dix, non, vingt rangers.
Apres avoir marché à la boussole a travers la brousse, ils ont réussi a rejoindre une piste, la première trace de civilisation depuis plus de quinze jours, non loin de la piste d’atterrissage. En suivant cette piste vers le nord, ils sont tombé nez a nez…. avec Michel Lanfrey le producteur et jean Luc qui étaient en train de nous chercher et qui avaient affrétés un Cessna monomoteur pour nous localiser. Ils avaient donc reçu mes messages satellites successifs. Ils nous apprennent que sur les deux hélicoptères de Tanzanie, celui de notre ami William est en ce moment à Nairobi, et l’autre est… en panne. C’était bien eux, dans l’avion, et finalement après l’avoir mesurée, la piste était assez longue pour atterrir.Ils nous apportent quelques sandwich, un délice après le « purgatoire culinaire » de ces derniers jours.
Mais il ne faut pas trop tarder, le chemin du retour est long et tortueux jusqu’au land Rover qui nous attend. Tout est démonté rapidement, encore une fois, nous sommes étonnés par tout le bazar que nous avons trimbalé jusqu’ici. Nous avons le sourire, aujourd’hui nous avons au moins vingt employés pour nous aider a porter le matériel, ça nous change un peu, et, cette foule nous fait tourner la tète. Nous offrons a notre ami Michel une rasade de bonne eau glauque de Rufiji, mhmm ! Il en frémit d’horreur !
Nous quittons la rivière, qui a bien faillit nous garder un peu plus que prévu.
La caravane se forme, les employés portent la majorité de la charge, les rangers, eux sont un peu plus haut placés dans la hiérarchie, rechignent a porter des sacs ; leur truc c’est les armes. Mais ; pas de tire au flanc ! Ils seront payés si ils trimbalent du Bazar ! Ces gens sont d’une résistance et d’une volonté incroyable. Ils supportent sans broncher des charges d’au moins quarante kilos sur la tète. La plupart n’ont même pas de chaussures pour marcher sur les rochers brûlant que nous escaladons, en longeant la rivière pendant plus d’une heure. Le chaos de basalte, d’une largeur de plus de trois cent mètres, longe le cours de la furieuse Rufiji. Une Halte pour souffler un peu. Puis nous obliquons vers la foret et le haut des gorges. Nous suivons un affluent a sec vers l’amont, et le haut du plateau. Les roches sont glissantes et arrondies, il faut parfois escalader les anfractuosités et les failles.
Nous perdons la rivière de vue….en arrivant sur le plateau. Nous marcherons longtemps en file indienne, avant de rejoindre la piste, et le camion. Garé devant l’ancienne station de pompage hors d’usage depuis bien longtemps. On doit être au moins à trois cent mètres au dessus du fleuve, maintenant. L’idée est de rejoindre le Rufiji river camp ce soir, le chauffeur n’est pas très chaud car il n’y a pas vraiment de manager pour lui indiquer la marche a suivre. Je prend la décision de le pousser et.. Il accepte. Nous arrivons alors au camp, qui n’est pas un camp de rangers mais un Lodge en construction, dirigé par un sud africain très chaleureux. Il me rappelle tellement mon ami Paul avec qui nous avons descendu le haut Zambèze il y à deux ans. Accueillant et très impressionné par notre performance, il est avide d’information sur la rivière. Son Lodge n’est pas terminé, mais il l’ouvrira ce soir spécialement pour nous. Apres un petit repos, on prend le Vieux Land Rover, pour un petit Game Drive, dans une savane magnifique. L’herbe est verte, clairsemée, les arbres couleur or, et rouge et toute la vie sauvage de l’Afrique profonde est au rendez vous. Buffles, Impalas, girafes. On s’arrête sur un site spécial, au bord de la falaise, un funiculaire étrange est installé là, depuis plus de vingt ans, et les deux gros câbles qui courent et traversent les gorges, surplombent cet abîme magnifique.Une benne est suspendue et se balance dans le vide. La frêle nacelle de bois était le seul moyen de traverser le fleuve, et de faire passer les véhicules de l’autre coté. Tout est hors d’usage depuis bien longtemps, et l’état des câbles rouillés est plus qu’inquiétant.
Depuis que le gouvernement a abandonné l’idée de construire un barrage dans les environs, tout a été déserté. Encore une chance que le projet ait été abandonné..Mais pour combien de temps ?
Encore une rivière sur laquelle il n’y a aucun pont.
Nous voilà retourné à la civilisation au camp de notre ami Sud Africain. Bière, Coca Cola frais, ragoût de gnous. Ce soir c’est le festin ! La vue de son Lodge est splendide, en contrebas, au loin j’ appercois la rivière qui serpente.
Je rencontre un étrange personnage, un new yorkais qui me raconte son histoire : Businessman, il créa, il y a dix ans une start-up Internet, aujourd’hui introduite en bourse. Maintenant il vit de ses actions, et sa passion, en Afrique au milieu du bush.
Je l’envie énormément.
Il l’a fait à cinquante ans, et je me dis que je ferai le necessaire pour pouvoir faire la même chose avant..
Je dors profondément, dans un vrai lit, ce soir.
Je contacte le loueur d'avion par la radio HF du Lodge, pour fixer le point de rendez-vous sur la piste du Stiegler Gorge Camp, Qui finalement est juste assez longue pour l'avion de notre ami Cornelius. Un petit déjeuner comme on l’avait oublié, nous réconcilie avec la nourriture Le Cessna de Cornelius vient d’arriver.
Le Land Rover est chargé, et tous les employés sont la sur la piste de terre battue pour voir les « Crazy Frenchies » partir. Contact, Cornélius pousse a fond les mille chevaux de son bimoteur. Il s’élance, lourdement chargé et quitte le sol à peine à quelques mètres du seuil de la piste, en rasant la cime des acacias.
Michel me dit que depuis quelques temps ici, on n’entend parler que de nous à la télévision……..
Ce soir nous serons a Dar es Salaam et nous ferons la fête avec esprit une envie irrésistible de revenir titiller la Rufiji le plus vite possible.
2 commentaires:
je penserai a vous en buvant mon prochain verre d'eau venant d'une bouteille...J'ai eu le privilege de passer une soirée avec dedieuleveut qui y a laisser sa peau , d'avoir eu dans ma jeunesse p e victor et haroun tazieff comme copains de mon pére passants a la maison ,j'ai fait du bateau avec e tabarly et quelques ronds sur la planète,très modestement,j'ai reussit a donner le gout et l'amour de l'afrique a quelques copains et je vous envoie le juste coup de chapeau que méritent ceux qui font et vivent la vie comme vous le faites.respect messieurs.
keep on truckin'guys
Salut C'est le stagiaire
ha c'est beau ce qu'on a fait quand même
A la prochaine bamboula
Doum
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